L’immunothérapie dans les cancers digestifs

Un enthousiasme à tempérer

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Publié le 26/11/2018
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Les résultats préliminaires des essais cliniques d’immunothérapie varient selon les localisations, mais l’effet semble moins spectaculaire que dans les mélanomes et les cancers bronchiques. Explications du Pr Éric Raymond, cancérologue, chef de Service à l’Hôpital Paris Saint-Joseph.
immunotherapie

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« Dans les cancers digestifs, les résultats préliminaires de l’immunothérapie suscitent l’enthousiasme, mais restons prudent. L’efficacité modérée dans de petites études de phase I ou II doit être confirmée en phase III », tient à préciser le Pr Raymond.

Les études cliniques d’immunothérapie sont moins avancées dans les cancers digestifs que ne laisse penser la médiatisation. L’immunothérapie n’est susceptible de ne bénéficier qu’aux patients dont la tumeur exprime PD-L1, ou à instabilité microsatellitaire (statut MSI), voire d’autres marqueurs à déterminer.

Résultats préliminaires

Dans les cancers du colorectaux, les 1res études semblent confirmer que les tumeurs MSI sont plus sensibles à l’immunothérapie. « Mais elles sont rares et souvent de bon pronostic. Elles représentent moins de 4 % des cancers colorectaux métastatiques. L’immunothérapie n’a pas d’intérêt pour la grande majorité de patients dont la tumeur a un statut MSS (absence d’instabilité microsatellitaire) », tempère le spécialiste.

Le statut MSI débouche donc rarement sur un traitement. L’enthousiasme chez les patients MSI repose sur des études de phase II avec peu de patients, 41 dans l’étude de Le DT et al. sur laquelle se fonde la commercialisation du pembrolizumab aux USA (1). « Il y a < 50 % de taux de réponse. Sur l’ensemble de mes patients atteints de tumeur colorectale métastasée, seuls 2 % pourraient profiter d’une immunothérapie. Mais certains répondent à plus long terme et pour eux, c’est une révolution », note le Pr Raymond. Deux essais de phase III évaluent l’immunothérapie vs chimiothérapie dans les tumeurs colorectales MSI (KEYNOTE 177 avec le pembrolizumab en 1re ligne métastatique, PRODIGE 54 - SAMCO avec l’avélumab en 2e ligne métastatique).

 Dans les cancers œsogastriques après chimiothérapie, l’immunothérapie semble avoir une activité modeste et sur une population restreinte (forte expression de PD-L1, MSI). Une étude (2) de phase III du nivolumab vs placebo chez 493 patients en échappement à la chimiothérapie retrouve dans le bras nivolumab, une légère amélioration de la médicane de survie globale (5,3 vs 4,1 mois). Dans le cancer du pancréas, aucun bénéfice n’a été démontré. Dans le carcinome hépatocellulaire, les études de phase 2 suscitent l’enthousiasme, et doivent être confirmées en phase 3 (CHECKMATE 459, KEYNOTE 224, résultats attendus en 2019-2020). Dans les cancers épidermoïdes du canal anal, l’immunothérapie aurait potentiellement un intérêt par analogie aux cancers ORL. En France, l’immunothérapie est disponible à partir des programmes AcSé. Des études sont en cours qui associent immunothérapie et chimiothérapie pour tenter de potentialiser les effets. Des progrès s’imposent pour sélectionner les patients répondeurs, traiter à bon escient et limiter les coûts.

(1) Le DT et al., NEJM 2015;372(26):2509-20.
(2) Kang YK et al., Lancet 2017; 390(10111): 2461-2471.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3476