Aux côtés de Dubaï et d’Abu Dhabi, le Qatar fait encore pâle figure touristique. Cela pourrait changer avec la Coupe du Monde de football, qui braquera les projecteurs sur cet émirat de 2,8 millions d’habitants (dont seulement 11 % de Qataris) accroché au nord de la péninsule arabique. De désert de sable et de pierre exploité par des éleveurs nomades et d’anciens pêcheurs de perles, il est devenu en cinquante ans une « gazomonarchie » richissime pesant sur la scène politique arabe.
À l’origine de cette métamorphose, Hamad ben Khalifa Al Thani. Le père de l’actuel émir, au pouvoir de 1995 à 2013, a investi sans compter dans les infrastructures. La frénésie bâtisseuse que connaît l’émirat en est l’illustration. Aux portes du désert, Doha, la capitale, dresse sa skyline et son urbanisme conquérant sur les rives du golfe Persique. Cinq quartiers sont à découvrir. À l’exception de The Pearl, tous sont reliés au métro, trois lignes de rames automatiques ultramodernes. On ne s’attardera pas à The Pearl. Sur le principe de Palm Jumeirah à Dubai, ce quartier résidentiel conquis sur la mer est encore en chantier. Ceux déjà achevés (Porto Arabia, avec marina et 31 tours) sont trop artificiels pour convaincre. À moins que l’on ne réside au Kempinski… L’hôtel-palace de 281 chambres possède une plage privée, un spa immense, 12 restaurants et un accueil parfait. Son bar roof-top Antika est l’un des places to be.
À côté de The Pearl, Lusail, qui affiche des buildings audacieux, à l’image des Zig Zag Towers et des spectaculaires Katara Towers, deux tours jumelles en « pince de crabe » dont l’une abritera l’hôtel Raffles, l’autre le Fairmont. Déjà dotée de 183 hôtels et résidences hôtelières, le Qatar a 100 nouveaux chantiers sur le feu. Un grand nombre sera ouvert pour la Coupe du Monde de football, qui, avec 1,5 million de visiteurs attendus, a vocation de propulser le Qatar sur la scène mondiale. Elle doit polir une image troublée par de supposés égards vis-à-vis de l’islamisme radical et un soft power suspecté d’infuser à travers le monde. Lusail abrite le stade où aura lieu la finale. Les joueurs et les 80 000 spectateurs bénéficieront de l’air climatisé, comme dans tous les autres stades. Huit au total, écrins design construits dans Doha et ses environs.
En allant vers West Bay, quartier de la skyline qatarie, arrêt au Katara Cultural Village. Ce secteur créé en 2010 mixe architecture orientale et néoclassique. Il offre un condensé de tradition arabe, entre mosquées design, pigeonniers, restaurants ethnos, amphithéâtre outdoor de 5 000 places et 2 km de plage publique. Point d’orgue… les Galeries Lafayette, écrin de luxe posé dans une rue climatisée. West Bay se découvre à pied. Le business district déploie une cinquantaine de gratte-ciel, dont le plus esthétique est la tour Jean Nouvel, jumelle de celle de Barcelone. À pied le long de la Corniche ou en croisière en dhow boat, l’effet waouh est garanti.
Autre quartier « archi », Educational District. Comme son nom l’indique, c’est le poumon éducatif du Qatar. Il abrite des universités étrangères, la Qatar Foundation (QG du développement social du pays), une mosquée inédite de 41 000 m² (la QFIS) et la remarquable Qatar National Library (2018), œuvre de l’architecte star néerlandais Rem Koolhaas.
Musheireb est le quartier le plus authentique. Bien que récent, il livre la « vraie vie » de loisirs qatarie. Hommes en qamis, femmes en abayas, les familles, accompagnées de nounous philippines en charge des enfants, se baladent les jeudi et vendredi soirs dans le Souk Waqif, dédale propret de boutiques en tous genres. On y boit le thé ou fume la chicha, on emmène soigner un faucon (passion locale) dans une clinique, on achète des dattes medjoul sucrées à point, on pique-nique de nuit dans le MIA Park voisin… Non loin de là, des armées d’ouvriers indiens ou bangladais s’affairent sur des chantiers, à terminer au plus vite. Deux lieux indiscutables concluent la découverte du quartier : le musée d’Art Islamique et le Musée national du Qatar (NMoQ), œuvre extravagante de Jean Nouvel. Sous les 530 pétales de la bâtisse en forme de rose des sables, le Qatar exalte ses vertus, une nation richissime qui veut imposer sa vision arabe du modernisme.