IL EXISTE déjà des sites proposant des renouvellements de lentilles de contact par Internet, et qui promettent des prix inférieurs de 30 à 70 % à ceux des opticiens. Ils assurent respecter les mêmes règles que ces derniers concernant les ordonnances et leur validité, et répondent aux questions des clients par Internet ou par téléphone. Depuis quelques mois, des « opticiens virtuels » proposent aussi des lunettes de vue, lorgnant ainsi sur un marché douze fois plus gros que celui des lentilles*, ce qui inquiète beaucoup plus les opticiens et les ophtalmologistes. Le site www.happyview.fr, créé par un ancien commercial du groupe Krys, propose à ses clients des lunettes pour des prix allant de 39 à 169 euros, alors que le prix moyen est d’environ 300 euros dans le commerce. Marc Adamowicz, fondateur du site, explique que celui-ci « fait œuvre de santé publique, en permettant aux 3 millions de Français mal équipés pour des raisons de coût d’obtenir enfin de bonnes lunettes ». Les patients adressent leur ordonnance au site, puis peuvent choisir devant leur écran la monture de leur choix, avec même la possibilité de l’essayer réellement pendant quelques jours avant de l’accepter. Pour obtenir ses prix, le site s’approvisionne directement chez les fournisseurs et propose des verres de troisième génération - on parlerait de génériques récents en pharmacie - mais aux qualités éprouvées, car « moins cher ne veut pas dire moins bien ». Les clients qui ne connaissent pas leurs demi-écarts pupillaires peuvent les mesurer devant leur ordinateur grâce à un logiciel spécial, mais le site dispose aussi d’opticiens partenaires qui peuvent adapter les lunettes après leur réception. Le site est désormais agréé par la Sécurité sociale.
Dans quelques jours, un autre jeune commercial, Jean Polier, lancera le site www.easy-verres.com qui, lui, ne vend que des verres par Internet. Le client les choisit sur une liste, en fonction de la prescription, et il les fait ensuite monter par un opticien partenaire, qui lui vend aussi la monture. Ce système, selon son créateur, donne enfin de la… transparence au marché des verres, face auxquels les clients étaient autrefois tout à fait captifs.
Risques pour la santé visuelle.
Les opticiens traditionnels, quant à eux, se montrent très réservés face à ce type de ventes, même si elles restent pour le moment relativement marginales. Jean-Michel Baylé, membre du réseau Optic 2000 et vice président du syndicat national des opticiens sous enseigne (SYNOPE), se demande comment un profane peut prendre ses mesures par Internet ou choisir lui-même les caractéristiques d’un verre, et regrette que l’on fasse croire aux gens « que les lunettes sont un produit simple, alors que ce n’est pas vrai ». Surtout, et l’on retrouve ici des arguments que l’on entend souvent chez les pharmaciens, les opticiens redoutent que, si les patients achètent par Internet, ils « quittent la filière de la vue » et ne soient plus jamais examinés par un professionnel : même si les opticiens n’ont pas vocation à se substituer aux ophtalmologistes, ils peuvent tout de même détecter certaines anomalies qu’un site Internet ne verra jamais.
De leur côté, les ophtalmologistes sont partagés : si certains dénoncent catégoriquement ces sites pour leurs insuffisances techniques et leurs risques pour la santé visuelle, d’autres estiment qu’ils répondent, certes imparfaitement, au problème bien réel des lunettes mal remboursées et trop chères. Selon le Pr Béatrice Cochener, présidente de la Société française d’ophtalmologie (SFO), « les ventes par Internet peuvent représenter, par absence de suivi, une perte de chance pour certains malades ». Pour elle, « ces sites sont très bien pour les personnes en bonne santé, mais plus discutables pour les autres ». Un point de vue complété par le Dr Jean-Bernard Rottier, président du syndicat national des ophtalmologistes (SNOF) : « c’est bien sûr moins bien qu’un opticien qui fait bien son travail… mais tous les opticiens font-ils vraiment leur travail, y compris de conseil, comme ils le devraient ? », se demande-t-il.
Entre facilité d’emploi, risques pour la santé, mais aussi risque de déstabilisation économique des magasins, surtout les plus petits, la polémique sur les lunettes par Internet a envahi le monde de l’optique. Déjà très répandues dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, les ventes de lunettes par Internet connaîtront-elles un succès équivalent en France ? S’il est trop tôt pour le dire, elles n’en appellent pas moins les opticiens à une forte remise en question… Un parallèle de plus avec la situation vécue par les pharmaciens.
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