SI LES RHUMATOLOGUES ne recommandent plus en effet de traiter l’hyperuricémie, des cardiologues britanniques laissent espérer une seconde vie en cardiologie pour ce médicament prescrit dans la goutte depuis plus de quarante ans. L’équipe du Pr Allan Suthers, à l’université de Dundee, vient de montrer que la molécule administrée à forte dose, permettait d’améliorer significativement les performances des patients angineux. D’après les résultats obtenus à l’épreuve d’effort, elle serait même aussi efficace que certaines molécules anti-ischémiques. En particulier sur le délai d’apparition du sous-décalage du segment ST, que les chercheurs de Dundee ont choisi comme critère principal pour évaluer l’effet de l’allopurinol chez des patients angineux. Sur les 65 sujets âgés de 18 à 85 ans inclus au départ, 60 ont été retenus au final pour l’analyse de cette étude en cross over. Avant le chassé-croisé, les patients étaient randomisés en deux groupes, soit l’allopurinol à forte dose (600 mg par jour) pendant 6 semaines soit un placebo. Sans compter que la molécule a significativement amélioré deux autres critères. À savoir la durée totale de l’exercice et le délai de survenue de la douleur angineuse.
Soixante patients en cross over.
Au cours du test d’effort, l’allopurinol a augmenté le délai médian de survenue du sous-décalage du segment ST à 298 s pour un délai de base à 232 s, tandis que le placebo l’augmentait à 249 s. La différence absolue en temps entre les groupes allopurinol et placebo était ainsi de 43 s. Quant à la durée médiane d’exercice, elle était augmentée en chiffre absolu de 58 s dans le groupe allopurinol par rapport au placebo. Elle passait ainsi de 301 s à l’état basal à 393 s pour l’allopurinol et 307 s pour le placebo. Le délai de survenue d’une douleur thoracique était également significativement augmenté. Soixante
patients ont été analysés dans
les deux parties de l’étude, 28 pour le groupe allopurinol et 32 pour le placebo dans la première période. Étaient inclus les patients ayant une maladie coronarienne documentée par angiographie, une épreuve d’effort positive et une angine de poitrine chronique stable depuis au moins deux mois.
Efficace, bien toléré et... bon marché.
Les effets anti-ischémiques de l’allopurinol sont comparables à certains médicaments anti-angineux, si l’on prend comme indicateur le délai médian d’apparition du sous-décalage de ST. En effet, alors que ce temps était augmenté de 43 s (19 %) pour l’allopurinol, les données de la littérature rapportent un délai majoré de 36 s (13 %) pour l’amlodipine, de 60 s (11 %) pour les dérivés nitrés, de 12-47 s (4-14 %) pour les inhibiteurs de la phosphodiestérase, de 46 s (13,5 %) pour l’ivabradine et environ 50?s (15 %) pour l’aténolol et la ranolazine. Par rapport aux antiangineux classiques (nitrés, bêtabloquants), l’allopurinol semble mieux toléré. La molécule ne diminue pas en effet la pression artérielle ni le rythme cardiaque, sans effet secondaire à type de céphalées et de sensation de fatigue.
L’allopurinol pourrait ainsi trouver sa place dans l’arsenal thérapeutique. Hormis pour les bêta-bloquants améliorant à la fois la survie et les symptômes, les traitements de la douleur angineuse (nitrés, inhibiteurs calciques, angioplastie) sont différents en effet de ceux visant à réduire la mortalité cardio-vasculaire (statines, aspirine, inhibiteurs de conversion de l’angiotensine). Comme l’effectif de l’étude britannique est trop faible pour pouvoir se contenter de ces seuls résultats, la place de l’allopurinol mérite d’être confirmée et précisée à l’avenir. Au niveau physiopathologique, cet inhibiteur de la xanthine oxidase augmenterait l’oxygénation et l’apport énergétique en ATP des tissus ischémiés, puisque la xanthine oxidase participe au stress oxydatif en consommant une molécule d’oxygène. Selon les auteurs, l’allopurinol, efficace, bien toléré et bon marché, pourrait être particulièrement intéressant dans les pays en développement, dont l’accès à l’angioplastie et au pontage coronarien est encore très restreint.
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