VENDRE ou ne pas vendre sur Internet ? La question est encore de mise. Récemment, des officinaux ont eu la surprise de découvrir qu’une pharmacie française mettait en ligne des médicaments OTC sur son site Internet, relançant ainsi le débat sur le sujet. Engagée au printemps 2010 par l’ancienne ministre de la santé, Roselyne Bachelot, la réflexion sur le commerce en ligne de médicaments avait finalement été abandonnée quelques mois plus tard.
Vide juridique.
À l’époque, il s’agissait de permettre aux officines françaises de commercialiser des médicaments en libre accès sur la Toile, afin de se mettre en conformité avec la législation européenne. Une proposition très fraîchement accueillie par la profession, qui y voyait une remise en cause de son rôle de conseil et le risque d’ouvrir la porte à la contrefaçon. L’Ordre des pharmaciens avait demandé que les sites Internet soient rattachés à une pharmacie « de brique et de mortier » et liés à un portail ordinal, afin de garantir leur sérieux. Deux ans plus tard, le vide juridique autour de la vente en ligne de médicaments en France subsiste. Mais les officinaux n’ont pas changé d’avis : ils y restent largement opposés (voir article ci-dessous). Les deux candidats en lice pour le second tour de l’élection présidentielle soutiennent d’ailleurs la profession sur ce sujet. En effet, François Hollande et Nicolas Sarkozy ont
tous deux déclaré au « Quotidien » leur hostilité à la vente de médicaments sur Internet. Pourtant, au niveau européen, les choses pourraient bouger dans les mois à venir. Une réflexion est
actuellement en cours au sein du groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE), qui rassemble les organisations professionnelles de pharmaciens d’officine de 31 pays. « La majorité d’entre eux a déjà accepté de vendre les médicaments OTC, voire, pour certains, tous les médicaments sur Internet », explique Alain Breckler, membre du bureau du conseil central A de l’Ordre des pharmaciens et chargé de mission Internet. « Il peut y avoir une tentative d’harmonisation des pratiques au niveau européen », estime-t-il. Toutefois, pour l’instant les discussions ne sont pas encore achevées au sein du GPUE. « En France, nous sommes toujours confrontés à un vide juridique, regrette Alain Breckler. Cependant, tant qu’Internet n’aura pas été introduit dans le code de la santé publique, la vente en ligne restera illégale. »
En effet, les règles de dispensation indiquées dans le code de déontologie sont claires : le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament et mettre à disposition du patient des informations et les conseils nécessaires au bon usage du produit. De plus, sur Internet, on ne trouve pas
d’informations sur les contre-indications et pas de notice. Autre problème : « Il n’y a pas de limite de vente sur Internet, alors que si on dépasse deux boîtes d’ibuprofène par exemple, il faut une ordonnance, souligne Alain Breckler. Même si la vente en ligne de médicaments OTC n’est pas explicitement interdite, en pratique si on le fait on ne respecte pas les textes. Et l’Ordre peut sanctionner... »
Certains pharmaciens tentent pourtant l’aventure. « Nous avons eu quelques cas de condamnations », se souvient le conseiller ordinal. Il cite l’exemple d’un pharmacien en Provence-Alpes-Côte d’Azur, condamné à une semaine d’interdiction d’exercer avec sursis. Ou celui de ces deux pharmaciens, qui se sont associés à un non-pharmacien afin de créer une société écran dans l’espoir de cacher leur activité. « Ce dernier a été condamné pour exercice illégal de la pharmacie. La décision a été confirmée en appel, il est passé devant le Conseil d’État et l’affaire est en cours de rejugement. »
L’ultime recours, pour un pharmacien condamné dans ce contexte, serait de saisir la Cour de justice européenne en invoquant l’arrêt Doc Morris. « Le cas ne s’est encore jamais présenté. C’est difficile, cela prend du temps et, de plus, ce n’est pas suspensif, donc le pharmacien devrait subir sa sanction malgré la saisie de la Cour. Par ailleurs, la plupart du temps, l’Ordre préfère régler ces affaires à l’amiable », confie Alain Breckler. Si un pharmacien tente cependant ce recours, « ce n’est ni gagné, ni perdu d’avance, estime-t-il. En effet, le principe de subsidiarité des États en matière de santé publique a été reconnu et il peut être invoqué dans ce cas. »
On le voit, les titulaires tentés par l’aventure du commerce en ligne risquent fort de se prendre les pieds dans la Toile.
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