Les maladies à prion sont des troubles neurodégéneratifs fatals causés par le mauvais pliage de la protéine prion (codée par le gène PRNP). Tandis que moins de 1 % des cas sont acquis par transmission alimentaire (maladie de la vache folle) ou iatrogène de protéine prion mal pliée, la majorité des cas (84 %) sont sporadiques, c’est-à-dire sans anomalie du gène PRNP ou exposition environnementale connue, et 15 % des cas sont génétiques par mutations dominantes du gène PRNP.
En 2011, un an après le décès de sa mère emportée a l’âge de 50 ans par une insomnie familiale fatale, une maladie à prion génétique, Sonia M. Vallabh découvre qu’elle porte la même mutation PRNP.
Face à cette perspective funeste, cette consultante en droit diplômée de Harvard, et son mari, Éric Minikel, consultant en ingénierie des transports formé au MIT, changent alors de carrière. Tous deux débutent un doctorat en biologie à Harvard et se plongent dans la recherche avec la ferme intention de découvrir des traitements pour les maladies à prion, toujours incurables à l’heure actuelle.
« Notre première question en apprenant que je portais la mutation qui avait tué ma mère était de savoir quel était mon risque de développer la maladie », explique Sonia. « La littérature scientifique fait état de 63 mutations de PRNP liées causalement aux maladies à prion, explique Éric. Mais pour certaines, le lien causal n’est pas certain, et pour d’autres, on ignore leur pénétrance, c’est-à-dire la probabilité de développer la maladie si l’on porte la mutation. »
Certaines mutations sont bénignes
Afin de préciser la pénétrance des variants, Éric Minikel et sa femme, avec l’équipe du Dr Daniel MacArthur (Broad Institute du MIT et Harvard), ont analysé plus de 16 000 cas de maladie à prion (rapportés au Japon, en France et dans d’autres pays européens), et ont utilisé pour comparaison deux larges bases de données de population témoin - l’Exome Aggregation Consortium portant sur plus de 60 000 individus, et la base de données de la compagnie 23andme portant sur plus d’un demi million d’individus ayant consenti à participer aux recherches.
L’étude révèle que les variants de PRNP précédemment identifiés comme pathogéniques sont en fait, contre toute attente, beaucoup plus fréquents dans la population. Si les chercheurs confirment que 4 variants sont clairement pathogéniques avec 100 % de pénétrance, 3 autres variants se révèlent être bénins. Enfin 3 autres variants confèrent des risques allant de 0,1 % à 10 %.
Une autre découverte a des implications thérapeutiques. Les modèles animaux ont suggéré une stratégie thérapeutique : réduire la quantité de protéine prion pour retarder la survenue de la maladie. Il restait toutefois à savoir si un taux plus faible de cette protéine, dont la fonction n’est pas encore bien connue, pouvait être sans risque. Les chercheurs ont identifié 3 individus sains âgés portant une copie inactivée du gène PRNP, et présentant donc probablement 50 % du taux normal de la protéine prion. C’est la première validation chez l’homme qu’une stratégie de réduction de la protéine prion pourrait être sûre.
Améliorer le Conseil génétique
« Nous espérons que ces résultats affecteront immédiatement le conseil génétique donné à une poignée d’individus », souligne Sonia, dont le variant est malheureusement presque 100 % pénétrant. Cependant, un individu d’une autre famille a déjà pu recevoir la bonne nouvelle que son variant était bénin. Si les 10 variants sont les plus fréquents, le pronostic demeure incertain pour les 15 % d’individus porteurs des autres variants à risque.
L’été dernier, Sonia et Éric ont rejoint le laboratoire du Dr Stuart Schreiber (Broad Institute), spécialisé en biologie chimique et découverte pharmacologique, afin d’avancer la recherche de thérapies pour les maladies humaines à prion. « Nous sommes encore au stade où nous essayons de découvrir des molécules candidates, confie au « Quotidien » Éric Minikel. Ainsi, bien que je sois très optimiste pour le long terme, je ne pense pas qu’un traitement puisse être bientôt disponible. »
Comme le soulignent Lebo et coll. dans un article associé, « l’histoire de cette recherche témoigne de la générosité de milliers d’individus et de chercheurs qui ont partagé leurs données sans contrepartie, et de l’engagement inébranlable d’un jeune couple pour modifier son destin génétique en apparence immuable ».
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