Le 19 août 2014, le personnel de Médecin sans Frontière (MSF) en charge du centre de traitement de Foya, au Liberia, doit faire face pendant 12 jours à une rupture de stock de l’antipaludique Riamet (artéméther/luméfantrine). Conformément aux recommandations, le protocole du centre exige pourtant qu’un traitement antipaludique soit systématiquement administré pendant trois jours à tous les patients qui y sont admis. Les médecins se rabattent donc sur un autre traitement : l’association artésunate/amodiaquine (ASAQ).
Cet épisode fortuit et insignifiant aurait pu être définitivement enfoui dans les replis de l’histoire humanitaire, si l’amodiaquine n’avait pas fait partie des molécules identifiées un an plus tôt par le Dr Peter Madrid du centre américain de recherche sur les maladies infectieuses et la défense contre le bioterrorisme (Menlo Park, Californie) comme étant potentiellement active contre le virus Ebola. Étienne Gignoux, et ses collègues du centre de recherche Epicentre de MSF s’intéressent alors à l’histoire de Foya.
Coup de chance : le centre note précisément les traitements administrés à chaque patient ainsi que leurs charges virales à l’admission. Une étude rétrospective est donc lancée, qui conduit à une découverte importante : l’ASAQ réduit le taux de mortalité des patients infectés par le virus Ebola, comparé au Riamet ou à l’absence d’antipaludéen.
La mortalité en baisse de 31 %
En tout, 381 patients infectés par le virus Ebola ont été inclus dans l’étude, dont 194 ont reçu du Riamet, 71 ont reçu de l’ASAQ, 63 n’ont pas reçu de traitement et 53 pour qui la prise d’antipaludéen n’était pas connue. Dans un article publié ce jeudi dans le « New England of Medicine », les auteurs expliquent que 64,4 % des patients sous Riamet sont décédés, contre 50,7 % des patients sous ASAQ. Selon leur analyse ajustée pour les facteurs de risque, la prescription de ASAQ est associée à une baisse de 31 % du risque de mortalité par rapport à la prise de Riamet.
Chez les 272 patients de l’étude dont les tests de diagnostic du paludisme sont revenus négatifs, les auteurs ont découvert que l’ASAQ est associé à une baisse de 36 % du risque de décès. Il n’y avait en outre pas de différence significative entre les patients sous Riamet et ceux sans traitement.
Chez les patients effectivement porteurs du Plasmodium, Il n’y avait pas de différence de mortalité chez les patients sous ASAQ et ceux sous Riamet (environ 54 % dans les deux groupes) et les deux associations amélioraient la mortalité comparé à l’absence de traitement (90 % de mortalité).
« Ce qui est intéressant poursuit l’épidémiologiste Étienne Gignoux, c’est que l’on a d’abord donné du Riamet avant de passer à l’association artésunate/amodiaquine puis de revenir au Riamet. On a eu une décroissance de la mortalité qui est remontée ensuite. » Ce décrochage renforce l’hypothèse d’une action protectrice de l’amodiaquine. « Il s’agit d’une recherche "naturelle" qui a eu lieu grâce à un concours de circonstance. On échappe donc au biais de confirmation », estime Étienne Gignoux qui reste cependant prudent : « Il est possible que le traitement artéméther/luméfantrine soit lié à une augmentation du risque de décès, même si cette possibilité n’est soutenue par aucune explication », précise-t-il.
Médecin sans Frontière a d’ores et déjà pris la décision de ne délivrer que de l’ASAQ dans ces centres de traitement suite à ces résultats. Les chercheurs d’Epicentre se sont mis en quête de données d’autres centres afin d’étoffer leurs observations. « Nous souhaiterions aussi mener des recherches chez l’animal : nous nous sommes rapprochés de l’OMS et d’équipe des NIH. Notre publication dans le New England nous donne un peu plus de poids », espère Étienne Gignoux.
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