RÉDUIRE de 25 % l’usage des antibiotiques en cinq ans. C’est l’objectif fixé à la fois par le ministère de la Santé et par celui de l’Agriculture, dans leurs plans respectifs de lutte contre l’antibiorésistance, en santé humaine et animale.
Concernant la santé animale, l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pointe une progression des résistances aux fluoroquinolones et aux céphalosporines de 3e et 4e générations. Or, ces catégories d’antibiotiques « sont d’importance critique en santé humaine et animale », s’alarme l’ANSES, qui rappelle qu’elles « doivent être strictement réservées aux traitements de 2e intention ». Le plan national de réduction des risques d’antibiorésistance en médecine vétérinaire présenté par le ministère de l’Agriculture prévoit que la prescription de ces médicaments « critiques », sera conditionnée à la réalisation préalable d’un examen complémentaire comme un antibiogramme. Pour Pascale Briand, directrice générale de l’alimentation, « les antibiotiques constituent un arsenal très particulier de médicaments, que l’on peut considérer comme un bien public. Ils doivent être mobilisables de façon pérenne. C’est d’autant plus important que le développement de nouveaux antibiotiques est très limité ». Pour y parvenir, le plan prévoit par exemple de sensibiliser les éleveurs et les vétérinaires à la bonne utilisation des antibiotiques et met l’accent sur le développement de moyens diagnostiques rapides. Les pharmaciens ne sont pas oubliés et la mesure n° 9 prévoit qu’ils « seront sensibilisés à l’examen des ordonnances vétérinaires - afin qu’ils disposent de la même expertise que pour les ordonnances de médecine humaine - et aux problématiques concernant le renouvellement et l’interdiction de substitution des antibiotiques vétérinaires ».
Limitation des marges
Par ailleurs, le plan prévoit la promotion de la recherche, notamment sur des vaccins et sur de nouvelles molécules réservées à la médecine vétérinaire. Le ministère souhaite aussi étudier l’opportunité d’une redevance sur les ventes d’antibiotiques afin de financer les actions préventives du plan et envisage d’adapter les conditionnements pour de ne pas pousser à la surconsommation.
Par ailleurs, les pratiques commerciales des vétérinaires devraient être revues, « par la suppression de contrats de coopérations commerciales et la limitation des marges susceptibles d’influencer la prescription ». En revanche, « il n’y aura pas de remise en cause du rôle du vétérinaire dans la délivrance des antibiotiques, en raison de son intérêt sanitaire, notamment dans les élevages, souligne Pascale Briand. Le contexte est différent de celui de la médecine humaine. Il n’y aura donc pas de séparation entre prescription et délivrance ».
Au chapitre de la santé humaine, « la situation française est contrastée, avec une diminution de consommation de 16 % en dix ans, mais une légère augmentation depuis cinq ans », remarque Marie-Hélène Loulergue, sous-directrice à la direction générale de la santé (DGS), en charge de la prévention des risques infectieux. Les généralistes restent les plus gros prescripteurs d’antibiotiques (71,7 % des prescriptions), avec de fortes disparités selon les régions : le Nord est très fort consommateur et le Sud arrive juste après.
Formation et sensibilisation
Afin de réduire la consommation de 25 % d’ici à cinq ans, le « plan national 2011-2016 d’alerte sur les antibiotiques » s’articule autour de l’information du public et des acteurs de santé, la formation, la surveillance des consommations et des résistances, ainsi que la promotion de la recherche. Concernant la formation, il propose notamment de « compléter le cursus de pharmacie par un module de pharmacie clinique relatif à la juste utilisation des antibiotiques ». La formation continue est également abordée, avec la proposition d’« inclure la juste utilisation des antibiotiques dans le socle du développement professionnel continu (DPC) et mettre en place des modules de formation continue adaptés ». Les prescripteurs et les patients seront pour leur part sensibilisés « aux enjeux de l’antibiothérapie ».
Le ministère de la Santé souhaite en outre développer les tests d’orientation diagnostique et généraliser leur utilisation. Il envisage également d’encadrer les modalités de dispensation des antibiotiques, notamment en ville, en établissant une liste des antibiotiques de dernier recours dont l’utilisation serait réservée « aux situations dans lesquelles ils sont nécessaires ». L’idée d’attribuer un « statut spécifique » aux antibiotiques, « afin de donner plus de force à leur protection », est également évoquée. Le ministère de la Santé souligne que « la France reste encore l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe ». Il s’agit maintenant de réduire coûte que coûte cette consommation, pour éviter un nombre croissant de situation d’impasses thérapeutiques. « Il faut mobiliser l’ensemble des acteurs, pour concilier la qualité de prise en charge du patient et la préservation d’une ressource rare, précieuse et difficile à renouveler », conclut Marie-Hélène Loulergue.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques