Après deux rendez-vous manqués, Leclerc a finalement ouvert son site de vente en ligne de parapharmacie, le 10 mai. Le numéro un de la grande distribution* prolonge sur la toile son art de la provocation déployé depuis près de trente ans. Le 28 janvier sur l’antenne de BFM, Michel-Edouard Leclerc, déclarait lui-même : « grâce au Net, le groupe d’indépendants de province qu’était Leclerc va devenir, avec sa marque globale, un vecteur de vente auprès du consommateur de ces grandes villes où on ne pouvait pas prendre ce marché de la parapharmacie parce que nous n’étions pas à Paris, à Lille et à Marseille ».
Le P-DG de l’enseigne a mis son projet à exécution et mis en ligne quelque 2 100 références. Produits de santé (dermatologie, solaire, sport, compléments alimentaires, phyto et aromathérapie), de beauté et d’hygiène que les internautes pourront recevoir à domicile, ou encore retirer dans les parapharmacies Leclerc, les centres commerciaux et les drive E.Leclerc, soit dans 552 points de retrait.
Un marché peu mature
Fallait-il en ajouter à la menace qui pèse déjà sur les rayons para des officines ? En avril dernier, Leclerc s’était fait doubler sur la Toile par le numéro 5 de la GMS. Nouvel entrant sur le marché Web de la para, Carrefour complétait en effet son catalogue en ligne de quelque 2 000 produits de soins, de compléments alimentaires, ou encore d’articles de premiers soins (anti-verrues, désinfectants, cicatrisants), immédiatement disponibles aux guichets des 51 drives du groupe.
La bataille à laquelle se livrent les géants de la grande distribution via la para en ligne est-elle davantage un combat fratricide qu’une offensive lancée contre les pharmaciens ? Pour sa part, Cyril Tétart, président de l’Association française des pharmacies en ligne (AFPEL), reste serein. Il estime que les arrivées de Leclerc et de Carrefour sur la Toile auront peu de conséquences sur les sites de pharmacie qui répartissent leur activité à parts égales entre l’OTC et la para. Par ailleurs, précise-t-il, « le marché de la para en ligne est peu mature, il n’en est qu’à ses débuts et a encore une belle marge de progression ».
Pas sûr donc que ces nouveaux arrivants rebattent les cartes de la para en ligne. Même si Michel-Edouard Leclerc affirme que son site réalisera un chiffre d’affaires de 30 à 40 millions d’euros d’ici à trois ans, soutenu par une explosion supposée de la demande. Une ambition qui n’impressionne pas Cyril Tétart : « La concurrence sur le Web est très âpre, cela demande du temps. Leclerc, comme les autres acteurs, va devoir s’y investir. Aujourd’hui, il ne propose que 2 000 produits, cette offre est dérisoire au regard de celle de certaines parapharmacies en ligne. Mais il est logique que Leclerc se positionne dans l’e-commerce ; cette omnicanalité est le propre de tous les grands opérateurs de la distribution. »
Contre-attaque
Du reste, à en croire les déclarations de Michel-Edouard Leclerc, l’ouverture de www.parapharmacie.leclerc représente bien davantage qu’une simple velléité de conquérir des parts de marché sur la para. Au-delà, cette offensive serait-elle un cheval de Troie ? Le P-DG de l’enseigne, ne le nie pas. Il s’agit là d’un « nouveau vecteur disponible pour la prochaine libéralisation du secteur des médicaments OTC », déclare-t-il. Son combat pour la fin du monopole sur les OTC n’est pas terminé.
Aussi persévérant soit-il, Michel-Edouard Leclerc risque fort cette fois de se heurter à un front uni de pharmaciens. Car à la fin du mois, 130 titulaires adhérents au groupement Univers Pharmacie assigneront, chacun individuellement, Michel-Edouard Leclerc en justice. Ils s’estiment en effet lésés par les termes d’une publicité comparative dans laquelle le patron des supermarchés éponymes affirmait pratiquer des prix plus bas. Le montant des dommages et intérêts pourrait atteindre 50 000 euros pour chacun des pharmaciens.
Mais le groupement de pharmaciens veut aller plus loin. Moins de quarante-huit heures après l’ouverture du site Leclerc, Univers Pharmacie a annoncé qu’il établira désormais chaque mois un comparatif de prix entre son propre site et celui du numéro un de la GMS. Et d’espérer que cela conduira à instaurer une concurrence plus saine entre les deux réseaux.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin