Équiper l'officine

La PDA au comptoir, un nouvel eldorado

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Publié le 24/11/2016
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La PDA au comptoir. Une vraie tendance apparaît dans le domaine de la PDA, une demande au comptoir, notamment pour les infirmières qui s’occupent de patients en maintien à domicile. Une tendance qui vient compléter l’activité déjà ancienne de PDA automatisée ou semi-automatisée pour les EHPADs et peut influencer les évolutions technologiques des machines mises à la disposition des pharmaciens. Elles en accentuent les capacités et l’évolutivité.

Longtemps la demande des officines s’est orientée vers une PDA automatisée destinée aux EHPADs. Or, d’après plusieurs prestataires, une nette tendance apparaît depuis quelque temps, l’éclosion d’une demande de PDA au comptoir. « Il y a encore deux ans, la demande était très majoritairement orientée sur les EHPADs, puis est venue celle des foyers pour personnes à mobilité réduite », constate Luc Tredez, consultant pharmacien pour Damsi. « Et ensuite est arrivée une demande au comptoir, pour répondre aux besoins de l’ambulatoire, pour répondre aussi aux activités des infirmières qui perçoivent des honoraires pour délivrer de la PDA à leurs patients et de ce fait se tournent de plus en plus vers les pharmacies. » Sans compter la demande des patients eux-mêmes, également manifeste. Pour Olivier Foubet, directeur marketing d’Oréus, il existe même une demande qui ne veut que du comptoir. Peut-être la baisse de rentabilité de la PDA en EHPAD conduit-elle les pharmaciens à prendre la vague au vol et à surfer dessus. Ils constatent en effet une baisse des prescriptions en maisons de retraite, or n’étant que rémunéré sur le prix du médicament, ils en subissent les conséquences sur leur modèle de rentabilité, toujours difficile à établir dans le cas de la PDA automatisée. Est-ce que pour autant cette nouvelle demande va avoir un impact sur les évolutions technologiques de la PDA automatisée et changer en profondeur l’offre en la matière ?

Des capacités plus importantes

Pour Olivier Foubet, il est clair que ce ne sera pas le cas. Rappelons qu’Oréus est l'un des spécialistes de la PDA semi-automatisée, et même si son offre tend vers une plus grande automatisation, il considère que l’apparition de cette nouvelle demande ne va changer ni les matériels proposés, ni les consommables, ni les process à l’œuvre dans l’officine. En revanche, elle va modifier le travail du pharmacien qui sera sans doute amené à proposer des outils pour une meilleure observance, qui va de pair avec cette demande. D’où l’intention d’Oréus de leur proposer bientôt une application mobile. Pour Luc Tredez, la réponse est plus nuancée. « Ces évolutions tendent à augmenter la capacité des robots car les volumes à traiter seront de facto plus importants », estime-t-il. Selon lui, cette nouvelle demande n’a pas à remplacer tout ou partie celle historique des EHPADs, qui pour être moins rentable qu’avant, n’en apporte pas moins un volume important pour l’amortissement des sommes investies dans l’automatisation de la PDA. Des robots aux capacités plus grandes, mais aussi dotés de la souplesse nécessaire pour faire face à ces évolutions. « Nous avons prévu par exemple qu’un robot qui est en production pour un EHPAD puisse établir une priorité pour une demande urgente au comptoir », illustre Luc Trédez.

Un robot tout en un

L’apparition de cette nouvelle demande au comptoir va renforcer l’automatisation des systèmes, une tendance déjà marquée sur le marché de la PDA. Sans doute va-t-elle aussi aiguiser la question à laquelle les pharmaciens sont confrontés, jusqu’où la pousser pour bien répondre à leurs besoins. Manuelle, semi-automatisée ou complètement automatisée, la PDA revêt bien des formes selon la façon dont on la travaille. Olivier Foubet rappelle qu’une PDA semi-automatisée, comme le propose Oreus avec un logiciel et un plateau informatisé qui aide au remplissage des piluliers, mais laisse donc une part manuelle aux préparateurs en officine, coûte beaucoup moins cher qu’un automate, un investissement initial de 2000 €, quand parmi les robots on trouve aisément des modèles à 100 000 €. Mais tout dépend des besoins et du point d’équilibre que le pharmacien peut trouver en fonction de la demande. Si celle-ci augmente en volume, il est aisé de penser que cela va renforcer la tendance vers une automatisation encore plus poussée. Du reste, certains prestataires observent que les spécialistes de la PDA semi-automatisée s’orientent eux-mêmes vers les robots, ce qui est le cas en effet d’Oréus qui planifie la commercialisation d’une machine dans le courant de l’année prochaine.

Parallèlement, d’autres travaillent sur l’automatisation totale, elle est même aboutie si l’on en croit Sylvie Manzano, chef de projet chez E santé Technology, société pionnière du secteur connue pour ses automates Robotik. Elle a en effet présenté cette année un robot qui offre l'originalité d'intégrer toutes les fonctionnalités de la PDA automatisée en une machine unique. Tous les pharmaciens qui travaillent sur ce sujet savent qu’il faut souvent s’équiper de machines annexes pour traiter l’automatisation d’autres maillons de la chaîne que la production elle-même, le contrôle notamment. Ce robot à tout faire, Blisterpack, est pour l’instant surtout commercialisé à l’étranger et dans les milieux hospitaliers. « Les marchés européens sont structurés de manière différente comparativement au marché français, ils ont la possibilité de produire sur une échelle beaucoup plus importante », explique Sylvie Manzano. Le Blisterpack a aussi la particularité de traiter les médicaments avec des blisters, et non des sachets doses comme c’est majoritairement le cas en France, laquelle se distingue ainsi sur le paysage européen de la PDA. « Les pays anglo saxons et d’Europe du Nord travaillent beaucoup avec des médicaments sous blisters en PDA », justifie Sylvie Manzano.

Mais cela n’empêche pas l’entreprise de vouloir l’imposer dans l’Hexagone, même si son positionnement la destine pour le moment plutôt aux très grosses pharmacies françaises. E Santé Technology présente deux modèles, l’un qui va de quelques dizaines de lits jusqu’à 2000 lits, l’autre qui démarre à au moins 300 lits.

De nouveaux rythmes de délivrance

La perspective de l’essor de la PDA au comptoir risque de modifier aussi un élément important, le rythme de délivrance. Contrairement à la PDA en EHPADs abonnée au rythme hebdomadaire tant les changements de prescription y sont nombreux, celle destinée aux patients d’officine se vit plus facilement à un rythme mensuel. Tel est du moins le point de vue de Luc Trédez. D’où une évolution des prestataires vers une déclinaison de produits intégrant ces différents rythmes, qui semble ne pas concerner la seule PDA au comptoir. C’est le cas notamment d’Objectif PDA qui propose différentes gammes dont une pour les patients à domicile, mais sur un rythme hebdomadaire et dans le cadre d’une PDA manuelle ou semi-automatisée. De même, chez Practidose, autre leader du marché, les solutions Modulo et Modulo Track présentent l'avantage d'une technicité éprouvée par l'expérience tout en assurant une grande simplicité d'emploi.

La PDA au comptoir renforce aussi le besoin d’évolutivité : le pharmacien peut, grâce à des systèmes évolutifs, prévoir d’abord « petit », s’habituer aux process induits par la PDA et augmenter sa capacité de production, soit en changeant de machine dans un cadre contractuel qui lui coûtera peu, soit en y ajoutant des capacités supplémentaires par le biais de nouveaux tiroirs de cassettes comme le fait Damsi qui travaille sur le sujet depuis deux ou trois ans.

Objectif PDA a également l’intention de lancer une gamme de robots évolutifs en cette fin d’année. Les tendances technologies de la PDA automatisée ne sont cependant pas dépendantes de la seule demande au comptoir, d’autres éléments contribuent à la faire évoluer, à commencer par la vitesse de production. Chez Damsi par exemple, elle est passée de 50 à 70 sachets par minute ces deux dernières années. Mais aussi le travail fait autour des machines annexes au robot principal qui s’occupe de la production. L’offre se diversifie en effet de plus en plus, des machines de plus en plus spécialisées, on voit par exemple des automates dédiés aux fragmentés, « un véritable enjeu pour les robots qui ont du mal à les gérer », selon Olivier Foubet. Cette offre se concentre notamment sur deux aspects, la déblistérisation et le contrôle post production. Deux problématiques pour lesquelles il existe une offre déjà ancienne, mais celle-ci évolue, notamment pour ce qui concerne le contrôle de la production. Ces automates contrôlent ce qui est produit et vérifient les formes, les quantités, les couleurs des comprimés contenus dans les sachets doses. La nouveauté vient du contrôle optique de ces éléments ce qui permet de photographier tout ce qui est produit, et créer ainsi une photothèque qui servira en cas de litige avec un EHPAD. « Ces technologies étaient assez lourdes, elles se sont simplifié depuis », commente Luc Trédez, pour qui il est nécessaire de s’équiper de telles machines dès lors que le contrôle visuel commence à devenir chronophage dans une pharmacie. « Cela dépend beaucoup du ressenti des pharmaciens », précise-t-il.

Damsi propose des automates de contrôle qui permettent aussi de compléter la production puisqu’ils enroulent les sachets doses, les estampillent et les éjectent dans une caisse pour expédition vers les EHPADs. Objectif PDA a pour sa part commercialisé l’automate de contrôle Ziuz, compatible avec les grandes marques d’automates du marché, et compact, grâce à la miniaturisation de ses technologies, afin de répondre à la demande des pharmacies qui manquent d’espace. 

Enfin, il faut noter le positionnement particulièrement original de l'E-Box (Robotik Technology) qui combine les avantages de la PDA automatisée à l'officine, à ceux d'un pilulier électronique, connecté à une plateforme de téléassistance, au domicile du patient.

Hakim Remili

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3306