TROIS PRODUITS laitiers par jour, le message du Plan National Nutrition Santé (PNNS) est simple et facile à retenir. Trop simple ? C’est sans doute l’avis partagé par l’équipe du Pr Karl Michaëlsson à l’université d’Uppsala, qui vient d’obtenir des résultats plus que surprenants quant aux effets de la consommation de lait sur la santé. L’analyse s’appuie sur les données de deux larges cohortes suédoises, l’une chez des femmes âgées entre 39 et 74 ans (n = 61433) et l’autre chez des hommes âgés entre 45-79 ans, (n = 45 339), avec un suivi respectivement d’un peu plus de 20 et 10 ans. Les résultats, en totale contradiction avec les recommandations actuelles pour la prévention de l’ostéoporose, donnent du grain à moudre aux détracteurs du lait de vache.
L’étude 100 % suédoise a montré que la mortalité augmentait avec la consommation de lait, dans les deux sexes, en particulier chez les femmes. Dans la cohorte féminine, 15 541 d’entre elles sont décédées et 17 252 ont présenté une fracture, dont 4 259 une fracture de hanche ; du côté des hommes, 10 112 sont décédés et 5 066 ont eu une fracture, dont 1 166 une fracture de hanche. La mortalité était presque doublée pour les femmes qui buvaient ≥ 3 verres de lait/jour (en moyenne 680 ml) par rapport à celles qui en consommaient moins de 1 par jour (en moyenne 60 ml). Pour chaque verre de lait supplémentaire, la mortalité était augmentée de 15 % chez les femmes et de 3 % chez les hommes.
Des yaourts et du fromage à la place.
Chez les femmes, pour chaque verre de lait consommé, le risque fracturaire ne diminuait pas quel que soit le type de fracture, y compris pour la hanche. L’incidence était même augmentée avec la consommation. Le contraire exact de ce qui est attendu des apports en calcium pour la santé osseuse ! Mais tous les produits laitiers ne seraient pas à la même enseigne. Les chercheurs suédois ont ainsi constaté que les produits laitiers fermentés, c’est-à-dire les yaourts et les fromages, ne sont pas associés à une mortalité et un risque fracturaire augmentés.
Selon les auteurs, ces résultats sont en faveur de l’hypothèse incriminant le lactose et le D-galactose dans les effets supposés délétères du lait. Ces deux glucides sont en effet quasiment absents des produits fermentés. Des preuves ont été apportées chez l’animal du rôle favorisant du D-galactose dans le stress oxydatif et l’inflammation chronique. Chez la souris, même à petite dose, des injections à une dose correspondant à 1 à 2 verres de lait chez l’homme ont accéléré leur vieillissement. Les auteurs émettent donc l’idée que la mortalité et le risque fracturaire seraient médiés par le lactose et une augmentation du stress oxydatif.
Une démonstration séduisante à interpréter avec prudence.
Les chercheurs suédois étayent leur théorie avec la mesure de biomarqueurs, l’un relatif au stress oxydatif, le 8-iso-PGF2alpha urinaire, l’autre à l’inflammation, l’interleukine 6 sérique. Dans deux sous-groupes, l’un chez les hommes et l’autre chez les femmes, ils ont constaté une association positive entre la consommation de lait et les biomarqueurs.
Pour autant, il est bien difficile de prendre pour argent comptant de tels résultats. Les auteurs eux-mêmes soulignent « qu’une interprétation prudente de ces résultats est recommandée », compte tenu du caractère observationnel de leur étude et du risque inhérent de facteurs confondants résiduels et de causalité inversée. Une étude publiée dans le « Jama Pediatrics » en novembre 2013 avait elle aussi semé le doute. Une équipe de Harvard avait rapporté l’absence d’effet entre la consommation de lait à l’adolescence et le risque ultérieur de fracture de hanche à l’âge adulte. Pire, il apparaissait plus élevé chez les sujets masculins. En fait, ce phénomène paradoxal pourrait s’expliquer par la plus grande taille acquise à l’adolescence par les gros buveurs de lait.
Des études d’intervention nécessaires.
Pour le Pr Patrice Fradellone, rhumatologue au CHU d’Amiens, les recommandations actuelles ne sont pas remises en cause : « Il faut se garder de conclusions hâtives. On ne peut pas tirer de liens de causalité dans une étude épidémiologique observationnelle, qui plus est nutritionnelle, où les biais peuvent être multiples et cachés. En revanche il peut être réellement dangereux d’abandonner une source de calcium chez des gens qui en ont besoin. L’étude pose des questions complémentaires sans apporter de réponses ». Seules des études d’intervention sont en mesure d’apporter des éléments de réponse vraiment fiables. Comme le rappelle le Pr Mary Schooling, de la New York School of Public Health, en conclusion de son éditorial : « Alors que la consommation de lait augmente dans le monde avec le développement économique (...), le rôle du lait sur la mortalité doit être déterminé aujourd’hui avec certitude ».
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