Le manque d’implication des soignants dans la vaccination antigrippale interpelle régulièrement les autorités sanitaires. La ministre de la Santé Agnès Buzyn, rappelant que le taux de vaccination des soignants atteint péniblement les 26 % en France, en a même fait l’une de ses priorités lors du lancement de la campagne de vaccination contre la grippe, en signant une charte avec les sept Ordres des professionnels de santé. Un point de vue partagé par le Pr Bruno Lina, président du conseil scientifique du Groupe d’expertise et d’information sur la grippe (GEIG), responsable du Centre national de référence des virus des infections respiratoires et chef de service de virologie et bactériologie à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon. Constatant que la grippe nosocomiale est sous-estimée alors que son impact en termes de morbi-mortalité sur des patients fragiles n’est pas négligeable, il a décidé de prendre son bâton de pèlerin.
« C’est une initiative montée à l’hôpital de la Croix-Rousse en plusieurs étapes. La première est d’expliquer ce qu’est la grippe nosocomiale en utilisant les données générées par leurs propres services, avant d’analyser les moteurs de l’hésitation vaccinale, puis de répondre à toutes les questions en fournissant une information critique, robuste et sans langue de bois », explique le Pr Lina. Il a en effet utilisé un bilan établi par le service hygiène de l’hôpital pour montrer dans quels services des cas de grippe nosocomiale sont survenus et faire une corrélation avec le taux de vaccination des soignants. « On se rend compte que plus on a de personnes vaccinées et moins on a de grippe nosocomiale, et il semble que 35 % environ soit le seuil à atteindre pour commencer à tirer un résultat bénéfique de la vaccination. »
Bien-être des patients
Seconde étape : corréler les contacts entre individus et le risque de grippe nosocomiale. Pour cela, il a mené une étude pendant 15 jours dans un service de gériatrie, où tous les acteurs ont porté un badge RFID pour répertorier les contacts et ont été soumis à une surveillance virologique (écouvillon nasal à jour 0, prélèvements si symptômes). « On constate que l’essentiel des contacts se fait entre personnels soignants des mêmes groupes : les infirmières parlent beaucoup aux infirmières et les médecins aux médecins. Les patients entre eux ne se rencontrent pas. Les infirmières sont celles qui ont le plus de contact entre elles, avec les médecins et avec les patients. » L’expérience a aussi permis d’établir un tableau des transmissions. « On voit clairement qu’une infirmière parmi celles qui ont le plus grand nombre de contacts et les contacts les plus longs, a entraîné une transmission nosocomiale de la grippe à trois patients. On voit aussi que plusieurs épisodes de grippe nosocomiale dans un service peuvent être dus à des virus de grippe différents. On voit encore qu’un soignant contamine un patient qui contamine à son tour un soignant », décrit le Pr Lina.
La présentation des résultats détaillés au service concerné a eu l’effet escompté. Dès lors que la preuve est faite de l’implication des soignants dans la circulation des virus grippaux, et que des explications étayées sur l’efficacité du vaccin ont été données, il est possible de donner un objectif à atteindre : « Je souhaite le taux de vaccination le plus élevé possible, au moins de 40 %, mais ce qu’on jugera au final sera le nombre de cas de grippe nosocomiale ». Les résultats sont déjà probants. Les services où ce travail a été présenté ont tous doublé leur taux de vaccination. Et le nombre de grippes nosocomiales a largement diminué dans les services sensibilisés. Chiffres à l’appui, les soignants se sont montrés convaincus. « Pour la première fois, nous sommes même en rupture de stocks de vaccins, se réjouit Bruno Lina. Les soignants sont toujours très réceptifs au bien-être des patients et du groupe. Les difficultés de la mise en œuvre de la vaccination contre la grippe sont toutes en train de tomber. »
L’ensemble de cette initiative est présenté sous la forme d’un module d’e-learning vidéo à l’intention des professionnels de santé qui souhaitent mettre en place des campagnes de vaccination performantes pour limiter la transmission de la grippe dans leurs services.
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