SI LA RÉPUTATION des grandes pharmacies virtuelles, à l’image de DocMorris (voir encadré) a largement dépassé les frontières allemandes, il faut savoir que les ventes par correspondance en Allemagne sont loin d’être l’apanage de ces seules enseignes : près de 2 200 pharmacies, soit environ une officine sur dix, proposent des ventes par correspondance, mais seulement une quarantaine d’entre elles réalisent un chiffre d’affaires significatif - au moins 1 000 envois par jour - avec cette activité, qui reste dominée par les grandes enseignes virtuelles, souvent installées aux Pays-Bas pour des raisons historiques, mais aussi de prix.
Selon les données communiquées par l’institut IMS Health lors du dernier Forum économique des pharmaciens allemands qui vient de se tenir à Potsdam (voir notre édition du 6 mai), les ventes par correspondance ont atteint, en 2009, la barre symbolique de 10 % du marché des OTC. Elles représentent 622 millions d’euros, à rapprocher des 6,23 milliards réalisés par les ventes traditionnelles. Mais le plus spectaculaire est la progression des marchés entre 2008 et 2009 : les ventes d’OTC par correspondance ont bondi l’an dernier de 29 % par rapport à 2008, tandis que celles en pharmacie traditionnelle reculaient de 1,3 % pour la même période, le marché global étant lui en léger recul par rapport à 2008. Les produits d’hygiène et les cosmétiques ont obéi à une évolution comparable, mais de moindre ampleur : leurs ventes par correspondance ont progressé de 9,1 % en 2009, et diminué de 3,9 % en officine.
Un palier.
« Les ventes par correspondance sont devenues une réalité avec laquelle nous devons vivre, constate le président du Syndicat des pharmaciens allemands (DAV), Fritz Becker, et c’est d’autant plus difficile qu’elles concernent surtout des médicaments onéreux, sur lesquels nous devons donc nous battre. » Toutefois, le directeur d’IMS Health Allemagne, Frank Wartenberg, estime que la progression très rapide des ventes, surtout ces deux dernières années, est en train d’atteindre un palier et va se stabiliser. « Le médicament obéit aux mêmes règles que le commerce en général, explique-t-il, avec un maximum de 10 % de ventes par correspondance, quel que soit le produit, hormis des spécificités comme, par exemple, la musique en ligne. » On observe en effet que, quel que soit le produit, les ventes par correspondance excèdent rarement 10 % des ventes totales.
En outre, si les ventes d’OTC par correspondance ont connu une progression considérable en 2009, les ventes de prescriptions par ces canaux se tassent et ont même reculé de 2 % l’an dernier. Elles constituent néanmoins le tiers de la valeur totale des ventes par correspondance. En volume, les ventes de prescriptions par correspondance ne représentent qu’un pour cent du total des prescriptions.
Les pharmacies virtuelles souvent plus chères.
Une étude récente du grand institut de consommateurs, Stiftung Warentest, a toutefois montré que, contrairement à leurs affirmations, les pharmacies virtuelles sont souvent plus chères que les pharmacies traditionnelles. En outre, cette étude a pointé les graves insuffisances de pharmacies virtuelles dans le domaine du conseil.
Pour autant, le système de ventes par correspondance allemand est considéré, officiellement comme « sûr », c’est-à-dire que le risque de voir s’y glisser de faux médicaments est jugé extrêmement faible, voire inexistant. Toutefois, l’association fédérale des pharmaciens allemands (ABDA), met actuellement au point un système de codes infalsifiables et uniques pour chaque boîte, qui pourrait devenir obligatoire sur tous les emballages vendus en Allemagne, en officine comme par correspondance. Un système comparable fonctionne déjà en Suède, et son élargissement est envisagé au niveau européen. En revanche, comme l’explique Fritz Becker avec réalisme, « si les gens achètent des médicaments sur des sites non contrôlés, en répondant à des courriels douteux ou autres sollicitations, ils sont quasiment sûrs d’obtenir une contrefaçon… mais ceci n’est pas le problème des pharmaciens et ne nous concerne donc pas ».
Beaucoup de pharmaciens d’officine se disent toutefois inquiets de l’évolution des ventes par correspondance, en rappelant que ce sont les OTC qui leur permettent de financer la survie de leurs officines, surtout dans les zones les moins habitées. Si l’interdiction des dépôts de médicaments dans les drogueries leur met un peu de baume au cœur, ils devront toutefois s’attendre, dans quelques semaines, à un nouveau grignotage d’une de leurs activités par les pharmacies virtuelles : le gouvernement vient en effet de lever l’interdiction des ventes par correspondance de médicaments vétérinaires, une… niche, certes, mais un secteur de plus qui s’ouvre à cette concurrence nouvelle. « Quoi qu’en dise le gouvernement, constatent les pharmaciens, l’ouverture des marchés et la diversité des points de vente passe avant la santé. » Que le gouvernement français ait, lui aussi, décidé de mener une réflexion en vue d’introduire une telle mesure n’étonne donc pas du tout nos confrères d’outre-Rhin, habitués et résignés depuis longtemps à ce type de comportement politique…
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