Les douanes viennent d’annoncer une saisie record de 113 millions de produits pharmaceutiques illicites, lors d’une opération coup de poing menée en septembre dernier dans 16 pays africains durant 10 jours.
Les médicaments retrouvés, qui proviennent de Chine ou d’Inde, sont essentiellement des médicaments de première nécessité : des antipaludéens (26 %), des anti-inflammatoires (25 %), des antibiotiques (15 %), des analgésiques (13 %) et des traitements destinés à la sphère digestive (7 %). Plus de 2 millions de doses d’anticancéreux falsifiés ont également été retrouvées. Les douanes ont aussi constaté l'augmentation du nombre de médicaments génériques illicites dans ces saisies.
Cette opération, menée conjointement par l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM) et l’Office mondial des douanes, est la quatrième du genre réalisée depuis 2012 dans les grands ports d’Afrique. Au total, ces opérations ont permis de saisir près de 900 millions de produits pharmaceutiques illicites, soit une valeur estimée à plus de 400 millions d’euros. « Ces faux médicaments entraînent chaque année plusieurs centaines de milliers de décès. Quant aux antibiotiques contrefaits, sous-dosés, ils participent à la montée des résistances », alerte Jean-David Levitte, ambassadeur de France et président du conseil d’administration de l’IRACM.
Un jeu sans risque
Mais ces interceptions occasionnelles sont-elles significatives de l’évolution réelle du phénomène ? S’il est difficile de répondre précisément, on admet toutefois qu’elles permettent de donner un aperçu de l’ampleur du trafic. « Ce marché représente l’équivalent de 10 % des ventes de médicaments dans le monde, et 30 % en Afrique », rapporte Jean-David Levitte, en ajoutant que « les trafiquants se sont emparés de ce marché car l’importance des gains est considérable (chiffre d'affaires estimé à 85 milliards de dollars) et qu’ils ne risquent quasiment rien pénalement ». En effet, la lutte contre les faux médicaments ne fait pas partie des priorités des gouvernements. « Les lois n’existent pas et les peines sont ridicules, se désole Bernard Leroy, directeur de l’IRACM. À ce jour, aucune procédure n’a encore jamais été diligentée à partir de l’Afrique pour remonter aux organisateurs et pour localiser et geler leurs avoirs. » On saisit donc les faux médicaments, mais cela n’aboutit ni à des peines, ni à des arrestations.
Surtout, le nombre d’actions de saisies reste très limité. Les opérations sur le terrain sont extrêmement coûteuses et complexes à mettre ne place. « Les administrations des douanes en Afrique rechignent à participer à la lutte contre la contrefaçon. Elles préfèrent donner la priorité à la collecte des taxes automobiles, plus lucrative, évoque Bernard Leroy. De plus, nous sommes confrontés à des failles juridiques qui parfois nous interdisent d’ouvrir les conteneurs. En effet, la législation africaine stipule qu’un conteneur ne peut pas être ouvert sans que l’importateur ou le transitaire soit présent. Ou encore, la corruption fait rage : certains conteneurs destinés à être vérifiés disparaissent dans la nuit. Parfois, les choses traînent tant que l’on est obligé de laisser repartir des marchandises en transit, le délai légal d’action étant dépassé… »
Pour autant, Il ne faut pas baisser la garde. « Ce type d’action douanière est primordial, car les douanes sont le premier rempart contre l’invasion des médicaments illicites, poursuit Bernard Leroy. Mais le combat doit également se jouer à d’autres niveaux : politique, judiciaire et législatif. »
Coopération internationale
Pour enrayer ce fléau, l'IRACM mise notamment sur le renforcement de la coopération internationale. Déjà, il existe une convention européenne (Medicrime) ratifiée par 9 pays*. « Mais nous espérons à terme mettre en place une convention sous l’égide de l’Organisation des nations unies (ONU) sur le sujet, afin d’obtenir l’adhésion de plus de nations », anticipe Bernard Leroy. Par ailleurs, un frémissement s’est récemment fait sentir sur le continent africain, où peu de mesures ont pour l'heure été prises pour contrer l’invasion de faux médicaments. « Lors du 27e sommet France-Afrique, qui s’est tenu à Bamako, au Mali, le 16 janvier 2017, les chefs d’États et de gouvernements africains ont décidé d’unir davantage leurs efforts pour lutter contre le terrorisme et les trafics illicites », se félicite le président de l’IRACM. Reste à voir si cette promesse sera suivie d’effets.
*Ukraine, Espagne, Hongrie, Moldavie, Guinée, Arménie, Albanie, Belgique, et la France qui a signé le 21 septembre 2016.
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