Prise en charge des acouphènes chroniques

Une première approche standardisée

Publié le 03/12/2015
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Créée en 2015, l’association Coopacou propose la première prise en charge standardisée des acouphènes chroniques, affection qui touche au moins 10 % de la population française, et dont la présence permanente perturbe le sommeil, le travail et tous les actes de la vie quotidienne.

« Coopacou s’est donnée pour objectif de lutter contre le discours : "Il n’y a rien à faire, vous devez apprendre à vivre avec" », explique de Dr Jean-Michel Fiaux, de la direction de l’association Coopacou, qui propose la première prise en charge standardisée, multidisciplinaire, de l’acouphène chronique en France. En effet, jusqu’à présent aucun traitement de référence n’était disponible, à part la sophrologie, relève le Dr Gérald Fain, ORL à la Fondation Rothschild, à Paris, qui a créé l’association en janvier 2015. Celle-ci regroupe déjà une cinquantaine d’ORL, mais aussi des médecins généralistes, neurologues, psychiatres, psychologues, sophrologues et orthophonistes.

Antalgiques cérébraux

La prise en charge standardisée repose, en premier lieu, sur la prescription d’antiépileptiques à faible dose, donnés dans un ordre précis, selon une liste préétablie, et sur une durée et une posologie clairement définies. Les antiépileptiques inhibent l’action répétitive et soutenue des neurones – caractéristique de l’acouphène – et bloquent la libération d’acides aminés excitateurs comme le glutamate, agissant comme des antalgiques au niveau cérébral. « Il faut expliquer aux patients le mécanisme du trouble, pourquoi on leur donne des antiépileptiques, les effets secondaires à guetter – une consultation d’acouphène, ça me prend 3/4 d’heure », confie le Dr Fain.

Lorsque le patient est atteint de surdité, un appareillage auditif est associé. Si l’audition est normale, les spécialistes créent des « bruits colorés » – une prothèse auditive associée à un logiciel capable de produire, en fonction de la fréquence de l’acouphène du patient, un bruit personnalisé, qui agit comme un coupe-circuit et maîtrise l’acouphène. Enfin, la prise en charge émotionnelle est cruciale, les émotions étant « le véritable rhéostat » du trouble, selon les termes du Dr Fiaux. En pratique, l’efficacité de la prise en charge est évaluée au bout d’1, 2, 6 et 12 mois, de manière subjective et au moyen d’une échelle visuelle analogique et d’un questionnaire, le Tinnitus Handicap Inventory, qui mesure le retentissement de l’acouphène sur la vie quotidienne du patient.

Lors du dernier congrès de l’Association des ORL du Québec, en octobre, les praticiens français ont présenté des résultats préliminaires de cette approche, évaluée dans un premier groupe de 250 adultes souffrant d’acouphènes chroniques. Cette prise en charge aurait permis d’améliorer les symptômes chez 66 % de patients, parmi eux 30 % se disent guéris, 70 % nettement améliorés. « Dans ce dernier groupe, c’était des patients qui disaient avoir une douleur de 6-7-8 sur 10 et qui sont passés à 1 ou 2 sur 10 », décrit le Dr Fain. Le traitement n’a pas fonctionné chez près d’un quart des patients, mais les spécialistes estiment qu’une modification de la posologie de l’antiépileptique « devrait permettre de diminuer le nombre d’échecs ». Les résultats de la prise en charge seraient d’autant meilleurs que l’acouphène est récent. Enfin aucun effet secondaire important n’a été observé et les inconvénients les plus fréquemment mentionnés – insomnie, somnolence, douleurs musculaires, fourmillements – ont disparu au bout de quelques jours.

Le site (www.coopacou.fr) propose une liste d’ORL qui prennent en charge l’acouphène en suivant ce protocole, et précise que l’association reste ouverte à tout professionnel de santé désireux de s’y inscrire.

Clémentine Wallace

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3222