LES HÉMOGLOBINOPATHIES bêta sont les maladies à transmission génétique les plus fréquentes dans le monde. C’est la première fois qu’une thérapie génique efficace est développée pour une maladie génétique de cette fréquence. « La thérapie génique de la bêta-thalassémie est particulièrement difficile à mettre en œuvre étant donné que l’on cherche à obtenir une production importante d’hémoglobine », explique le Pr Marina Cavazzana-Calvo (hôpital Necker-Enfants Malades), première signataire de la publication.
Comme pour tout gène, il existe deux allèles pour assurer la production de la bêta-globine. Les patients beta e/bêta 0, comme le malade traité, possèdent un allèle nul, qui ne peut fournir aucune bêta-globine et un allèle produisant une bêta-globine mutée, un peu fonctionnelle.
C’est une forme de thalassémie intermédiaire, pour laquelle on ne peut prévoir qui aura besoin d’une transfusion sanguine fréquente (mensuelle) ou non.
Corriger un nombre suffisant de cellules souches.
Le patient était traité depuis 3 ans par transfusions sanguines mensuelles. Le vecteur est le fruit de 20 ans de recherches à Boston par le Pr Philippe Leboulch. Dans le cas de la thalassémie, les difficultés sont multiples. Chaque jour un individu a besoin de synthétiser des millions de globules rouges. La difficulté est de corriger un nombre suffisant de cellules souches de manière à obtenir un taux d’hémoglobine permettant de réduire autant que possible, voire d’annuler les besoins de transfusions sanguines.
Un autre problème inhérent à cette thérapie génique est que le gène de la bêta-globine est un très grand gène. Il a fallu compacter cette information dans le virus vecteur. Il a besoin par ailleurs d’un promoteur spécifique de manière à ne pas être exprimé dans toutes les cellules sanguines.
En 2001, il a été montré sur un modèle de thalassémie chez la souris, que la correction de l’anémie est possible. En 2006, les chercheurs reçoivent l’autorisation de l’Afssaps. Un premier patient est traité, mais c’est un échec. En tirant parti des enseignements de cet essai, un deuxième patient est traité en 2007. La thérapie génique s’est révélée suffisamment efficace pour que, plus de 3 ans après le début du traitement, il n’ait plus besoin de transfusions. Il mène une existence normale.
Le protocole consiste tout d’abord à prélever la moelle osseuse du patient ou bien les cellules sou?ches du sang périphérique. On sait que l’on devra ensuite réinjecter au moins 3 millions de cellules souches par kilo de poids pour assurer une reconstitution hématologique correcte. Dans le cas du patient, on a récolté suffisamment de cellules souches hématopoïétiques à partir de la moelle osseuse.
Les cellules CD34 positives sont isolées. Ce sont les cellules sou?ches hématopoïétiques responsables de la fabrication de toutes les cellules sanguines.
Vecteur viral dérivé d’un VIH.
Ces cellules ont été mises en contact avec le vecteur viral dérivé d’un VIH. Ce virus est délété de tous les gènes dangereux. En revanche, il contient les séquences qui permettent d’amener le gène au cœur de la cellule et son intégration dans les cellules ciblées. Le VIH est choisi, car des travaux en 2000-2002 avaient montré que ce lentivirus peut s’intégrer directement dans les cellules actives métaboliquement, sans nécessairement être en cycle cellulaire. Il peut pénétrer à travers les pores nucléaires, ce qui raccourcit le temps de manipulation des cellules.
La manipulation prend trois jours : sélection des cellules CD34 ; activation avec des cytokines hématopoïétiques ; mise en contact avec le virus qui porte le gène thérapeutique sous contrôle d’un promoteur spécifique de la bêta-globine. Les cellules sont congelées le temps nécessaire aux contrôles de sécurité virale et bactériologique (environ un mois).
Le malade a été ensuite rappelé et pris en charge à l’hôpital Saint-Louis (par le Pr Éliane Gluckman). Il a reçu un traitement chimiothérapique détruisant les cellules de la moelle osseuse. Puis, quelques jours après, le temps que les produits de chimiothérapie aient été éliminés, il a reçu son autogreffe de cellules génétiquement modifiées. Elles vont repeupler la moelle osseuse et renouveler le système hématopoïétique.
« Trente-trois mois après le transfert de gène, le jeune adulte traité qui était dépendant des transfusions depuis l’enfance n’a plus besoin d’en recevoir. L’hémoglobine sanguine se maintient entre 9 et 10 g/dl. Un tiers de cette hémoglobine contient la bêta-globine codée par le gène. »
M. Cavazzana-Calvo, Philippe Leboulch et coll. Nature, 16 septembre 2010.
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