LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quels ont été vos premiers pas dans la recherche ?
SERGE BRAUN.- Pharmacien diplômé de la faculté de Strasbourg en 1985, je me destinais à la recherche et à l’industrie pharmaceutique. Après un DEA de pharmacologie, j’ai entrepris une thèse en ce domaine sur une maladie neuromusculaire auto-immune, la myasthénie. Mes travaux m’ont notamment conduit à tester l’intérêt de l’interféron, que nous fabriquions nous-mêmes, et nous avons été jusqu’à un essai clinique sur trois patients. C’était mes premiers pas dans le neuromusculaire. Mais en première année de thèse, en 1986, notre laboratoire a reçu la visite de Bernard Barataud, alors président de l’AFM, une petite association alors très peu connue qui n’avait pas encore adapté en France le Téléthon et qui finançait nos travaux. Une journée passée à discuter avec lui qui m’a beaucoup marquée.
Puis, j’ai bénéficié d’une bourse de l’AFM pour passer deux ans aux États-Unis, au cours desquels j’ai poursuivi des recherches sur des modèles in vitro de muscles. À mon retour en France, j’ai travaillé durant quatre ans dans mon laboratoire de Strasbourg sur des modèles de cocultures nerf-muscle ramenés des États-Unis, testant des molécules neurotrophiques. J’ai aussi, durant cette période, développé, grâce encore au soutien de l’AFM, un modèle d’amyotrophie spinale infantile, une maladie génétique conduisant à une paralysie musculaire consécutive à la mort des motoneurones et dans laquelle on sait maintenant qu’il existe aussi une participation proprement musculaire. Puis j’ai été approché par Transgene, une très belle biotech de thérapie génique faisant partie du groupe Mérieux.
Quels travaux avez-vous mené au sein de Transgene ?
J’ai été recruté en 1995 pour lancer un programme de thérapie génique dans la myopathie de Duchenne, maladie pour laquelle il n’existait à l’époque aucun traitement et pour laquelle nous envisagions le transfert dans les muscles du gène de la dystrophine ; cela dans le cadre d’un partenariat avec l’AFM. Mes travaux ont conduit à un essai clinique de phase I sur 9 patients en 2003 ; travaux qui se poursuivent aujourd’hui au sein de l’AFM, en parallèle de bien d’autres voies qui ont émergé.
En 2001, je suis devenu directeur de la recherche de Transgene. Après dix ans de cette expérience industrielle si riche, j’ai quitté Transgene, abandonné mes parts dans une société de service (Neurofit) spécialisée dans l’évaluation in vitro et in vivo du système nerveux périphérique et que j’avais contribué à créer, et rejoint l’AFM comme directeur scientifique.
Comment avez-vous été amené à rejoindre l’AFM ?
J’y ai été invité et, comme je l’ai dit, au fond, ma carrière a été jalonnée par l’AFM dès ma première année de thèse. Un facteur déclencheur a été une grande charge émotionnelle, née de la rencontre avec les malades, leur famille, les bénévoles et les organisateurs de manifestations Téléthon jusque dans les plus petits villages. J’y ai mis un doigt, puis je me suis complètement investi. Cela étant, la décision de quitter Transgene a été difficile à prendre, car c’est une entreprise extraordinaire, portée par une famille pour laquelle j’ai le plus grand respect, créée par des pionniers de la biologie moléculaire et qui s’est lancée dans la thérapie génique dès le début des années quatre-vingt-dix, où je me sentais très bien. Une entreprise qui développe actuellement, entre autres, des vaccins thérapeutiques dans les cancers du poumon (et potentiellement bien d’autres cancers), ainsi que dans les infections persistantes du col de l’utérus par le virus de papillome.
En quoi consistent les fonctions de directeur scientifique de l’AFM ?
C’est un poste à multiples facettes. Mon travail consiste à coordonner l’ensemble des activités scientifiques de l’AFM, assurer les appels à projets, monter des programmes de recherche, s’impliquer en direct avec les chercheurs et les cliniciens, créer des réseaux de collaboration et de partenariat avec les laboratoires académiques, les grandes institutions de recherches publiques et les laboratoires pharmaceutiques. Il consiste aussi à contribuer à informer, expliquer de manière simple et didactique, l’état des progrès scientifiques et les problématiques de la recherche. Parallèlement, j’ai retrouvé la même atmosphère de pionniers, avec un sens de l’éthique très développé, que j’avais vécu au sein du groupe Mérieux.
L’AFM, qui focalise son activité sur les maladies rares, prioritairement mais pas uniquement neuromusculaires, s’est dotée aussi de « bras armés », des structures fortes de recherche et d’essais cliniques. Sans abandonner sa mission d’identifier les gènes à l’origine des maladies et comprendre leurs mécanismes physiopathologiques, dans laquelle son premier bras armé, le Généthon, a joué un rôle majeur, son objectif principal depuis une dizaine d’années est de s’investir dans la thérapeutique. Généthon, par exemple, s’est organisé comme une biotech à but non lucratif focalisée sur la thérapie génique. Mais toutes les pistes sont évaluées par l’AFM, incluant la pharmacologie classique et la thérapie cellulaire. L’AFM est impliquée actuellement dans une trentaine d’essais cliniques pour une vingtaine de maladies, dont la moitié sont neuromusculaires.
Quelles sont les activités de l’AFM financées par les ressources du Téléthon ?
Il existe deux grands types de programmes financés par l’AFM. Il s’agit, d’une part, d’appels d’offres à projets répondant à la stratégie fixée, ce qui nous amène à sélectionner, avec l’aide d’un conseil scientifique indépendant, les projets qui nous paraissent les plus pertinents, et à allouer des financements de l’ordre de 50 000 euros par an et parfois plus. Et, d’autre part, de projets de grande envergure, menés avec des institutions académiques ou semi-académiques comme l’INSERM, le CNRS, le CEA, l’AP-HP ou l’Institut Pasteur et des entreprises privées (beaucoup biotechnologiques), qui représentent des programmes stratégiques menés durant plusieurs années et qui supposent des niveaux de financement et un accompagnement beaucoup plus important, pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros par an.
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