EN PEU DE TEMPS, le marché des lecteurs de cartes de santé et terminaux de paiement s’est renouvelé en profondeur, comme si un vent violent l’avait dépoussiéré de ses vieilles habitudes. C’était sans doute l’un des segments de l’informatique officinale les plus ronronnant, avec des technologies éprouvées et des habitudes acquises. Mais voilà que l’innovation s’empare aussi de ces produits et en transforme les usages. Des écrans tactiles, plus grands, un design plus marqué et surtout la possibilité de les ouvrir sur d’autres services que la seule lecture des cartes sésame vitale, des cartes de professionnels de santé, des cartes mutuelles et des cartes bancaires… Aujourd’hui, et plus encore dans les mois qui viennent, il est et sera possible d’utiliser ces terminaux pour poser une question au patient, pour améliorer le service, ou l’informer d’une campagne de sensibilisation, et bien d’autres encore. Ce lecteur – terminal devient un outil multiservices, nouveau point de rencontre entre le pharmacien et le patient.
Ce renouvellement, l’évolution technologique en est le principal moteur, mais on ne peut s’empêcher de penser que la configuration très particulière de ce marché y a aussi contribué. Il y a encore trois ans, il comptait trois acteurs : Ingenico, Xiring et Gemalto. Le premier a racheté le deuxième, tandis que le troisième le désertait. Enfin, pas complètement. Selon Ghislain Vanlaer, directeur général de Medprice, un distributeur de produits informatiques destinés aux professionnels de santé, Gemalto est resté sur le segment naissant des terminaux qui obéissent à la norme PC/SC : « depuis l’année dernière, il est possible en France d’utiliser un autre protocole que PSS, celui établi depuis longtemps par le GIE Sesame Vitale, PC/SC, un protocole international très utilisé à l’étranger ». Certes encore confidentiel, ce marché pourrait grandir grâce au très bas coût des lecteurs qui l’utilisent. Et aussi grâce au DP, « il convient très bien à son architecture compliquée », selon Ghislain Vanlaer, qui précise que dans la gamme proposée par Ingenico, il y a un lecteur capable de lire les deux standards.
Le petit nouveau.
Il y un an environ, le même Ingenico régnait en maître absolu sur ce marché, jusqu’à ce qu’un petit nouveau fasse son apparition, au début de l’été dernier, Kapelse. Cette jeune société est avant tout centrée sur les technologies et les solutions liées à la e-santé, elle a décidé de saisir les opportunités que présentaient les lecteurs de cartes de santé et cartes bancaires. Elle a travaillé « sur des lecteurs multi-applicatifs et plus performants de telle sorte qu’ils limitent au maximum les rejets de l’Assurance-maladie », explique ainsi Franck Favier, son dirigeant. Kapelse insiste sur le design de ces produits, plus épuré, plus compact. Or les pharmaciens sont sensibles à l’image de modernité qu’ils peuvent donner, quoi de mieux pour transmettre une telle image au comptoir puisque souvent les patients sont en contact direct avec ce lecteur. Mais le plus important reste les nouvelles fonctionnalités de ce lecteur (Kap & Link), notamment une interface sans contact et une fonctionnalité de mise à jour de la carte vitale. Celle-ci va vite devenir un standard et permettra aux assurés eux-mêmes de la mettre à jour, sur le lecteur des cartes santé, ou sur une borne interactive qui peut servir pour d’autres applications (chez Kapelse, cette borne s’appelle Kap & Care).
Double casquette.
Ingenico de son côté n’est pas en reste. Le leader admet volontiers que l’arrivée de Kapelse pousse le marché à innover. « Cela représente un challenge », reconnaît Boris de Bossoreille, chef marketing produit chez Ingenico Healthcare/e-ID. Notons d’emblée que Ingenico est un spécialiste des solutions de paiement, son profil est de ce fait très différent de Kapelse, c’est une société plus ancienne qui a une assise industrielle importante. Elle se distingue notamment sur le marché de l’informatique officinale, par sa présence autant sur le marché des lecteurs de cartes de santé que celui des terminaux de paiement. Lequel représente un secteur à part, capté en grande partie par les banques qui proposent des terminaux à leurs clients. Ingenico est donc le seul à disposer de cette double casquette. Il a entrepris lui aussi de renouveler le marché en proposant d’abord le successeur de son Prium 3S, le Prium 4, doté d’une connectique améliorée, ainsi que d’une lecture sans contact, d’un écran graphique et bien sûr de la possibilité de mettre à jour les cartes vitale. Ce lecteur multicarte cible particulièrement les pharmacies d’un à trois voire quatre postes, les plus nombreuses, selon Boris de Bossoreille.
Pour des officines plus importantes, qui ont un important volume de ventes en parapharmacie notamment, Ingenico propose la solution Paypharma +, une évolution de la solution de paiement centralisée Paypharma déjà déployée, pour permettre le traitement de la carte Vitale (sécurisation Feuille de Soins et télémise à jour) et élargir le spectre de services interactifs susceptibles d’être proposés aux patients, assurés et clients sur un terminal unique. Actuellement, la solution Paypharma peut fonctionner sur les terminaux Pinpad IPP 350 ou un ISC 480, Ingenico précise cependant que la solution Paypharma + sera commercialisée à la fin de l’année sur IPP 350, et sur un terminal idoine équipé d’un grand écran tactile, sous le nom de Lane 5000, dans le courant de l’année prochaine. Cette nouvelle solution permettra différents services, par exemple une campagne d’information ou un message de l’Assurance-maladie destiné aux assurés, ou une enquête de satisfaction par le biais d’une question précise, ou encore, chose fortement demandée par les pharmaciens, la possibilité de consulter le prix d’un produit, compte tenu de la nouvelle réglementation sur l’affichage des prix qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain.
Entre le moment où le patient introduit sa carte vitale dans le lecteur et celui du paiement, il a le temps de répondre à ces questions ou de lire les informations quand le pharmacien est sollicité par le traitement de l’ordonnance ou de la commande.
De nouveaux services.
Tous ces services n’existent pas encore. Ingenico négocie avec des acteurs du marché pour leur mise en place et l’enrichissement de la solution notamment, les éditeurs de LGO et groupements du secteur officinal, pour amorcer l’apparition de tous ces services qui devraient en enrichir l’usage. C’est clairement l’air du temps. D’autres prestataires ont commencé de proposer aux pharmaciens des applications. C’est ce qu’a fait la société Jade-I avec son offre Visitors Book, qui permet de jauger la satisfaction d’un client à partir du lecteur de cartes. Les clients peuvent noter de 1 à 9 et de façon anonyme, une fois le paiement effectué, en répondant à une question qui apparaît sur le terminal de paiement. Les différentes questions portent sur l’accueil, la propreté, la tenue de l’espace de vente, le choix et la rapidité de service. Sur un autre registre, il faut évoquer la solution proposée par Visiopharm, le « baladeur », un terminal Ingenico léger équipé d’un logiciel permettant la lecture des cartes vitale et la facturation nomade, dans le cadre notamment d’un déplacement en EHPAD ou au domicile des patients. Visiopharm dispose de l’agrément TLA délivré par le GIE Sesame Vitale pour cette application nomade, qui montre que non seulement les terminaux de lecture des cartes de santé et bancaires peuvent sortir de leurs usages traditionnels, mais ils peuvent aussi sortir de l’officine !
Ce sont donc les logiciels qui viendront enrichir les services interactifs qu’autorisent ces terminaux de nouvelle génération. D’où l’importance des partenariats qui se noueront avec Ingenico et Kapelse. Cela risque de raviver un débat qui a longtemps agité les pharmaciens et le petit milieu des lecteurs de cartes de santé, faut-il confier la prestation d’ensemble à son fournisseur de LGO ou plutôt chercher des solutions indépendantes ? Pour Ghislain Vanlaer, il ne fait pas de doute qu’il est préférable pour des raisons économiques de privilégier les solutions les plus standardisées possibles, estimant aussi qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un couplage avec les LGO. Pour Franck Favier, il est souhaitable de faire confiance aux éditeurs, « mieux à même de faire évoluer l’ensemble terminal et logiciel ». « N’oublions pas que cela reste de l’informatique », remarque-t-il…
Difficile d’imaginer cependant une frontière aussi rigide entre les deux façons d’aborder le sujet, d’autant que les deux fabricants affirment travailler en partenariat avec les éditeurs, sans tenir compte des étiquettes supposées données à l’un ou à l’autre. La crainte de voir se « fermer » un marché par différentes ententes existe, Ghislain Vanlaer se souvient de celle que Xiring avait tentée avec des éditeurs pour contrôler les mises à jour des terminaux. La mainmise d’Ingenico sur cet acteur a semble-t-il desserré les contraintes imposées à la distribution. « Ingenico a ouvert son réseau en signant avec trois grossistes alors que Xiring n’en avait qu’un seul », précise Ghislain Vanlaer. Gageons que le même esprit d’ouverture présidera aux différents partenariats qui se noueront autour des applications sur ces terminaux de nouvelle génération.
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