Éradiquer la tuberculose d’ici à 2035, l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sera-t-il atteint ? C’est sans compter les défis que pose aujourd’hui la tuberculose multirésistante (MDR), c’est-à-dire résistante à la rifampicine et à l’isoniazide, et la tuberculose ultra-résistante (XDR), qui présente une résistance supplémentaire aux fluoroquinolones et à au moins un antituberculeux injectable.
En ce sens, l’étude menée en Afrique du Sud (1) chez 109 patients ayant une tuberculose MDR ou XDR, avec le soutien de la TB Alliance (OMS), est une bonne nouvelle. Dans « The New England Journal of Medicine », l’équipe coordonnée par la Dr Francesca Conradie rapporte les résultats prometteurs à six mois d’une trithérapie orale associant bédaquiline, prétomanide et linézolide (dite « BpaL »), sachant que la bédaquiline et le linézolide sont recommandés en première ligne par l’OMS contre la tuberculose MDR pour une durée de 18 mois.
Dans l’éditorial (2), le Pr Guy Thwaites de l’université d’Oxford et le Dr Payam Nahid de l’université de Californie ne mâchent pas leurs mots, n’hésitant pas à parler de « triomphe ». « Les auteurs doivent être félicités pour leur vision et leur courage à s’attaquer aux formes les plus difficiles à traiter de tuberculose », écrivent-ils.
Une toxicité fréquente mais « gérable »
Au total, à six mois dans l’étude baptisée Nix-TB, 90 % (n = 98) des patients traités ont eu une évolution favorable, y compris 63 des 71 patients (89 %) ayant une tuberculose XDR. Seulement 10 % (n = 11) des participants ont présenté une évolution défavorable (critère principal de jugement), définie comme un échec de traitement (clinique ou bactériologique) ou la rechute lors des six mois de suivi post-traitement. Parmi ces cas, il y a eu sept décès (six sous traitement et un lors du suivi de cause inconnue), un retrait de consentement, deux rechutes lors du suivi et un perdu de vue.
En miroir, l’évolution favorable était définie comme la résolution clinique de la maladie, un statut négatif en culture et sans évolution défavorable décrite précédemment. De plus, parmi les 47 patients d’évolution favorable ayant été suivis à 24 mois, une seule rechute a été rapportée.
Par ailleurs, concernant la tolérance, l’étude Nix-TB met en évidence la toxicité attendue du linézolide à type de neuropathie périphérique (81 % des patients) et la myélosuppression (48 %), qualifiées de « fréquentes et gérables, conduisant souvent à une réduction de doses ou une interruption du linézolide » par les auteurs.
À limiter à la recherche et au cas par cas
La tolérance et les limites méthodologiques de l’étude, menée dans un seul pays, non randomisée, ouverte à un seul bras, ont conduit l’OMS à communiquer ses réserves fin décembre 2019 avant même la publication. Malgré le taux élevé de réussite affiché, l’agence onusienne indique que la trithérapie « ne doit pas être envisagée pour une utilisation programmée dans le monde tant que des preuves supplémentaires d’efficacité et de tolérance ne sont pas générées ».
Pour l’OMS, la trithérapie doit être administrée « dans le cadre de la recherche opérationnelle » chez des patients ayant une tuberculose XDR, et non précédemment traités par bédaquiline et linézolide (moins de deux semaines) ou au cas par cas « en dernier ressort » chez des patients pour lesquels « un protocole efficace recommandé n’est pas possible ».
L’OMS a tenu à communiquer rapidement cette mise en garde, alors qu’elle annonce dans le même temps préparer de nouvelles recommandations sur la tuberculose multirésistante pour le courant de l’année 2020, qui « remplaceront toutes les précédentes et actuelles » sur le sujet. Et d’ores et déjà, l’OMS indique que la bédaquiline aura une place de choix, en traitement court ou long selon les situations.
Près de 500 000 cas de tuberculose multirésistante et résistante à la rifampicine surviennent chaque année dans le monde. Pour les éditorialistes, la guerre est loin d’être gagnée et l’essai Nix-Tb n’est qu’une étape : il y a urgence à relancer des essais innovants de phase 2 et 3 dans la tuberculose, sur le modèle de ce qui a été fait dans le VIH ou l’hépatite C, si l’on veut éviter des « tragédies » à l’avenir, alertent-ils.
(1) F Conradie et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMoa1901814, 2020.
(2) G Thwaites et al. NEJM. DOI:10.1056/NEJMe2000860.
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