LES STATISTIQUES dont on dispose actuellement montrent que les investissements dans les officines se sont légèrement contractés au cours des dernières années. En pratique, le nombre des pharmaciens qui choisissent d’investir dans leur outil de travail reste à peu près stable, mais lorsqu’il investit, le titulaire le fait en général pour un montant moins élevé que par le passé.
Les « gros » investissements, cependant, sont parfois reportés. « Il est clair que de nombreux pharmaciens diffèrent, notamment, le réaménagement de leur officine, qui a lieu normalement tous les dix ans. Le ralentissement de l’activité et les difficultés économiques de la profession expliquent ce phénomène », remarque Luc Fialletout, Luc Fialletout, directeur général d’Interfimo.
En moyenne, selon l’étude annuelle de Fiducial, l’investissement s’est élevé à 9 000 € par officine pendant l’exercice 2012, contre 10 400 € au cours de l’exercice précédent. Dans cette moyenne, près des deux tiers des pharmaciens (62 %) mobilisent moins de 50 000 € par an, alors que ceux qui investissent plus de 100 000 € ne sont que 2,3 %… Plusieurs facteurs expliquent ce désengagement. Le premier est évidemment la baisse de l’activité et la stagnation de la rentabilité, qui ne permettent plus de dégager des moyens financiers suffisants. Dans de nombreuses officines, d’ailleurs, la capacité d’emprunt s’est beaucoup réduite depuis deux ans. Une seconde explication tient à la plus grande sélectivité des banques pour apporter leur concours à des pharmaciens dont, en outre, la situation de trésorerie est souvent mauvaise.
Enfin et surtout, le manque de visibilité professionnelle, l’absence de perspectives économiques favorables et le manque de confiance dans l’avenir freinent les velléités d’investissement. « Le modèle économique de l’officine est en train de changer, explique Patrick Bordas, expert-comptable associé et responsable national du réseau professions de santé chez KPMG. Aujourd’hui, par exemple, un pharmacien qui substitue beaucoup bénéficie mécaniquement d’un taux de marge plus élevé que celui qui substitue peu. Mais plus on substitue, plus le chiffre d’affaires global de l’officine diminue, ce qui un impact sur la valorisation de l’officine. »
Savoir investir.
On dit souvent, pourtant, que l’investissement est l’un des remèdes à la crise. Mais dans le secteur des officines, où 80 % de l’activité est encadrée en termes de prix et de marge, cet adage doit être manié avec précaution. Pour qu’un investissement soit utile, il doit correspondre à une demande. La première chose à faire est donc de définir l’objectif de l’investissement et, s’il y en a plusieurs à réaliser en même temps, de faire une sélection en fonction de leur coût et de leur utilité professionnelle.
Il s’agit ensuite de bâtir un plan de financement, en budgétisant l’opération d’après les possibilités d’autofinancement et d’emprunt de l’officine. « Dans tous les cas, il faut distinguer les investissements qui peuvent être financés dans la durée et qui sont amortissables, et ceux qui se traduisent par une charge supplémentaire, c’est-à-dire une dépense », explique Patrick Bordas.
Attention : plus l’investissement est élevé, plus il est en général risqué et plus sa rentabilité est difficile à évaluer. Pour calculer cette rentabilité, la méthode la plus simple est d’évaluer les recettes et le bénéfice moyen supplémentaires qui seront dégagés.
Pour sélectionner la bonne dépense à faire au bon moment, il faut aussi savoir évaluer son coût réel, en tenant compte de toutes les dépenses susceptibles d’être entraînées par la nouvelle acquisition. Il faut notamment retenir :
- les frais d’installation, certains matériels comme l’informatique ou, surtout, les robots, pouvant obliger à modifier la configuration des locaux ;
- les frais de mise en route, comme, par exemple, un stage de formation au nouveau logiciel de gestion ou à l’automate.
Inversement, pour calculer le coût réel d’un investissement, on peut retrancher éventuellement le prix de revente ou le montant de la reprise de l’ancien matériel, en tenant compte de l’imposition de la plus-value à payer. Attention là aussi, car un investissement important peut générer un besoin de trésorerie supplémentaire, qui alourdit le coût total de l’opération et dont on doit tenir compte dans le plan de financement.
Les choix pour l’officine.
Dans une pharmacie, les investissements nécessaires à la relance de l’activité sont aussi ceux, souvent, qui tendent à améliorer la rentabilité et la performance. On liste en général quatre domaines d’intervention principaux : la gestion et la formation du personnel, la rénovation et l’agencement de l’officine, la robotique, et l’informatique. Cette dernière, toutefois, ne constitue plus aujourd’hui un investissement en tant que tel, dans la mesure où elle est le plus souvent financée en location ou en crédit-bail. La rénovation de l’officine, quant à elle, est sans doute l’investissement le plus important sur le plan financier. Elle est nécessaire soit simplement pour remettre l’officine au goût du jour, soit pour mieux l’adapter à la vente de médicaments OTC et aux nouvelles missions (avec un espace de confidentialité notamment), soit pour se mettre en conformité avec les règles imposées par une enseigne, soit pour plusieurs de ces raisons à la fois. « Quand c’est possible, il faut également prévoir un parking à l’extérieur de l’officine. C’est un avantage considérable pour la clientèle », explique Patrick Bordas.
Toutefois, prévoir l’augmentation du chiffre d’affaires engendrée par la rénovation est très difficile. « On peut dire néanmoins que lorsqu’il y a une rénovation, on constate un effet positif sur le chiffre d’affaires et sur la marge commerciale du fait d’une meilleure rotation des produits. On constate aussi et surtout une amélioration sensible de la productivité lorsque le pharmacien a réfléchi avec son agenceur à l’ergonomie des postes », indique Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial.
Du simple « relookage » à la refonte complète de l’officine, le budget des travaux peut varier dans une fourchette très large. Mais, selon la qualité des matériaux utilisés et la nature des agencements installés, il faut compter actuellement sur un prix au mètre carré allant de 1 000 à 1 400 euros hors taxes environ.
Côté financement, les travaux doivent être payés sur leur durée de vie économique, soit en totalité par un crédit travaux pour le gros œuvre et les agencements, soit en ajoutant un crédit-bail pour le mobilier. Les amortissements sur les travaux sont intégralement déductibles des bénéfices, de même que les intérêts d’emprunt ou les loyers du crédit-bail.
Un robot pour tous ?
De nombreuses officines, ces dernières années, se sont équipées d’un automate ou d’un robot. L’intérêt est multiple : le temps gagné au comptoir permet d’en consacrer davantage aux patients et à leurs pathologies et donc aussi de dynamiser les ventes associées ; la gestion du stock est optimisée ; la délivrance est sécurisée et les problèmes de rangement sont en grande partie résolus. Le gain de temps est surtout appréciable aux heures de grande affluence, puisqu’il n’y a plus de déplacements lors de la délivrance. Moins de personnel est également nécessaire au comptoir pour effectuer le même travail, d’où une optimisation de la productivité.
En outre, un automate ou un robot permettent de délocaliser le stock, avec, donc, la possibilité de développer la zone de libre-service pour les patients. Augmenter la surface de vente : c’est d’ailleurs le conseil de tous les spécialistes du marketing et du merchandising, aussi bien en officine que dans des commerces similaires. « Tout ce qui permet de diminuer la surface de réserve et de stock pour augmenter la surface de vente va dans le bon sens, et la robotique, comme l’agencement, y contribuent. C’est un mouvement général, en ce moment, dans les officines », fait remarquer Luc Filalletout, d’Interfimo.
Attention toutefois car installer un automate n’est pas forcément à la portée de toutes les pharmacies. Il faut suffisamment de place et un espace dédié à l’appareil, former les salariés à son utilisation, tenir compte des réactions du personnel et de la clientèle… Attention surtout à l’emplacement retenu : ce choix est définitif. D’autre part, un automate ou un robot est un investissement lourd (généralement plus de 100 000 €, et jusqu’à 150 000 € environ). Il faut prévoir aussi le coût de la maintenance, qui peut être élevé.
Autre poste encore sur lequel on peut se pencher : la gestion du personnel et la productivité. La gestion des frais généraux et des charges de personnel est en effet une question cruciale pour bon nombre d’officines. Or, de ce point de vue, on ne gère pas une pharmacie en période de stagnation ou de baisse de l’activité comme on l’aurait fait en période de croissance. Pour améliorer la rentabilité et la productivité, il est indispensable d’adapter le personnel au chiffre d’affaires et à la rentabilité. « Chaque personne à temps plein au comptoir doit faire au moins 330 00,00 euros de chiffre d’affaires, sur la base de 46 à 50 heures de travail par semaine », estime pour sa part Michel Watrelos, expert-comptable, dirigeant du cabinet Conseil et auditeurs associés.
En pratique, il ne s’agit pas obligatoirement de réduire le personnel, mais d’avoir des salariés motivés et efficaces. Une meilleure organisation des postes de travail, l’embauche de salariés plus qualifiés, sont aussi des investissements à prévoir pour mieux travailler et mieux accueillir les patients. À cet égard, il est important que les salariés soient associés à la bonne marche de l’activité, qu’ils sachent comment l’officine fonctionne, qu’ils se sentent impliqués, et qu’on leur fasse confiance. Le système de l’intéressement, par exemple, permet de redynamiser l’équipe sans pour autant augmenter la charge du coût des emplois, et d’associer plus étroitement les salariés aux performances résultant de leur travail…
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