Le bon usage d’un médicament se définit par l’utilisation du « remède » adéquat, à la bonne posologie, pour une durée adaptée et par un patient qui le tolère correctement. « Au fond, il est possible d’appréhender ce sujet de deux manières. Il peut être abordé par son aspect délétère, qui est l’iatrogénie médicamenteuse. C’est ce qui crée un état pathologique du fait d’une prise de médicament – ce qui est paradoxal. La seconde manière de raconter l’histoire est de parler du bon usage du médicament en s’inscrivant dans la prévention de cette iatrogénie, et de le promouvoir afin qu’il soit pleinement efficace », détaille Éric Baseilhac, directeur des Affaires économiques et internationales du LEEM, organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France.
Le sujet n’a rien d’anecdotique. L’iatrogénie est d’ailleurs un thème majeur de la Stratégie nationale de santé (2018-2022) : « Promouvoir le bon usage des produits de santé en établissements et en ville, et notamment lutter contre la polymédication et l’iatrogénie, notamment chez la personne âgée », peut-on lire dans le texte. Et pour cause, d’après l’Association pour le bon usage du médicament (Abum), ce mauvais usage entraîne, chaque année en France, 130 000 hospitalisations et 10 000 décès. « Soit 30 % des hospitalisations des patients âgés de plus de 80 ans », précise Éric Baseilhac.
Pour autant, le docteur en médecine relève aussi du positif dans ces données alarmantes. « Dans 45 à 70 % des cas, on pourrait éviter ces décès. Pourquoi ? Car ce n’est pas le médicament qui pose problème (mais bien la manière dont on l’utilise, NDLR). D’où la nécessité de progresser sur ce point en mettant en place des techniques qui favorisent le bon usage du médicament. » Et dans ce contexte, l’officine a sa partition à jouer.
Des outils numériques simples
« On pourrait penser, dans un premier temps, que c’est parce que les professionnels ne maîtrisent pas suffisamment le médicament. Il n’en est rien, nous avons de grands experts du médicament, qui sont les pharmaciens », avance Éric Baseilhac. Pour l’Abum, il ne fait aucun doute que le premier point d’amélioration est la collaboration entre les différents acteurs de la santé.
Améliorer le dialogue dans un temps immédiat favorise le bon usage du médicament. Et en officine, l’élément majeur, d’après l’Abum, réside dans l’interopérabilité. Par exemple, si un pharmacien détecte une interaction médicamenteuse sur une ordonnance, il doit être en mesure de joindre rapidement le médecin prescripteur afin de trouver une solution. Et c’est là que le numérique intervient.
Premier outil technique : le dossier pharmaceutique (DP). « Nous savons que ce DP peut parler avec le médecin grâce au dossier médical partagé (DMP) », note Éric Baseilhac. Le pharmacien, qui délivre des médicaments, a besoin pour certains d’entre eux d’adapter les doses ou de vérifier qu’elles sont cohérentes avec la fonction rénale ou d’autres données. Lesquelles sont renseignées dans le dossier du médecin, et non dans celui du pharmacien ! Avec le DMP, ce dernier a accès à ces informations et à des paramètres biologiques indispensables pour juger du bon usage d’un médicament.
Dernière évolution en date, « Mon Espace santé » numérique prend la suite du DMP et a été généralisé à l’ensemble de la population en février. De quoi résoudre, sur un seul et même outil numérique, ces problèmes d’interopérabilité. Cet espace doit permettre de déterminer les interactions médicamenteuses, les praticiens pourront y dialoguer, et les dossiers médicaux être connus de tous.
Les start-up aussi s’y mettent. À l’image de Synapse, qui propose la plateforme Medication Intelligence, sur le bon usage du médicament, dédiée aux professionnels de santé, pharmaciens compris. Disponible sur internet (ordinateur et mobile), elle est capable d’analyser une ordonnance grâce à une technologie OCR (lecture optique de photographie) qui va détecter les médicaments présents et révéler les éventuelles interactions.
Des outils aussi pour les patients
« Pour ce faire, l’application va interroger plusieurs sources officielles de santé. Comme l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, NDLR), Liverpool, Thériaque, ou encore les bases de données publiques du médicament », explique Mathilde Terral, Lead Medical et pharmacienne cheffe de projet chez Synapse Medicine. Une équipe de Data Scientists (spécialistes des statistiques, de l'informatique et du marketing) ont travaillé sur des algorithmes qui interrogent, chaque nuit, les différentes sources officielles afin de vérifier la mise à jour effective de toutes les informations délivrées sur Synapse.
Synapse crée également des alertes par rapport au profil clinique du patient. « Par exemple, si ce dernier souffre d’une insuffisance rénale ou d’une allergie, nous allons aider à détecter les potentiels effets indésirables d’une ordonnance, ce qui peut être utile lorsque l’on recherche une iatrogénie », ajoute Mathilde Terral. La technologie est également en mesure de créer des alertes sur des déplacements de posologie, soit aider le médecin à mieux prescrire et le pharmacien à sécuriser la délivrance d’un médicament.
De son côté, la start-up Posos a développé un outil informatique doté d’une intelligence artificielle qui peut être intégrée aux logiciels et sites Web d’entreprises de santé. L’objectif étant d’apporter « une réponse fiable aux questions sur les médicaments », précise la société. Ainsi à partir de Posos, le pharmacien en officine va pouvoir vérifier les informations sur un médicament donné et se renseigner sur les conditions particulières de prescription, les précautions d’emplois et interactions médicamenteuses, les alternatives thérapeutiques, etc.
Les outils visant à soutenir la pharmacovigilance ne sont pas uniquement dédiés aux professionnels, certains s’adressent également aux patients. « Nous sommes en train de développer une application patient grand public, qui devrait sortir dans quelques semaines », précise Mathilde Terral, de Synapse. Le pharmacien pourra communiquer directement avec le patient sur ladite application.
La pharmacie se transforme peu à peu en hub pour les patients. Les éditeurs de logiciels de gestion officinale (LGO) restructurent aussi de plus en plus en profondeur leurs produits et s’ouvrent à d’autres missions que la seule gestion des officines. Le parcours de soins, l’observance et le partage avec les professionnels de santé en sont partie intégrante.
Dans les prochaines années, les cabines de téléconsultation devraient aussi se déployer, et de plus en plus. Celles-ci vont établir un lien direct entre médecin et patient. « L’officine devient ainsi le lieu géographique du premier recours, qui permet de mettre le patient en lien avec d’autres acteurs de santé si besoin », remarque Éric Baseilhac.
Quid de la formation ?
Outre l’échange et l’interopérabilité, le bon usage du médicament, c’est aussi garantir les mises à jour, qu’il s’agisse des logiciels ou de la matière grise. De l’avis d’Éric Baseilhac, les pharmaciens ont une connaissance de niveau expert sur le médicament, mais ne doivent en aucun cas se dispenser de la formation continue.
À ce titre, l’Abum collabore avec la direction générale de l’Agence nationale du développement professionnel continu (DPC), afin de fournir des formations communes entre professionnels de la santé. Par exemple, disponible pour les officines, un logiciel d’autoformation reposant sur une méthode qui consiste à poser des questions clés et actualisées sur les nouveaux médicaments et les nouvelles méthodes. Et ce, afin que le pharmacien puisse entretenir son savoir.
Et ce n’est pas tout. L’Abum et le LEEM s’adressent également aux collaborateurs officinaux, notamment au travers d'un outil développé avec l’UTIP association (Association de formation professionnelle continue pour les pharmaciens) et qui leur est spécialement destiné. « Parfois, les collaborateurs en officine n’ont pas le temps de se former comme ils le souhaiteraient. D’où la mise en place de cet outil d’e-learning. Simple d’utilisation, il sensibilise sur les signes d’appel très basiques de l’iatrogénie (fatigue excessive, diminution de l’appétit, perte de poids, vertiges… NDLR), lorsqu’un client dit souffrir de certains de ces symptômes qui doivent alerter », explique Éric Baseilhac.
Au-delà des outils numériques qui sont un atout indéniable, les professionnels de santé doivent faire preuve d’une certaine rigueur. « Il faut également que par messageries interposées, les différents professionnels puissent poser une question et obtenir une réponse rapidement », prévient Éric Baseilhac. Car toutes ces aides numériques, aussi sophistiquées soient-elles, reposent aussi sur un facteur plus arbitraire et plus aléatoire : l’humain qui, lui, ne dépend d’aucun algorithme
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