« Le monde de la santé a changé, explique François Martial, président de l’URPS pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine (1). Les médecins ne peuvent plus tout faire, faute de temps. Les pharmaciens, forts d’un maillage parfait du territoire, d’un accès sans rendez-vous, sont des interlocuteurs de premier recours. Mais nos décisions pharmaceutiques doivent être qualitatives, efficaces, sûres, traçables et reproductibles. »
« Or le pharmacien évolue souvent dans une routine, parfois différente selon l’officine ou le membre de l’équipe, indique Thierry Barthelmé, co-président de la Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO). C’est pourquoi nous avons souhaité travailler sur des arbres décisionnels scientifiquement évalués, capables d’aider le pharmacien dans sa prise en charge au comptoir de différentes demandes. »
Céphalée : ne pas passer à côté d’un épisode plus grave
La première demande étudiée par la SFSPO concerne le mal de tête du patient : « Un adulte sur deux souffre d’au moins une céphalée dans l’année, explique Thierry Barthelmé. 75 % d’entre eux n’évoquent pas cette douleur en consultation car ils la considèrent non grave. Pourtant, afin de leur éviter toute perte de chance, nous ne devons pas passer à côté d’épisodes plus sérieux : AVC, méningite, glaucome, pratique déviante dans l’usage du médicament. »
Le premier arbre décisionnel sur la céphalée a été élaboré en commun par des pharmaciens, des médecins, des spécialistes de la douleur et des patients (2). Sur papier, cet algorithme géant serait totalement inutilisable au comptoir. C’est pourquoi il a été digitalisé, avec l’aide des Laboratoires Sanofi.
Le produit fini, un logiciel basé sur des questions simples, permet à tout membre de l’équipe officinale, d’apporter au patient, en quelques minutes, une décision thérapeutique fiable, reproductible et scientifiquement validée.
Face à son écran et au patient, le pharmacien (ou préparateur) avance pas à pas dans son questionnaire qui débute par deux questions essentielles : « est-ce pour vous et pour calmer une céphalée immédiatement ? », puis « avez-vous votre carte vitale ? ». Il s’agit d’assurer la traçabilité de la décision thérapeutique et intégrer la délivrance au DP ou DMP du patient. « Si l’on avait procédé ainsi pour les antalgiques vendus en libre-service, ils ne seraient sans doute pas retournés derrière le comptoir », souligne Thierry Barthelmé. « Et dire que dans le même temps on assouplit les conditions de vente des médicaments en ligne… s’insurge François Martial. On ne sait pas où on habite ! »
Une aide à la décision simple, rapide et fiable
Le questionnaire prend en compte les antécédents, maladies chroniques, traitements, allergies du patient… Tout au long des questions, des red flags (alertes) peuvent apparaître, proposant une orientation du patient vers un médecin, voire les urgences. Sans cela, on aboutit à la prise d’un antalgique (paracétamol, ibuprofène ou aspirine) et ses conseils d’utilisation (posologie, durée de traitement, interactions…) qui peuvent être imprimés pour le patient.
Ce premier arbre décisionnel informatisé entrera dans une phase de test de grande ampleur (plus de 1 000 cas patients) en mars 2020. Ce test sera mené sur le territoire des URPS de Nouvelle-Aquitaine et des Hauts-de-France, par des officines volontaires et rémunérées.
Des outils pour toute l’équipe officinale
Auparavant, chaque équipe officinale sera formée par e-learning, à l’utilisation de l’outil : « L’objectif est de sensibiliser tous les membres de l’équipe, leur montrer que les demandes au comptoir ne sont pas anodines, les sécuriser par un langage commun et harmoniser leurs pratiques », explique Thierry Barthelmé.
Une fois validé, cet outil décisionnel pourra être proposé à toutes les officines qui le souhaitent. Déjà, la SFSPO envisage la création de nouvelles aides à la décision pour répondre aux demandes concernant la cancérologie ou les maux du tube digestif.
« En se dotant de ces outils modernes et efficaces, l’officine abandonne son côté marchand pour sa mission de professionnel de santé, indique François Martial. Nous « démarchandisons » le médicament. Et la relation humaine avec le patient demeure au cœur de ces innovations. »
1) Présentation réalisée le 14 février dernier, à Bordeaux, lors du Forum Santé et Avenir, organisé par le quotidien « Sud-Ouest ».
2) Société francophone des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO), Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (REAJIR), France Asso Santé (Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé).
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