LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Quelle est votre réaction face au lancement par un confrère d’un site de vente de médicaments sur Internet ?
ISABELLE ADENOT.- L’Ordre n’écrit pas le droit. Ce n’est pas à lui de décider si la vente de médicaments sur internet est autorisée ou interdite. La ministre de la Santé s’exprimera sans doute sur le sujet. Quoi qu’il en soit, la vente de médicaments sur Internet bouscule à la fois des règles et des lois, toutes rédigées pour protéger le patient. Quelques exemples : d’abord dans le domaine de la publicité. Il nous est interdit de favoriser la consommation de médicament. Or le fait d’afficher une boîte sur un écran d’ordinateur, interroge. Est-ce de la publicité ou de l’information ? Dès lors qu’on souhaite communiquer sur un médicament auprès du public, il faut effectuer une demande a priori auprès des autorités compétentes (ANSM). Une autre question que cela pose concerne le conseil dont le pharmacien doit obligatoirement assortir la délivrance du médicament. Un acte prévu par notre déontologie qui est l’essence même de notre métier. Comment fait-on pour apporter ce conseil lorsque la dispensation emprunte le média Internet ? Par téléphone, par Internet ? Si la réponse vient par téléphone, l’internaute perd tout l’intérêt du média électronique qui permet, par exemple, un contact à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Si elle vient par mail, les impératifs de confidentialité attachés au conseil pharmaceutique, qui suppose un échange de données à caractère médical, peuvent être très difficilement respectés. Plusieurs textes prévoient en effet une identification de la personne et une authentification du professionnel de santé associées à un cryptage des données. Un autre problème que soulève la question de la vente de médicaments sur le Net est celui de la contrefaçon. On sait que le Web est un puissant accélérateur de ventes de médicaments falsifiés.
Mais, en l’occurrence, le site dont il est question est réellement adossé à une officine…
Certes. Mais sur un plan plus général, la Commission européenne elle-même s’interroge : comment l’internaute peut-il être sûr qu’il s’adresse à une vraie pharmacie avec un vrai pharmacien ? Voilà pourquoi elle réfléchit actuellement à la définition d’un label. Pourtant, avant même qu’il ne soit créé, la Commission craint déjà la contrefaçon de ce label…
Qu’est devenu le projet de portail Internet que l’Ordre souhaitait mettre à disposition des pharmaciens français ?
Aujourd’hui il n’existe pas. Il ne pourrait démarrer que si la ministre de la Santé se positionne sur le sujet de la vente des médicaments sur Internet. La question de la vente des médicaments en ligne n’est pas une question binaire du type oui ou non. Les bonnes questions à se poser sont plutôt qu’est-ce que cela change sur le plan législatif et réglementaire et surtout, et avant tout, est-ce utile ?
Concrètement, vous ne poursuivrez pas le confrère engagé dans cette voie ?
L’Ordre n’a pas de pouvoir d’inspection, mais celui de sanction. Au vu du retentissement médiatique, des plaintes ont été ou seront probablement adressées à l’Ordre, la chambre de discipline vérifiera alors si les règles du Code de la Santé Publique sont respectées.
Comment recevez-vous l’image que renvoie la médiatisation de cette initiative sur la profession ?
Il ne faut pas nier qu’Internet existe. C’est une réalité. On peut acheter et lire tout et n’importe quoi sur le Web. Mais le médicament n’est pas n’importe quoi. Que des pharmaciens soient sur ce média pour véhiculer des informations scientifiques validées, cela ne pose aucun problème, au contraire. Ce qui pose problème c’est d’assimiler le médicament à un produit comme un autre. Alors que la profession travaille à toujours plus de sécurité, l’Ordre ne peut que déplorer la banalisation du médicament.
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