CES DERNIÈRES ANNÉES, nombre de réseaux professionnels se sont développés, en particulier des « plate-formes communautaires de niche », remarque Supergélule dans un article de juillet 2011. Le secteur de la pharmacie « n’échappe pas à la règle ». Supergélule ? Un site d’actualité pharmaceutique vue par de jeunes pharmaciens, dont le lancement date de 2007, par son fondateur Sébastien Cros, et couplé depuis trois ans à un forum pharmacie librement accessible.
Aujourd’hui, des comptes de pharmacies, d’officinaux, de groupements, de syndicats pharmaceutiques, de laboratoires, etc. sont présents sur les réseaux sociaux généralistes comme Facebook ou Twitter, ainsi que sur des plate,formes tournées vers les échanges professionnels comme Viadeo et LinkedIn. Ainsi, l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO) se démarque par une refonte totale de son site, accompagnée d’une présence à la fois sur Facebook et Twitter depuis trois mois. « Ces réseaux sociaux prennent le relais des sites. Les pharmaciens ont souvent l’un ou l’autre, voire les deux. Quand on met un message sur notre site et qu’on le relaye sur Facebook, on s’aperçoit qu’ils l’ont dans la journée et certains y réagissent. Si l’information se trouve uniquement sur le site, il est moins visible, nous n’avons aucune certitude qu’il soit consulté. Actuellement, les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de communiquer », indique Olivier Rozaire, conseiller spécial auprès du président de l’USPO, en charge de la communication. Par ailleurs, l’USPO réfléchit à s’inscrire sur des réseaux sociaux professionnels destinés aux pharmaciens.
Confidentialité totale.
Les premiers ont, en effet, vu le jour en 2009. Précurseur, Docatus livrait cette année-là sa version bêta pour passer au lancement véritable en 2011. Son fondateur, le Dr Fabien Guez, est cardiologue à Paris et animateur de l’émission Check-up Santé diffusée le dimanche matin sur BFM Business. Docatus s’adresse à tous les professionnels de santé « prescripteurs », ce qui revient, pour le Dr Guez, à y inviter tous les médecins, généralistes et spécialistes, les pharmaciens, les dentistes… Les étudiants de ces spécialités sont également les bienvenus. « Les pharmaciens étaient assez passifs au début et se contentaient de consulter les documents postés par les autres professionnels. Aujourd’hui ils participent et créent des groupes privés. En ce moment, se créent par exemple des groupes liés aux suivis des anticoagulants oraux par les officinaux, ces derniers se rapprochent d’autres professions médicales pour obtenir des informations. » Des petits groupes souvent liés à la zone géographique de l’internaute qui aime à échanger avec les professionnels de santé qui peuvent être naturellement amenés à travailler avec lui. « Les forums de discussion concernent bien d’autres sujets, les génériques par exemple. Il y a de plus en plus de petits groupes privés, totalement fermés au public, et qui n’apparaissent pas dans les moteurs de recherche », ajoute Fabien Guez. Une confidentialité totale et des échanges interprofessionnels facilités font le succès de la plate-forme qui compte 19 025 membres au 15 novembre, dont 40 % sont médecins et 30 % sont pharmaciens. Les outils et services à disposition sont les mêmes que sur un réseau social généraliste tel que Facebook, avec la possibilité de poster toute sorte de documents comme des vidéos, ainsi que des offres supplémentaires : mise en place de visioconférences, enquêtes quasi instantanées auprès des inscrits à destination d’institutions publiques ou de l’industrie pharmaceutique, etc. D’autres projets sont en cours, comme le développement de partenariats avec des maisons d’édition ou de presse pour amener du contenu sur la plate-forme ou la mise en place d’un chat vidéo. « Nous montons un partenariat avec Viadeo, qui compte actuellement 5 % de professionnels de santé parmi ses utilisateurs », précise le Dr Guez. Ce partenariat devrait amener davantage de visibilité à Docatus, qui espère toucher 50 000 professionnels de santé d’ici à fin 2013.
Mutualisation.
Fin 2009, un autre réseau social a fait son apparition : Pharmext. En pleine restructuration, il doit changer de plate-forme d’ici à la fin du mois pour offrir plus de fonctionnalités. « Dans le périmètre professionnel des médecins, pharmaciens, vétérinaires, etc., les réseaux sociaux ne sont pas totalement matures. Le fait de s’y inscrire est une démarche affinitaire, car le travail collaboratif professionnel reste rare », indique Jamal Choujar, directeur général de Medext group, la société qui a développé Pharmext. Le réseau compte 3 000 pharmaciens inscrits, la moitié étant des étudiants, l’autre moitié regroupant des industriels, des internes et des officinaux. Leur activité sur la plate-forme ? Des échanges autour de la santé et des difficultés rencontrées au quotidien, ainsi que la constitution de groupes thématiques. « Pharmext, comme tout réseau social, permet à ses usagers d’en inviter d’autres, de rechercher des confrères, de partager des documents, nous répondons aux codes de fonctionnalité des autres réseaux », ajoute Jamal Choujar.
En 2010, Pharma-reseau est créé par Jean-Pascal Naïm. Ce chef d’entreprise est entouré de pharmaciens, notamment de son épouse, installée depuis une vingtaine d’années. Constatant que les officinaux se parlent peu de leur métier, il veut créer un outil incitant au partage d’expériences. Pharma-reseau compte désormais plus de 4 000 inscrits et M. Naïm espère qu’il va devenir un lieu de réflexion prospective sur les enjeux de santé publique, les formes d’exercice, les compétences, la qualité. « Les utilisateurs sont encore pour beaucoup des observateurs, dans le sens où ils n’animent pas le réseau social. C’est typique d’une profession à qui on n’a pas donné l’habitude, l’envie et les moyens de s’exprimer. D’où ma volonté de créer des ateliers de réflexion sur la plate-forme, par exemple pour associer des personnes d’une même région qui apporteraient leur contribution sur un sujet donné. Il faut sortir de la logique de concurrence pour entrer dans celle de la mutualisation. Le réseau social peut ainsi organiser et accompagner les changements dans la profession. »
Améliorer les pratiques.
Pharma-reseau donne la possibilité de créer des groupes privés ou publics, de rendre visibles les événements importants de la profession, de consulter des annonces d’emploi. À l’inscription, chacun est invité à définir ses spécialités et ses centres d’intérêt, ce qui lui permet d’être alerté lorsqu’un sujet le concernant est abordé. Si les titulaires représentent la moitié des utilisateurs, Pharma-reseau reste ouvert à toute l’équipe officinale, mais aussi aux industriels, aux hospitaliers, etc. « La vocation d’un réseau social est de véhiculer des informations, des échanges et des discussions sur des problématiques communes, il faut donc rester ouvert aux partenaires des pharmaciens. Les organismes de formation, par exemple, peuvent accéder à la plate-forme et échanger. »
Dernier né, le réseau TalentPharmacie est présent sur le Web depuis décembre 2010 et compte 5 500 inscrits. C’est le premier réseau créé par la société Crézéo sur sa plateforme SanteConnect qui, depuis, a également fondé des réseaux pour les infirmiers et les podologues. Un quatrième, pour les dentistes, devrait être lancé d’ici peu. « Un réseau social doit créer une dynamique d’échanges. Il s’agit d’une plate-forme collaborative pour améliorer les pratiques professionnelles, à travers des actualités, des partages de connaissances. SanteConnect met à disposition les outils qui aident à collaborer plus facilement ensemble. On propose ainsi sur TalentPharmacie un accès à l’actualité grâce à des agrégations d’actualités issues notamment du site Supergélule », décrit Antoine Leclercq, directeur général de Crézéo. Là encore, les fonctionnalités proposées sont nombreuses et n’ont rien à envier à Facebook ou LinkedIn : annuaire permettant tout type de requête, pages entreprises, groupes privés ou publics, accès automatique et verrouillé en fonction du profil (titulaire, adjoint, préparateur…), moteur de recherche pour les actualités et les membres, capacité de diffusion de tout type de document, etc. « Nous essayons de structurer l’information tout en laissant librement les membres naviguer. Nous avons beaucoup travaillé l’ergonomie et la simplification des accès. Aujourd’hui, on vend des espaces de visibilité à des partenaires et les membres ont accès à 1 300 offres d’emploi qui peuvent être créées directement sur la plateforme ou agrégées à partir d’autres sites de recherche d’emploi. »
Outil collaboratif.
Antoine Leclercq a aussi eu la bonne idée de lancer un observatoire sur l’usage des réseaux sociaux par les professionnels de santé, le 25 septembre dernier, accessible à l’adresse santeconnect.com/observatoire jusqu’au 7 décembre, et dont les résultats sont attendus à a mi-décembre. « À la mi-novembre nous avons reçu 532 réponses issues, pour 25 % d’entre elles, d’infirmiers, 16 % de pharmaciens, 13 % de médecins et 46 % d’autres spécialités. On note déjà que 97 % connaissent les réseaux sociaux généralistes, 42 % connaissent les plate-formes professionnelles et 50 % en ont une utilisation professionnelle. »
Des résultats intéressants qui confirment l’envie de travailler d’Antoine Leclercq avec Sébastien Cros de Supergélule et Simon Letellier, secrétaire de l’Association française pour le développement de l’Internet en pharmacie (ADIPh) et responsable du développement du site. L’ADIPh est née en 1996 de la volonté du président de PHAST*. « Avant même les forums, l’idée était de poser une question à une communauté et de pouvoir répondre à la communauté. Jusqu’en 2006, l’ADIPh a vécu sur des listes de diffusion, mais les choses évoluent et la plate-forme est ouverte aux officinaux depuis quatre ans, même si l’association est surtout connue par les pharmaciens hospitaliers », explique Simon Letellier, lui-même pharmacien hospitalier et diplômé en informatique médicale. Les listes de diffusion sont finalement toujours aussi efficaces, même si des outils collaboratifs plus modernes existent aujourd’hui, comme les forums et les réseaux sociaux. « Quel que soit l’outil collaboratif, il faut atteindre un minimum d’inscrits et de membres actifs pour que le système fonctionne. Ce sont les inscrits qui font vivre l’outil, s’ils ne l’animent pas, l’outil disparaît. » Car, selon Simon Letellier, certains réseaux sont aujourd’hui en dormance. Pour lui, il y a peu d’activité sur les réseaux consacrés aux pharmaciens, excepté chez TalentPharmacie, et il avoue un intérêt particulier pour l’interprofessionnalité de Docatus. Il apprécie aussi la plate-forme de Pharmext et son application mobile, mais, en l’absence d’animation, il ne s’en sert pas.
Niveau de confiance.
« L’ADIPh se situe entre ce que pourrait proposer l’Ordre des pharmaciens, d’une part, c’est-à-dire un outil collaboratif privé qui serait hyperprofessionnel, et les réseaux sociaux qui fournissent le service aux professionnels, comme TalentPharmacie, Pharma-reseau ou Pharmext. Notre avantage est d’être propriétaire de l’outil que nous proposons, nous en avons la maîtrise totale, ce qui élève le niveau de confiance des inscrits pour la confidentialité de leurs échanges. » Des vérifications sont faites auprès de chaque inscrit, afin de s’assurer qu’il est bien pharmacien. Le réseau social proposé par l’ADIPh va être promu d’ici peu avec une mise en avant du système d’annuaire interne professionnel. Si cette offre fonctionne, l’annuaire s’étoffera d’autres services pour devenir un réseau social à part entière. L’ADIPh a aussi créé son « wiki », une page collaborative modifiable par tous les visiteurs, qui devrait être très prochainement accessible à tous ses membres. Le nouveau bureau de l’ADIPh souhaite également développer des forums selon les outils métiers des utilisateurs. « Chacun pourra y aborder ses problématiques propres loin des éditeurs. Comment programme-t-on telle perfusion dans tel logiciel ? Comment assure-t-on la traçabilité d’un dispositif médical implantable ? Il s’agit à la fois de questions très professionnelles et très techniques. » L’association compte 1 500 inscrits, dont quelques centaines d’officinaux. Un travail de communication doit se mettre en place pour faire connaître l’association et ses outils collaboratifs.
Geek et créatif.
Si le site TMES (Technologies multimédia, éducation, santé) ne s’inscrit pas dans la définition des réseaux sociaux, il est intéressant néanmoins de présenter l’initiative de deux officinaux qui ont voulu partager des outils d’aide au quotidien avec leurs confrères. Stéphane Terral est installé à Mont-de-Marsan (Landes). Bertrand Gosselin est titulaire à Roncq (Nord). Ils font connaissance sur un forum de discussion mis à disposition par leur groupement et se découvrent un même profil un peu geek et très créatif. « La première idée émane de Stéphane. Tous les jours on utilise des outils comme le test de Fagerström pour les fumeurs et le dépistage se développe en officine, alors que nous n’avons que de supports papier. L’objectif était d’avoir à disposition tous les outils de référence, suivant les protocoles reconnus par les autorités de santé, sur une seule interface. La deuxième idée était d’avoir un outil informatique qui centralise les résultats des tests de dépistage et agrège les données entre elles », détaille Bertrand Gosselin. C’est ainsi qu’est né DéClic. Une idée en entraînant dix autres, les deux titulaires regrettent de ne pouvoir faire aboutir tous leurs projets, mais ils ont déjà lancé un 2e outil : EduClic. Cette fois, il s’agit de démonstrations de l’utilisation de dispositifs, tels qu’un aérosol ou un lecteur de glycémie. « C’est un soutien vidéo aux pharmaciens qui montrent à leurs patients comment utiliser leur appareil, on peut prendre l’adresse mail du patient et lui envoyer la vidéo. Il s’agit d’un support intéressant car on ne se souvient pas de toutes les recommandations quand on sort de chez le médecin ou le pharmacien. De plus, nos vidéos sont réalisées en toute indépendance, sans lien avec les fabricants de dispositifs. »
DéClic et EduClic ont une application sur les tablettes et les smartphones et ils sont présents sur Internet sur l’interface TMES.fr. TMES est aussi présent sur Facebook et les deux pharmaciens entretiennent leurs relations avec des sites comme Supergélule ou Pharméchange pour continuer à se faire connaître. « Il y a quantité de choses à développer pour faire évoluer les modes d’exercice, notamment dans le cadre des nouvelles missions. On aimerait que la profession bouge plus vite dans ce sens, surtout les institutions, car les SSII commencent à investir le terrain et, par essence, elles ne proposeront pas de solutions universelles adaptables à tout pharmacien. »
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