C’EST UNE ÉVOLUTION discrète, mais importante. Les outils de pilotage présents depuis longtemps dans les officines ont connu un véritable saut qualitatif ces deux dernières années. Une évolution passée presque inaperçue, tant les pharmaciens sont sollicités par de nombreux enjeux technologiques. Et pourtant, leur utilité pourrait n’avoir jamais été aussi grande qu’aujourd’hui, alors que le métier de l’officine change de manière aussi drastique. Ces outils permettent de tout piloter, des questions les plus stratégiques, telle la viabilité d’une opération de regroupement, jusqu’aux questions les plus quotidiennes, le suivi des ventes de telle ou telle catégorie de produits par exemple, en passant par l’analyse des ratios de gestion, les stocks, les achats, la politique de prix etc… Faire en sorte d’avoir une vision statistique de tout ce qui se passe dans l’officine pour mieux décider. Ces outils sont désormais plus fins, ils vont à des niveaux d’analyse plus poussés, tout en étant plus intuitifs, donc plus simples à utiliser.
Ce saut qualitatif était devenu plus que nécessaire tant ces outils étaient et sont encore assez peu utilisés. Beaucoup de pharmaciens ne savent pas trop par quoi commencer, car les indicateurs sont nombreux. Et par manque de temps, de curiosité, par manque de maîtrise aussi, ils les laissent de côté. Les éditeurs ont travaillé pour apporter plus de simplicité, plus d’ergonomie quand la matière elle-même reste plus que jamais complexe. Une complexité liée à l’étendue même des indicateurs possibles – 80 états statistiques par exemple proposés par Leo 2.0 d’Isipharm, à leur lecture et leur usage. Une complexité parfois revendiquée par les utilisateurs : « les systèmes prédictifs sont toujours complexes », affirme ainsi Guillaume Morel, consultant stratégie, projet et finances de l’enseigne Forum Santé.
Globaliser à une échelle plus vaste.
La première réponse des éditeurs a été de globaliser ces outils de pilotage, de façon à ce qu’ils permettent aux pharmaciens de prendre des décisions stratégiques sur la base d’arguments basés sur des chiffres, des éléments objectifs, des simulations. « Un tel outil ne doit pas se contenter de dire ce qu’il s’est passé, disons, pour telle catégorie de produits le mois dernier, il doit étayer des hypothèses de développement », affirme Guillaume Morel. Prendre du champ en quelque sorte, une tendance qui s’illustre notamment par l’apparition d’outils ou de fonctionnalités adapté(e)s aux groupements, formels et informels, donc à une échelle plus vaste que l’officine. C’est ainsi que Pharmagest a positionné son logiciel My Pilot de telle sorte qu’une officine puisse s’évaluer à l’aune d’un panel, et faire du « benchmarking » c’est-à-dire évaluer les performances de la pharmacie en fonction de mesures structurées. « My Pilot », agrège les données de tous ses clients (environ 500) et permet de visualiser l’état d’un marché donné. Une véritable aide à la décision, rendue possible par une infrastructure informatique puissante, une plate-forme Web interfacée avec LGPI, le LGO édité par Pharmagest.
AGT Retail, une société spécialisée dans les logiciels de pilotage tous secteurs confondus, considère même que la seule échelle valable est celle du groupement. « Une agrégation statistique ne devient intéressante qu’à partir de 30 ou 40 officines », estime Laurent Dubernais, le président de la société. « Si un pharmacien a un taux de marge de 28 % tandis que chez son collègue, dont l’officine est comparable, ce taux est de 30,5 %, il va être conduit à comprendre pourquoi une telle différence. » De par sa capacité à analyser la structure du chiffre d’affaires et de la marge, produit par produit, ou par catégorie de produits, il est possible de faire évoluer l’offre de l’officine pour améliorer sa marge. La confrontation à des statistiques émanant d’un panel concerne tous les aspects de la politique commerciale d’une officine.
Pharmagest évoque par exemple la problématique des prix, My Pilot est en mesure de lancer une alerte si une politique de prix paraît déficiente, et peut donner des conseils par rapport à une zone de chalandise donnée pour toute catégorie de produits, et permettre d’agir sur le référencement, la dynamique commerciale, l’affichage etc… La tendance à « globaliser » au niveau d’un groupement gagne d’ailleurs du terrain, les récents développements de Map, le logiciel de pilotage proposé par Alliadis, permettent désormais de consolider les données d’un groupe de pharmacies pour en extraire des analyses au niveau des achats, des stocks et des ventes. Leo 2.0 peut lui aussi agréger des données de plusieurs officines.
Avoir un GPS prévisionnel.
L’avantage de la consolidation des données au niveau d’un groupement n’est pas seulement de l’ordre du benchmarking, mais aussi de la visibilité financière. « Ce que nous proposons, c’est une sorte de « GPS prévisionnel », illustre Laurent Dubernais. « C’est une sorte de feuille de route qui se recalcule tout le temps. » La trésorerie résulte d’opérations complexes, qu’on a tendance à regarder de manière rétrospective. « Notre outil est en mesure d’anticiper des difficultés financières par le biais d’un système d’alerte », ajoute le président d’AGT Retail. Le groupement joue le rôle de conseil, et grâce à l’agrégation des données de l’ensemble de ses adhérents, peut permettre d’intervenir très rapidement et de proposer des solutions. Ce que ne font pas ou pas souvent, les logiciels de gestion d’officine. Encore que, Leo 2.0 d’Isipharm dispose d’un module spécifique d’informations comptables susceptibles d’agréger les données non seulement dans le domaine commercial, mais aussi financier et plus particulièrement celui si délicat de la trésorerie.
Toutes des données, dont l’accroissement est exponentiel peuvent être désormais traitées par les outils de pilotage en général basés sur des plateformes puissantes, plateformes Web, ou par du cloud, comme la version 2.0 de Map. Mais elles doivent aussi être simples d’accès, d’où le soin apporté à l’ergonomie. C’est ainsi qu’Alliadis a simplifié l’usage de ses tableaux de bord, très nombreux dans la version précédente de Map, laquelle nécessitait de passer d’un tableau à l’autre dès lors que le pharmacien souhaitait avoir de nouvelles informations. Là, le nombre d’accès a été réduit, mais ils gagnent en « profondeur », dès lors que l’on est sur une catégorie de statistiques, le pharmacien a un point d’entrée et affine ensuite la recherche. Les éditeurs sont condamnés à apporter le plus de clarté dans une matière éminemment complexe, dominée par une quantité impressionnante de données et de ratios. Ils se doivent de délivrer ce que veut très exactement le pharmacien de la manière la plus visuelle possible, du géomarketing par exemple. Les éditeurs travaillent également sur la disponibilité de leurs outils sur les plates formes mobiles, comme c’est le cas pour AGT Retail.
Un flux permanent de données.
La simplification de ces outils est d’autant plus à l’ordre du jour que, remarque Emmanuel Fretti, directeur général d’Isipharm, Microsoft lui-même s’est intéressé à la question. En commercialisant une nouvelle plateforme décisionnelle, PowerBI pour Office 365, l’éditeur a résolu un certain nombre de difficultés techniques liées à l’extraction des données. « Il n’est plus nécessaire d’avoir un extracteur puisque Microsoft a en quelque sorte ouvert un flux permanent qui aspire les données », explique-t-il. « Cela apporte à la fois une grande simplicité d’usage et une grande puissance de traitement. » Isipharm étant un partenaire privilégié (Gold) de Microsoft, l’éditeur a pu bénéficier de l’apport de ces technologies et commercialise d’ailleurs un pack rassemblant PowerBI pour Office 365 avec Leo2.0.
Les outils de pilotage ont également évolué en fonction des besoins de la profession. C’est ainsi qu’Alliadis, comme d’autres éditeurs, a apporté une nouvelle fonctionnalité liée à la gestion du taux de génériques vendus, si importante au regard de l’Assurance-maladie. Tenant compte des spécifications de la CNAM, le module lié aux génériques suit la nomenclature officielle, rend les modes de calculs transparents afin de voir quels sont les objectifs atteints selon le type de molécule concerné, et quelles sont les molécules à travailler.
Pour les pharmaciens, l’enjeu n’est pas tant de savoir de quel outil s’équiper. Travaillant avec tel ou tel éditeur de logiciel, ils auront tendance naturellement à se tourner vers ledit éditeur pour tout ce qui concerne les outils de pilotage. Ceux-ci sont parfois contenus dans le LGO lui-même, comme c’est le cas d’Isipharm, donc gratuit sous sa forme standard.
Si le pharmacien a besoin de plus, cela lui sera tarifé sous la forme de services. Ou alors, ils sont disponibles en cloud, gratuitement, comme c’est le cas de Map 2.0. My pilot est disponible selon un abonnement mensuel. Il reste le cas particulier d’AGT Retail, une décision d’achat qui ne peut être prise qu’au niveau d’un groupement. L’éditeur a travaillé avec les trois principaux leaders des LGO pour que son logiciel puisse communiquer avec eux. En réalité, le véritable enjeu est de prendre en main ces outils de pilotage.
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