EN PAYANT une fortune pour acheter Doc Morris en 2007, l’ancien P-DG de Celesio, Fritz Oesterle, espérait en faire le point de départ de la première grande chaîne de pharmacies européenne, et tablait alors sur une libéralisation totale de ce secteur. Malheureusement pour lui - et heureusement pour les pharmaciens indépendants de toute l’Europe -, la Cour de Justice européenne rejetait, en mai 2009, les plaintes déposées par Celesio contre l’Italie, « coupable » à ses yeux de maintenir une réglementation du capital et une répartition des officines empêchant la constitution de chaînes dans la péninsule. Cet arrêt fondamental a marqué le coup d’arrêt à la libéralisation de la pharmacie en Europe, mais a coûté très cher à Celesio et à son patron, qui a démissionné de l’entreprise en 2011.
De plus, devant l’impossibilité de constituer des chaînes, Celesio avait fait de Doc Morris une enseigne en Allemagne, et tablait sur 500 officines d’ici à la fin 2011. Mais celle-ci n’a jamais dépassé les 150 pharmacies. En effet, contrairement à la pharmacie virtuelle proprement dite, ces officines n’ont pas pu proposer de rabais sur les prescriptions, car ceux-ci sont interdits en Allemagne. Elles doivent se contenter de se battre sur les OTC, où elles sont en concurrence avec les OTC vendus au même tarif par Doc Morris et d’autres officines virtuelles sur Internet. Elles n’ont pas profité non plus, comme elles l’espéraient, de la notoriété de Doc Morris pour attirer plus de clients, et plusieurs ont déjà quitté l’enseigne, un mouvement qui risque de s’accélérer. En effet, Celesio, en tant que grossiste, se battra encore moins maintenant pour les soutenir qu’il ne le faisait auparavant.
Les pharmacies virtuelles à la peine.
Par ailleurs, les pharmacies virtuelles peinent de plus en plus à trouver leur modèle économique. Certes bien présentes sur le secteur des OTC, dont elles détiennent toutes ensemble 11 % du marché, elles n’arrivent pas à s’imposer dans le domaine des prescriptions, où elles occupent à peine 1 %. De plus, la justice allemande a confirmé l’été dernier que les rabais sur les prescriptions, déjà interdits dans les officines, devaient l’être aussi pour les ventes par correspondance, ce qui prive désormais les pharmacies virtuelles de l’un de leurs principaux arguments. Jusqu’à ces derniers mois, certaines d’entre elles, dont Doc Morris, accordaient en effet une ristourne sur les prescriptions, car elles achetaient leurs médicaments aux Pays-Bas pour les revendre à leurs clients en Allemagne, où ils coûtent plus cher. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le marché se contracte et que les cartes soient redistribuées. Début octobre, l’une des principales pharmacies virtuelles allemandes, Sanicare, s’est d’ailleurs déclaré en faillite, et d’autres sociétés sont en train de se regrouper. La plupart d’entre elles n’ont présenté ces dernières années qu’une faible rentabilité, à l’image de Doc Morris, à peine équilibré en 2011 et déficitaire cette année.
Après avoir racheté Doc Morris, Zur Rose, qui opère déjà en Allemagne, devient la plus grande pharmacie virtuelle d’Outre Rhin et espère y réaliser un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros. À l’origine, Zur Rose est un groupement de médecins suisses de la région du lac de Constance, installé dans un canton où la propharmacie est autorisée. Après avoir vendu du matériel médical, elle s’est lancée dans la vente de médicaments. La société est présente en Allemagne, en Suisse et en République tchèque, et vise aussi le marché autrichien, encore très protégé. Un peu comme Doc Morris à l’origine, elle a souvent avancé ses pions au rythme de procès, gagnés ou perdus, en ne laissant elle non plus personne indifférent dans le monde de la pharmacie européenne.
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