LE GOUVERNEMENT a-t-il ouvert la boîte de Pandore ? Peut-être bien, à en croire les représentants de la profession. Car, pour beaucoup, l’autorisation de la vente de médicaments sur Internet, même encadrée, ouvre grande la porte aux spécialités falsifiées sur notre territoire (voir ci-dessous). Mais le gouvernement n’avait pas vraiment le choix, contraint de transposer avant la fin de l’année dernière une directive européenne visant à sécuriser la chaîne d’approvisionnement de médicaments. « Tout en tenant compte de la législation européenne, nous ne pouvons pas pour autant accepter l’idée d’un accès libre à des médicaments sur Internet, car nous savons que cela favorise la contrefaçon et les trafics en tout genre », expliquait la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lors de la dernière Journée de l’Ordre. Elle précisait : « Le gouvernement est engagé dans la recherche de garde-fous qui permettront de garantir la sécurité des patients et le rôle des pharmaciens. »
Un encadrement.
Au final, le gouvernement a donc opté pour un encadrement du commerce en ligne de spécialités pharmaceutiques. Mais pas de toutes. Seules pourront être proposées sur la Toile celles relevant de la médication officinale, c’est-à-dire celles qui peuvent être placés dans un rayon libre accès, selon l’ordonnance publiée le 21 décembre 2012 au « Journal officiel » et le décret paru le 1er janvier 2013.
Autre condition restrictive : le site de commerce en ligne doit être obligatoirement adossé à une officine. « La création du site Internet de commerce électronique de médicaments de l’officine de pharmacie (…) est subordonnée à l’existence d’une licence et à l’ouverture effective de la pharmacie », précise ainsi l’ordonnance du 19 décembre. « Pas de pharmacie physique, pas de site », résume l’Ordre des pharmaciens. De plus, la création et l’exploitation de ces sites ne peuvent être possibles qu’après autorisation de l’agence régionale de santé (ARS) dont l’officine dépend et sont réservées aux pharmaciens titulaires, ainsi qu’aux gérants d’une pharmacie mutualiste ou de secours minière, mais exclusivement pour leurs membres. À noter que les adjoints ayant reçu délégation du titulaire peuvent également participer à l’exploitation d’un tel site.
Les sites listés.
Pour aider les patients à faire le tri entre les vraies et les fausses officines virtuelles, le décret du 31 décembre 2012 demande à l’Ordre des pharmaciens de mettre à disposition du public la liste des sites d’officines autorisées. Enfin, ceux proposant déjà des médicaments sur leur site ont jusqu’au 1er mars 2013 pour déposer une demande d’autorisation auprès de leur ARS et se conformer aux nouvelles règles en vigueur. En attendant, ils peuvent néanmoins poursuivre leur activité jusqu’à l’intervention de la décision de l’ARS.
Malgré le nombre de garde-fous prévus, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) déplore une transposition réalisée dans la précipitation. Par exemple, le logo européen permettant d’identifier les véritables sites de commerce en ligne de médicament n’existe pas et ne devrait pas voir le jour avant plusieurs mois. D’autres points essentiels, tel le délai de rétractation ou la publicité de ces sites liés à des officines, n’ont pas encore été tranchés et doivent faire l’objet d’un arrêté.
« Très déçu » de la décision du ministère de la Santé, Gilles Bonnefond estime qu’une action avec les autres pays européens aurait certainement permis d’interdire purement et simplement la vente de médicaments sur Internet en France. « Comme Roselyne Bachelot avait réussi à le faire à l’époque, il aurait fallu réunir les États membres pour leur expliquer que le monopole de dispensation, les règles d’installation et de détention du capital des officines faisaient partis des spécificités de la pharmacie française et du droit de subsidiarité », indique le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le gouvernement n’a, apparemment, pas fait ce choix.
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