L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’avait sans doute pas l’intention de semer la panique dans les foyers. Pourtant, la publication d’une monographie du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une branche de l’OMS, sur la classification de la charcuterie et de la viande rouge en cancérogène et probablement cancérogène a subitement défrayé la chronique. Comble de la situation, ces nouvelles données « ne changent absolument rien aux recommandations actuelles », selon le Dr Dominique Bessette, responsable du département Prévention à l’Institut national contre le cancer (INCa). « Il ne s’agit pas d’interdire la viande rouge mais d’en consommer de façon modérée, explique le Pr Serge Hercberg, spécialiste de nutrition et président du programme national Nutrition Santé. Cette nouvelle expertise collective met à jour les analyses précédentes et confirme le fait qu’une consommation excessive de viande rouge et de charcuterie augmente la probabilité de cancer ». Suite au déferlement médiatique, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement (Anses) et l’INCa ont réagi en rappelant, et en maintenant, les recommandations actuelles, « 500 g de viande au plus par semaine » en diversifiant les sources de protéines avec les œufs, la volaille et les poissons.
La mise à jour confirme l’existant
Dans cette monographie, le groupe de travail international de 22 experts du CIRC a étudié le lien entre cancer et consommation de viande rouge et viande transformée au travers de plus de 800 études épidémiologiques réalisées dans « des pays différents avec des origines ethniques et des régimes alimentaires variés », 700 pour la viande rouge (bœuf, veau, porc, agneau, mouton, cheval, chèvre) et 400 pour la viande transformée (viande transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison). La consommation de produits carnés est essentiellement associé au risque de cancer colorectal. Le CIRC indique que les données ne sont pas concluantes pour le lien entre viande rouge et cancers du pancréas et de la prostate, et celui entre charcuterie et cancer du pancréas. Pour la charcuterie, le fort niveau de preuve a permis de la classer comme cancérogène dans le groupe 1. Jugeant les indications épidémiologiques limitées avec une forte plausibilité mécanistique (cf encadré), les experts ont classé la viande rouge dans le groupe 2A. « Cette classification ne préjuge pas du niveau de risque, insiste le Dr Dominique Bessette. La charcuterie n’est pas aussi cancérogène que le tabac ». Le CIRC avance quelques estimations quant à la part attribuable de ces facteurs de risque dans les cancers. D’après les estimations du Global Burden Disease, il y aurait 34 000 décès par cancer par an dans le monde liés à une consommation de viande transformée et 50 000 pour la viande rouge si le lien de causalité se vérifiait. Pour les modes de cuisson, si le barbecue et la cuisson directement sur les sources de chaleur sont pointés du doigt, les données étaient insuffisantes pour conclure à ce sujet.
Autres estimations, une analyse des données provenant de 10 études a permis de calculer que « chaque portion de 50 grammes de viande transformée consommée tous les jours augmente le risque de cancer colorectal de 18 % environ ». De même, « le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17 % pour chaque portion de 100 grammes de viande rouge consommée par jour ». Pour le Dr Dominique Bessette, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. « Pour l’instant, la fraction attribuable de chaque facteur nutritionnel n’est pas connue dans les cancers, explique-t-elle. C’est l’objet d’une prochaine étude du CIRC qui sera diffusée en 2017. Ce que l’on sait, tous facteurs nutritionnels confondus expliquent 10 % de la fraction attribuable dans les cancers, presque autant que l’alcool ».
Une brochure grand public
Le CIRC a fait état des données scientifiques sans se prononcer sur les recommandations de santé publique. L’ANSES a publié en 2011 un rapport « Nutrition et cancers » dans lequel elle mettait en évidence « une relation convaincante entre consommation de viandes rouges ou de viandes transformées (charcuteries) et augmentation de la probabilité de développer des cancers du côlon et du rectum », indique son communiqué. L’ANSES faisait déjà mention d’une quantité maximale de 500 grammes de viande par semaine, « diversifiant les sources de protéines ». Encore plus récent, dans une brochure grand public diffusé en juin 2015 intitulé « Nutrition et cancers », l’INCa explique clairement « une consommation excessive de viandes rouges et de charcuteries augmente le risque de cancer colorectal ». L’INCa avait déjà tenté de communiquer sur nutrition et cancers en 2007 mais « une polémique sur l’alcool en raison de l’absence d’effet seuil avait tout éclipsé ».
Des facteurs protecteurs
La brochure grand public disponible sur le site de l’Inca comporte de nombreux conseils clefs et un test simple permet de personnaliser les conseils. « C’est l’occasion pour les professionnels de santé d’en parler avec leurs patients, propose le Dr Bessette. La consommation de viande est un facteur de risque de cancer mais il y a des facteurs protecteurs, comme éviter le surpoids, le sel, l’alcool et promouvoir les fibres, les légumes et les fruits, les produits laitiers ». L’ANSES travaille avec l’INCa pour réactualiser les repères nutritionnels du PNNS pour les rendre plus compréhensibles, « par exemple, le message des 5 fruits et légumes est bien passé mais reste mal compris en terme de portion et de quantités », indique le Dr Bessette.
Lancet Oncology, publié en ligne
le 26 octobre 2015
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