À combien s’élève votre apport personnel ? C’est la question que redoutent les pharmaciens qui projettent de s’installer. L’apport est encore considéré comme un facteur limitant lors de l'installation, en particulier pour les plus jeunes.
« D'une façon générale, les banques cantonnent leur domaine d’intervention autour de 80 % d’un plan de financement ; le reste, 20 %, doit être couvert par l'apport, ce qui pose problème pour des jeunes ou des pharmaciens en réinstallation », explique Luc Fialletout, ancien directeur général d’Interfimo, aujourd'hui président du comité pour le développement de Pharmequity. « Concrètement, selon ce raisonnement, pour un coût d’achat de 1,5 million, l’acheteur devrait donc apporter à peu près 300 000 euros. Sans aide familiale ou fortune personnelle, cette condition peut paraître bloquante », détaille Nicolas Baldo, expert-comptable KPMG Marseille. Bloquant, mais pas insurmontable. Pour rassurer les banques et les convaincre d'accorder un emprunt, plusieurs pistes peuvent être explorées. « Généralement, l’apport personnel s’élève entre 60 000 et 100 000 euros. Pour arriver à ces fameux 20 % d’apport, il faut fouiller dans la palette de toutes les aides disponibles en France », poursuit l'expert-comptable.
Des solutions pour amplifier l'apport personnel.
Pour booster un apport insuffisant, la solution la plus répandue est de faire appel à un pharmacien investisseur. « Avec ce système, un titulaire déjà installé peut participer au capital et au compte d’associé d'une autre pharmacie. Le pharmacien investisseur est limité à 49 % en capital, plus la même somme en compte courant d’associé ; ce qui permet de doubler l'apport », explique Nicolas Baldo. Autrement dit, si l’acquéreur dispose de 70 000 euros d’apport, l’investisseur peut investir 69 000 euros en capital et 69 000 en compte courant, soit un apport de 138 000 euros supplémentaire. « En entreprise, on appelle ces investisseurs des business angels. Mais cette démarche n'est pas altruiste. En aidant un jeune entrepreneur à mettre le pied à l'étrier, l'objectif de l'investisseur est de conforter son propre patrimoine », note Luc Fialletout.
Au bout de plusieurs années, l'objectif pour l'investisseur est de se faire racheter sa participation, valorisée généralement du fait de l'essor de l'officine. Pour Nicolas Baldo, en termes de rendement, « ce genre d'investissement, avec un taux d’actualisation autour de 10 %, est généralement plus judicieux et opportun que tout autre placement ». Un système gagnant-gagnant, qui présente cependant quelques limites, prévient Luc Fialletout : « Les business angels ont une attitude assez intrusive, car ils vont regarder de près les modalités d’achat, la gestion du personnel et, d'une manière générale, l’activité de l'officine dans laquelle ils ont investi. Le pharmacien aidé doit donc rendre des comptes à ces investisseurs. »
La garantie offerte par les groupements ou les répartiteurs.
Autre solution pour conforter un plan de financement, la garantie offerte par les répartiteurs ou par les groupements. « Le principe est simple : le pharmacien qui souhaite acquérir une pharmacie fait appel à un grossiste-répartiteur ou à un groupement pour garantir un prêt complémentaire au crédit principal. Cette caution est rassurante pour les banques prêteuses », commente Luc Fialletout. Si ce mécanisme offre l'avantage de sécuriser le prêt, il permet également au répartiteur de sécuriser le client. « La contrepartie est en effet que le pharmacien s’engage à travailler pendant plusieurs années avec le répartiteur ou le groupement garant : c’est un engagement de collaboration. Mais contrairement au modèle de l'investisseur, le pharmacien reste le seul maître à bord de son officine », complète Nicolas Baldo. Les principaux grossistes-répartiteurs et groupements offrent cette possibilité.
À Pau, Muriel Vicériat, expert-comptable EXCO, a accompagné un client dans ce dispositif. Pour elle, ces opérations destinées à booster l'apport constituent également une solution intéressante pour corriger la « survalorisation » d'un produit (prix de vente supérieur à 100 % du chiffre d’affaires), selon sa situation géographique par exemple : « Le booster d'apport n’est pas juste une solution pour accéder à l’acquisition avec un apport moindre ; nous y avons recours également pour aider à l'acquisition d'un bien survalorisé, comme on l'observe sur le littoral Atlantique. »
D'autres solutions pour disposer d'un apport convenable.
Outre les boosters d'apport, d'autres dispositifs ont été récemment imaginés pour permettre à des pharmaciens d'acquérir une officine. Depuis 2019, la CAVP (caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens) propose un prêt spécial, consenti pour une durée de 15 ans maximum et remboursable à partir de la 13e année. Le montant peut représenter jusqu’à 3 fois l’apport du pharmacien, avec un plafond de 500 000 euros et un taux de 2 %. Ce prêt est considéré comme un apport par la banque prêteuse. Il présente néanmoins quelques limites, que souligne Nicolas Baldo : « Ce prêt CAVP est subordonné à l’obtention du prêt bancaire. La société qui fait l'objet de la transaction doit être une SELAS ou une holding. Enfin, l’accord de financement intervient sous 2 mois environ, ce qui peut être trop long dans le cas des ventes rapides. »
L’épargne selon PharmEquity.
Dernier né, le dispositif PharmaEquity est une initiative d’Interfimo, en partenariat avec l’UNPF et la FSPF. « Il ne s’agit pas précisément d’un booster d’apport ; c’est une alternative au modèle de business angel pour les pharmaciens qui souhaitent participer à l’installation d’autres pharmaciens en privilégiant un modèle d’épargne. L'épargnant ne connaît pas la pharmacie qu'il soutient. Pour autant, il est quasiment sûr de pouvoir récupérer sa mise qui aura été mécaniquement augmentée du montant du crédit principal une fois soldé (mise de départ plus la cote part de crédit remboursé). Côté acquéreur, ce modèle va permettre de trouver une ressource lui permettant de doubler son apport personnel, mais il restera maître chez lui, sans le fil à la patte imposé par les autres solutions… Tout cela est régi par un pacte d’associé », commente Luc Fialletout. Après plusieurs mois de développement, la plateforme Pharmequity est désormais opérationnelle. « Pour qu’un projet d'acquisition soit retenu, il faut qu’il soit agréé par les techniciens de la plateforme et analysé en comité de crédit d’Interfimo (ce qui n'empêchera pas le futur acquéreur d'emprunter à une autre banque). Ce cumul d’expertise est une sécurité pour les épargnants. »
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