Le Cotentin est un pays de bocages, où les champs sont enclos de levées de terre et de haies, pour permettre, entre autres, la culture des pommes ! D'ailleurs, bocage est un mot normand : le pommier craint le vent, les haies l'en protègent.
« Très attaché à ses racines », fils d'agriculteur de l'arrière-pays de Saint-Vaast-la-Hougue (Manche), François Hautemanière est aujourd'hui pharmacien à Valognes, cotitulaire avec sa femme, Catherine, et leur fils, Thomas. Il se passionne pour les pommes : « Je souhaitais faire ma thèse sur un sujet qui m'intéressait. » Ce sera le cidre et le poiré, une sorte de cidre, mais de poires. Sa femme a passé sa thèse sur les variétés de pommes du cidre de Nègreville, un village à l'ouest de Valognes, « dont le cru de cidre était très réputé dans les bistrots de Cherbourg ». Les deux jeunes époux ont donc demandé aux agriculteurs quelles variétés ils utilisaient, ils en ont fait des fiches et ont reçu des greffons.
Les secrets d'un bon cidre
« Pour un bon cidre, explique le confrère, il faut des pommes propres et un bon mélange : 12 % de pommes acidulées, pour le protéger, un tiers de pommes sucrées, ou douces amères, et des pommes amères, des pommes à cidre. » Ces pommes cidrières sont amères au goût, les autres se consomment au couteau.
François Hautemanière a créé son verger sur la ferme de ses parents. Il y a utilisé les greffons qu'on lui avait donnés. Le verger compte aujourd'hui cent cinquante à deux cents « hautes tiges », et une centaine de « basses tiges ». Cela lui assure « plusieurs tonnes » de fruits, qu'il consomme dès la mi-juillet et jusqu'à mai suivant, conservés dans une bonne cave : « On ne reste que deux mois sans pomme. »
Il fait aussi du jus de pommes et du cidre, « plus de mille litres par an », mais il en donne !
Chaque pomme a son usage
« À l'automne, s'amuse-t-il, des clients m'apportent une cagette de pommes, comme on apporte des champignons à des confrères, pour que je les identifie. On me donne aussi des greffons. »
Son verger est sa « passion », partagée avec son épouse. Il essaie d'y ajouter tous les ans de nouvelles variétés. François Hautemanière estime à plus de six mille le nombre de variétés de pommes, « il s'en crée tous les jours, par hybridation », grâce aussi aux recherches de l'Institut national de recherche agronomique (INRA).
« Beaucoup de gens veulent un verger naturel, mais chaque pomme a son usage. Il existe à Valognes une variété très adaptée pour accompagner le boudin de Noël, il y a des pommes pour le jus, pour les tartes, les compotes. Les pommes anciennes sont plus riches en nutriments. »
« Pour un beau verger, il faut de petites parcelles, car la pollinisation craint le vent. » Dans son verger, le confrère élève quelques moutons, « de bonnes tondeuses ! », et entretient avec patience ses arbres. « Les hautes tiges ne se taillent pratiquement pas. Les basses tiges demandent plus de soin, elles sont tenues sur des fils de fer, vivent moins longtemps, et leurs pommes se conservent moins. »
Dès le 15 juillet, François Hautemanière mange « des pommes à l'arbre », qui ne se conservent pas, et tout l'été il va cueillir. Il connaît des jeunes qui vont de verger en verger avec un camion pressoir, et qui lavent, grugent, pressent, et conditionnent en poches le jus. Lui presse aussi avec un vieux pressoir en bois et une longue barre pour faire tourner la vis, « à l'ancienne » !