D’emblée, le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Dominique Martin, prévient, « cette AMM n’est pas un blanc-seing ». « Nous attendons des études qui nous ont été annoncées lors des auditions publiques de la commission mixte et l’ANSM conduira des investigations. » L’annonce de l’octroi de l’AMM à Baclocur (baclofène) du laboratoire Éthypharm dans la réduction de la consommation alcoolique « et non dans le sevrage », n’en est pas moins une décision sinon inattendue, au moins exceptionnelle.
Si Baclocur avait suivi la procédure habituelle lors de toute demande d’AMM, cette dernière aurait dû lui être refusée. En effet, l’évaluation du dossier présenté par Éthypharm s’est achevée en avril dernier sur un bénéfice-risque défavorable. En cause ? Les études sur lesquelles le laboratoire s’appuie, en particulier Bacloville, présentent de « sérieux problèmes méthodologiques » empêchant toute conclusion positive. Mais l’ANSM avait prévu, « au regard de l’intensité des débats sur le sujet et de la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) en cours qui concerne des dizaines de milliers de patients », de mettre en place non seulement un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) pour évaluer le bénéfice-risque du baclofène dans l’alcoolodépendance, mais également un comité mixte pluridisciplinaire pour auditionner praticiens et patients et apporter une vision de santé publique. « Ce comité a souligné les mêmes difficultés concernant l’AMM mais en admettant que le baclofène pouvait avoir un intérêt dans certaines circonstances et à condition d’être encadré », remarque Dominique Martin, qui a été particulièrement sensible aux témoignages des hépatologues.
Compétence en addictologie
Prenant aussi en compte que l’alcoolisme est une « maladie gravissime qui entraîne 50 000 décès par an en France » et qu’aucun médicament n’affiche une « efficacité patente » dans cette indication, l’ANSM octroie l’AMM à Baclocur dans la réduction de la consommation d’alcool, en complément d’un suivi psychosocial, en dernière intention après échec des traitements existants – à savoir Selincro (nalméfène) et Alcover (oxybate de sodium) - chez des patients ayant une forte dépendance et une consommation élevée : 60 mg d’alcool par jour chez l’homme, 40 mg d’alcool par jour chez la femme. La posologie prévoit une augmentation progressive du dosage pour trouver la plus petite dose efficace et conserve la même dose maximum que dans la recommandation temporaire d’utilisation (RTU) à 80 mg par jour. Baclocur pourra être prescrit par tout médecin, de préférence ayant une compétence en addictologie, et fera l’objet d’une surveillance « extrêmement attentive » dès commercialisation. Sa mise sur le marché n’est pas attendue avant plusieurs mois, Baclocur devant être évalué par la commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) avant d’entrer en négociation sur son prix avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Baclocur sera alors disponible en comprimés sous trois dosages : 10, 20 et 40 mg. En attendant de passer ces étapes, la RTU du baclofène est maintenue.
« C’est une situation franco-française qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde. À ma connaissance il n’y a pas d’AMM ou de demande d’AMM du baclofène dans l’alcoolisme dans un autre pays. Il s’agit d’ailleurs d’une AMM nationale, ce qui est rare, les demandes se font désormais au niveau européen », remarque Dominique Martin. Il ajoute : « Aucun produit n’a bénéficié d’autant d’attention. Ça reste un médicament, avec des bénéfices et des risques, qui seul ne peut rien contre l’alcoolisme mais peut aider en complément d’une prise en charge globale ».
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