« EN FRANCE, il n’y a aucun cadre juridique sur la question. La vente de médicaments sur Internet n’est pas interdite, mais, de fait, il n’existe pas de site français proposant cette vente. » Cécile Gillet, expert du pôle agroalimentaire chez Eurostaf, est catégorique. Le canal de distribution est bien précisé, tout médicament doit être vendu par un pharmacien, mais il pourrait profiter du vide juridique pour user de cette pratique.
« Nous étions dans un cas similaire au début des années 2000. Une pharmacie néerlandaise, DocMorris, vendait via Internet des médicaments en Allemagne. Les pharmaciens allemands ont porté plainte. Le litige a été porté devant la cour de justice européenne qui a tranché : chaque pays peut faire comme il l’entend. » Un arrêt qui a fait jurisprudence et qui a entraîné une ouverture à la vente de médicaments sur Internet dans 16 pays, de l’Irlande à l’Italie en passant par l’Espagne, le Portugal, la Belgique, la Pologne, la Suède, la Finlande… Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont en plus la particularité d’avoir ouvert le marché aux pure players, c’est-à-dire que le vendeur n’a pas l’obligation d’avoir un lien avec une officine, mais doit avoir un pharmacien salarié. Si certains pays n’autorisent la vente sur Internet que de médicaments à prescription médicale facultative (PMF), comme l’Irlande, l’Espagne ou la Belgique, d’autres permettent aussi la vente de produits à prescription médicale obligatoire (PMO), tels l’Allemagne, le Portugal ou la Suède. Seule la Suisse légitime exclusivement la cession sur la toile de médicaments sur ordonnance.
Harmonisation.
Pour autant, les ventes sur Internet d’autres pays sont accessibles à tout internaute français, mais il y a alors la barrière de la langue qui pose problème pour la compréhension des notices.
« La France est le dernier grand marché pharmaceutique européen à ne pas pratiquer la vente de médicaments sur Internet. Par souci d’harmonisation, Roselyne Bachelot avait évoqué la possibilité de cette pratique, en recherchant le moyen de se prémunir des problèmes de sécurité sanitaire et des contrefaçons. Aujourd’hui, la France ne cherche plus cette harmonisation car le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, s’y oppose. Mais après 2012, le débat risque de revenir à l’ordre du jour », analyse Cécile Gillet. D’autant que certains acteurs de la chaîne du médicament montrent leur intention de s’engager sur ce terrain. « Celesio n’a pas hésité à racheter DocMorris et s’est implanté par ce biais en Italie, où la vente par Internet se met en place depuis l’an dernier. »
Service complémentaire.
En France, les pharmaciens se montrent peu enthousiastes, voire carrément hostiles. Le schéma est moins favorable à la vente par Internet du fait des prix bas pratiqués et d’un maillage officinal dense. Se faire livrer un médicament prendrait plus de temps et coûterait plus cher, du fait de la livraison. « Si l’intérêt est moins marqué en France qu’ailleurs, cela reste un réseau de distribution à ne pas ignorer et un service rendu complémentaire pour le patient. »
Cécile Gillet reconnaît néanmoins que l’autorisation de la vente de médicaments par Internet pourrait égratigner le monopole officinal car elle pourrait écarter de fait le rôle de conseil du pharmacien. C’est pourtant l’argument principal des officinaux qui défendent leur monopole sur les médicaments contre les grandes surfaces. D’autant que le chiffre d’affaires à tirer de ce marché reste limité. En Allemagne, où la pratique est la plus développée, malgré une progression du chiffre d’affaires de 30 % tous les ans jusqu’en 2009, ce segment ne représente que 1 % (892 millions d’euros) du marché du médicament (7 milliards d’euros). Selon les projections d’Eurostaf, si la France mettait en place ce type de pratique pour les médicaments PMF en 2012, ce marché du web atteindrait 160 millions d’euros en 2018.
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