Cette fois, c’est parti : six des trente-trois pharmacies minières du Nord-Pas-de-Calais ont fermé depuis le début de l’année, une autre, à Anzin (Pas de Calais), fermera en juillet. « Pour le reste, on ne sait pas », regrette Raymond Frackowiak, secrétaire du syndicat CGT des retraités de la mine. Très pondéré, mais ferme, le responsable syndical convient « qu’on savait qu’on ne garderait pas tout le régime, quand 6 % des bénéficiaires meurent chaque année ». « Le processus des fermetures aurait dû intervenir beaucoup plus tôt », répond Éric Bot, pharmacien libéral à Loison-sous-Lens (Pas-de-Calais), en charge de ce dossier pour son syndicat.
Ces fermetures marqueront le pays minier, ce « trésor de l’humanité », selon l’UNESCO, qui s’étend de l’ouest de Béthune (Pas-de-Calais) à l’est de Valenciennes (Nord). Elles signent aussi la fin de plus de trois siècles d’histoire et de drames.
Une loi de 1946 avait créé le régime minier. Les bénéficiaires des Caisses régionales du régime (CARMI), les mineurs et leurs ayants droit, femme et enfants, jouissaient d’une prise en charge à 100 % dans des établissements réservés. À partir de la fin des années 1960, les puits commencent à fermer. Suivront vingt années d’abandons successifs, et le dernier des 852 puits du Nord-Pas-de-Calais, à Oignies, ferme en 1990. En 1950, on comptait 70 000 mineurs, 1,2 million de bénéficiaires du régime minier ; les bénéficiaires sont 65 000 en 2009, 39 000 aujourd’hui, mais l’ensemble des pharmacies, maisons de santé (pluridisciplinaires), cabinets médicaux restaient ouverts, au grand dam, principalement, des pharmaciens libéraux.
« La CGT a fait des propositions, en 1992, pour que l’ensemble du régime minier soit mis à la disposition de toute la région, rappelle Raymond Frackowiak. Au lieu de cela, on a commencé à fermer les cabinets, et on n’a jamais pris en compte le fait que la région est fortement défavorisée en matière de santé. » L’assurance santé et le régime minier ont signé une convention d’objectif (COG n° 3), pour la période 2014-2017, visant à faire disparaître tout ce qui est commercial dans la CARMI (pharmacie, dentaire, ophtalmologie, transport).
Les retraités de la mine s’inquiètent de nouvelles habitudes, et des délais de la médecine de ville. « On avait des transports pour aller chez le dermato, rappelle Jean-Jacques Rambeau, mineur retraité. En ville, je n’ai plus qu’une visite ophtalmo tous les deux ans, et je suis diabétique. Avant j’avais un rendez-vous dans le mois. » La pharmacie qu’il fréquentait, à Auchy-les-Mines, a fermé fin février, il devra aller dans une officine libérale. Auchy compte 5 000 habitants, et le régime minier y entretenait encore un médecin, une pharmacie, une infirmière, pour 10 anciens mineurs et 30 ayants droit. L’ancien mineur reconnaît la disproportion.
« Il faut que les pharmacies minières non rentables ferment, comme cela a déjà été fait dans le Gard, assure Éric Bot. On a trop joué la politique du pire, menaçant la survie des petites pharmacies libérales. À la mise en place du quorum, les mineurs étaient comptés dans la population totale, même s’ils allaient, ainsi que leurs ayants droit, dans les établissements CARMI. De 1968 à 2012, Lens a perdu le quart de sa population (de 42 000 à 32 000 habitants), mais compte encore 14 officines, et une pharmacie CARMI : deux fois trop ! D’autres villes comme Harnes ou Avion se retrouvent avec trop d’officines, parce que leurs populations ont baissé. »
Trop de pharmacies, pas assez de médecins
« Les décisions ne doivent pas être axées sur la seule démographie, mais sur les besoins de la population, argumente Raymond Frackowiak. Il existe un plan jusqu’à 2017, mais rien pour après. La mine est pourtant une des professions les plus touchées au niveau sanitaire, et on n’en tient pas compte. » Et de rappeler la silicose, mais aussi les maladies découlant de l’amiante, qu’on trouvait notamment dans tous les coffrets électriques. Le Nord-Pas-de-Calais est de fait très touché par les maladies pulmonaires.
« La rentabilité des pharmacies CARMI a baissé, alors que, déjà, le jeu n’était pas égal, reprend Éric Bot. Ces officines ne sont pas des commerces, ce sont des pharmacies à usage interne, elles n’ont pas pignon sur rue, ne paient pas d’impôts, pas de taxes locales. Elles n’étaient pourtant plus les vaches à lait du régime. Nous avons toujours demandé les fermetures progressives de ces officines, mais le syndicat des pharmaciens a aussi toujours réclamé le maintien des dispensaires miniers, avec leurs médecins. Dans la région, il y a trop de pharmacies, mais pas assez de médecins. » La disparition du régime minier avait cristallisé le débat sur la fermeture des pharmacies, alors que la réalité concernait en fait la démographie médicale.
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