Diagnostic des rétinopathies diabétiques

L'intelligence artificielle à l'assaut de l'ophtalmologie

Par
Publié le 08/12/2016
Article réservé aux abonnés
Les ophtalmologistes seront-ils bientôt remplacés par des intelligences artificielles pour l’examen du fond d’œil ? L’algorithme des informaticiens de la Silicon Valley a démontré sa capacité à diagnostiquer des rétinopathies diabétiques avec une sensibilité et une spécificité surprenantes. Les résultats sont publiés dans le « JAMA ».

Ce n’est pas souvent que les ingénieurs issus de l’économie numériques signent une étude publiée dans le « JAMA » !

Une intelligence artificielle tout droit sortie des ordinateurs du géant Google, à Mountain View en Californie, vient en effet de démontrer, dans les pages de cette honorable revue, sa capacité à détecter les rétinopathies diabétiques et des œdèmes maculaires diabétiques.

Sous la direction de l’ingénieur informaticien et biologiste Dale Webster, et assistés par des médecins américains et indiens, les ingénieurs de Google ont fait enregistrer à leur programme plus de 128 000 photographies de fonds d’oeil. Dans cette masse d’images, 28,1 % étaient des photos d’œil de patients souffrant de rétinopathies diabétiques. Les chercheurs ont associé chaque image à un diagnostic établi au préalable lors de 3 à 7 examens par 54 ophtalmologistes américains. Le programme californien a progressivement assimilé les particularités des fonds d’œil pathologiques, sans qu’il soit nécessaire de lui désigner spécifiquement les lésions à rechercher.

Une sensibilité et une spécificité comparables à celle d'un humain

L’algorithme a ensuite été éprouvé au cours d’un test. Les chercheurs lui ont soumis 9 963 images provenant de 4 997 patients issus de deux banques de données : EyePACS-1 et Messidor-2, ayant respectivement 8 et 15 % de prévalence de rétinopathies diabétiques.

L’algorithme de Google est parvenu à un diagnostic correct de la rétinopathie diabétique avec une sensibilité de 97,5 % sur les images issues de EyePACS-1 et de 96 % sur les images de Messidor-2. Les spécificités étaient quant à elles de respectivement 93 et 94 %.

Ces résultats sont comparables à ceux observés dans la littérature avec des ophtalmologistes bien entraînés, selon les auteurs.

L’algorithme employé par les chercheurs provient d’un domaine de la recherche en intelligence artificiel appelé « Machine Learning ». Cela consiste à concevoir des programmes capables d’engranger des connaissances au fil de leur utilisation afin d’améliorer leur capacité à effectuer une tâche précise. Cette technologie, déjà largement employée dans l’exploitation des données de géants du net comme Facebook, est de plus en plus envisagée pour ses applications médicales

32 millions d'examens par aux États Unis

Le choix de la rétinopathie diabétique n’est pas anodin, puisque 29 % des diabétiques américains en souffrent, soit 5 millions de personnes.

Or, les recommandations exigent un examen du fond d’œil une fois par an chez les patients diabétiques n’ayant pas de rétinopathie, et deux fois par an pour ceux souffrant d’une rétinopathie modérée. En France, les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) préconisent un dépistage par lecture différée de photographies du fond d’œil tous les deux ans en l’absence de complication, et tous les ans en cas de diabète ou de pression artérielle mal contrôlés.

Dans un édito associé à la publication, le Dr Tien Yin Wong, de l’institut de recherche ophtalmologique de Singapour rappelle que le dépistage systématique des rétinopathies diabétique est pertinent car « le diabète est important problème de santé publique, le dépistage est simple et sûr, et il existe des traitements sous la forme d’injections intravitréennes d’inhibiteurs de facteur de croissance de l’endothélium vasculaire ou de chirurgie au laser ».

Le dépistage n’est pourtant pas assez répandu, « faute de ressources en temps et en médecins pour assurer les 32 millions d’examens nécessaires chaque année », note-t-il. Dans ce contexte, l’utilisation d’un système d’examen automatisé présenterait de puissants avantages en termes de rapidité et de couverture assurée par les programmes de dépistages.

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3310