L’UDGPO a-t-il lancé un pavé dans la mare ? Trois jours après son appel, l’Union des groupements de pharmacie (UDGPO) avait en tout cas déjà recueilli 427 mandats de pharmaciens qui lui déléguaient la mission d’interroger les éditeurs de logiciels sur les conditions d’extractions des données informatiques des officines et surtout sur l’exploitation qu’ils font de ces données, voire sur les cessions éventuelles de ces données à des tiers.
Comme le constate Laurent Filoche, président de l’UDGPO : « La rapidité et le nombre de ces retours prouvent que les pharmaciens ont besoin que lumière se fasse sur leurs données informatiques. »
Aberration
En matière de transparence, l’UDGPO en promet encore davantage. Le 28 avril, les éditeurs de logiciels seront invités à répondre publiquement aux questions des pharmaciens. La profession veut en effet obtenir une meilleure traçabilité de l’utilisation de ses données. Les pharmaciens sont d’autant plus décidés à en découdre que des suspicions pèsent sur la revente de leurs données. Une commercialisation qui, selon eux, pourrait biaiser les négociations commerciales. « Les dés sont pipés d’avance puisque les labos connaissent nos chiffres », déclarent en substance les titulaires. Des accusations qui ne provoquent que la dénégation des prestataires.
Denis Supplisson, vice-président de la Fédération des éditeurs d’informatique médical et paramédical ambulatoire (FEIMA) en charge du collège « pharmaciens », et directeur général délégué de Pharmagest, est formel : prétendre que les éditeurs de logiciels s’emparent des données informatiques des officines, et ce dans un but lucratif, est « une aberration ». D’ailleurs poursuit-il « dans quelle mesure les éditeurs de LGO pourraient-ils stocker des données ? » « Ceci d’autant, ajoute-t-il, que les données brutes n’ont aucune valeur marchande. »
De même, affirmer que des extracteurs sont installés à l’insu des pharmaciens est faux, poursuit l’éditeur. Les titulaires sont parfaitement au courant de l’existence de ces extracteurs puisqu’ils signent eux-mêmes le contrat avec le prestataire de statistiques. Denis Supplisson rappelle que le rôle des éditeurs se cantonne à paramétrer les extracteurs, et ce en conformité avec la réglementation en vigueur. « J’ai moi-même mis le sujet à l’ordre du jour lors du dernier Comité de concertation syndicats de pharmaciens/FEIMA du 1er février 2017 auquel assistaient les représentants de deux syndicats, la FSPF et l'USPO », affirme le vice-président de la FEIMA.
Appétence
Un autre éditeur également membre de la FEIMA, SmartRX, renchérit : « les données contenues dans les LGO appartiennent au pharmacien. Il est libre de les transmettre à un tiers, sous sa seule et pleine responsabilité, en conformité avec les dispositions réglementaires en vigueur. La procédure est encadrée par deux contrats : celui du pharmacien avec le tiers et le contrat du tiers avec SmartRX. » Son rôle, ajoute-t-il, se limite uniquement au plan technique, « pour extraire certaines données, les anonymiser conformément aux dispositions CNIL, et les confier au tiers avec lequel le pharmacien a conclu un contrat. »
Toutefois, l’éditeur de logiciels précise que « de la même façon que ses confrères, SmartRX se réserve le droit de travailler avec les tiers qui respectent les intérêts du pharmacien, l’intégrité de son logiciel, de sa base de données et dont l’offre couvre les frais de fonctionnement de SmartRX. »
Estimant que le temps est venu de faire la lumière sur ce dossier, les syndicats se lancent, eux aussi, dans la mêlée. Car comme le déclare Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d'officine (USPO), les titulaires doivent pouvoir décider de ce que deviennent leurs données. À ce titre, ils seraient donc bien avisés de relire les conditions générales de vente de leur LGO. Il n’est pas admissible que les éditeurs aient carte blanche.
Il ne fait aucun doute que les données classiques, essentiellement logistiques (stocks, sorties…), nécessitent des accords et des recommandations. Toutefois, Gilles Bonnefond exprime davantage d’inquiétudes en ce qui concerne les données patients, plus sensibles. « Les syndicats sont très vigilants sur ce point car, pour se protéger, les pharmaciens doivent pouvoir disposer de leurs propres données », expose le président de l’USPO.
Cette exigence est d'autant plus importante en période conventionnelle où les négociations sur des nouvelles missions du pharmacien en matière de suivi patient et d’entretiens pharmaceutiques doivent être étayées par des chiffres. « Car les négociations ne peuvent s’appuyer uniquement sur les projections de l’assurance maladie. Heureusement que nous disposons, via Pharmastat, des statistiques anonymisées de 14 000 officines pour pouvoir simuler l’évolution de la marge et de la rémunération », lance-t-il.
Les pharmaciens qui, compte tenu des évolutions métiers attendues dans le parcours de soins, dans la prise en charge des personnes âgées, du suivi patientèle, ont besoin de données d’une extrême précision doivent pouvoir compter sur leurs éditeurs de LGO. Dans cet esprit, Gilles Bonnefond, annonce qu’il proposera dès mercredi aux différents acteurs (Ordre, groupements, syndicats, étudiants…) de prendre des initiatives en vue d’une concertation avec les éditeurs de LGO et les prestataires de statistiques.
De fait, le malaise ressenti par les pharmaciens dans le traitement de leurs données traduit davantage qu'une inquiétude sur d'éventuels détournements. Les pharmaciens veulent être désormais entendus par leurs éditeurs sur la nécessité de réadapter leurs process informatiques aux besoins de l'officine. Des outils plus performants, plus fiables, mais surtout, définitivement plus transparents. Des logiciels qui migreraient de la gestion, à l'exercice officinal dans toutes ses dimensions, pour se configurer en logiciel métier d'officine, ou encore LMO.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin