C’EST UNE TENDANCE forte de la dernière décennie. Avec Internet s’est ouvert un espace d’expression et de communication apparemment sans limites. Les internautes ne se contentent plus de consulter, ils participent. On appelle cela le Web 2.0. Forums et sites communautaires comme Facebook ou You Tube enregistrent des scores de fréquentation croissants. C’est dans cette mouvance que sont apparus, il y a quelques années, des sites destinés à recueillir les commentaires des internautes sur les commerces et les services de proximité. Sous couvert d’anonymat, on donne son avis sur la qualité des plats dans un restaurant, le choix dans un magasin de bricolage, l’efficacité d’un pressing. Une façon pour le client roi d’étendre plus encore son territoire.
Les pharmacies ne sont pas épargnées par le phénomène, avec des commentaires sur l’accueil, les prix, la disponibilité du personnel. Souriez, vous êtes notés ! En France, une dizaine de sites occupent le terrain. Ils se nomment Google Maps, Qype, dismoiou, justacoté ou koifaire. Certains émanent de sociétés internationales, d’autres sont de purs produits hexagonaux. Google Maps est né en 2004 aux États-Unis et est disponible en France depuis 2006. Ce service de cartographie est une déclinaison du célèbre moteur de recherche. Il permet de zoomer sur une adresse jusqu’à l’échelle d’une rue, dans un pays donné. Les photos sont prises en vue aérienne et même en image satellite. La couverture est mondiale, mais assez inégale. On peut voir son jardin, admirer la plage où on a passé ses vacances ou encore localiser une entreprise qui nous intéresse. Sur sa fiche, un certain nombre d’informations : activités, coordonnées, site Internet ou encore itinéraire pour y parvenir. Des commentaires sont laissés par des clients, français ou étrangers.
Gain de crédibilité.
De ces retours d’expériences des consommateurs, certains sites font le plat de résistance de leurs activités. Qype est leader européen du secteur. Sa création remonte à 2005 en Allemagne et en France au printemps 2008. « L’idée était de pouvoir trouver des informations sur un établissement, dès que l’on sort des sentiers battus, dans son quartier ou lors de ses déplacements », explique Vincent Wermus, directeur de Qype France. Le site, qui a fait des petits dans toute l’Europe, est adossé à des fonds d’investissement. Il vit de la publicité présente sur ses pages, sur des bandeaux ou par la promotion d’adresses locales. Sa fréquentation est de 5 millions de visites par mois. « Et nous disposons de plus de 150 000 contributeurs », précise Vincent Wermus. Des chiffres qui témoignent d’un réel engouement, mais qu’il convient de relativiser (voir encadré). Qui sont les participants ? Des consommateurs âgés de 25 à 45 ans. « Ce sont autant des femmes que des hommes. Ils ont le temps et les moyens suffisants pour sortir et découvrir de nouvelles adresses », souligne Vincent Wermus. Les avis portent pour une bonne moitié sur les bars et les restaurants. « Le nombre de commentaires est proportionnel aux habitudes de consommation. Les professions moins souvent sollicitées, comme les avocats, recueillent moins d’avis », indique le directeur de Qype France. Pour sa part, dismoiou revendique près de 500 000 membres inscrits, surtout de jeunes citadins très au fait de la technologie. « Les trois quarts des commentaires sont postés à partir d’un téléphone mobile », rapporte Herbert Knibiehly, directeur marketing de dismoiou. Le site a réellement pris son envol depuis la création d’une application sur IPhone, début 2009. Elle permet à l’utilisateur de dégoter une bonne adresse dans le périmètre où il se trouve, à l’aide d’un GPS. L’internaute ne reçoit pas de rémunération pour ses contributions. « La démarche perdrait alors tout son sens », estime Vincent Wermus. Mais il peut recevoir des invitations pour certains événements. Avec dismoiou, le participant dispose de coupons de réduction. Et surtout, s’il s’implique et multiplie les commentaires, il gagne en crédibilité et en notoriété vis-à-vis des autres membres.
Non à la diffamation.
L’objectif principal de ces sites est, en effet, d’encourager la constitution d’une véritable communauté. En remplissant son profil, en précisant ses goûts, en se liant à d’autres contributeurs, le consommateur devient une cible à laquelle on peut proposer une sélection d’adresses plus personnalisée. « Par exemple, lorsque vous êtes dans la rue et que vous avez autour de vous trois ou quatre pharmacies, on vous propose celles que vous avez le plus de chances d’apprécier en fonction de l’avis moyen des internautes et de différents algorithmes. Si l’un de vos amis a aimé, on vous le recommande en priorité », explique Herbert Knibiehly. Pour référencer les entreprises, les sites achètent des bases de données. Le profil est généré automatiquement, puis il peut être complété par le dirigeant et investi par les consommateurs. Professionnels et particuliers peuvent aussi créer eux-mêmes la fiche d’une entreprise. Qype demande que les points de vue soient constructifs, objectifs et argumentés. À l’inverse, sur le site dismoiou, les commentaires sont souvent très brefs, adressés par des internautes nomades en format SMS. La régulation se fait essentiellement par les participants. Ce sont eux qui font remonter la fermeture d’une adresse. Et qui signalent, à l’occasion, des propos abusifs ou diffamatoires. « Les trois quarts des avis sont positifs, affirme le responsable marketing de dismoiou. Mais il y a une charte. Nous éliminons les avis injurieux et nominatifs. En revanche, si un point de vue n’est pas favorable, mais légitime et étayé, on le conserve ». Quant à Vincent Wermus, il estime que les commentaires ne respectant pas la charte restent une minorité. « On peut réagir et demander de modifier ou de supprimer un propos, ce qui est fait sous 24 à 48 heures », précise t-il. Bien sûr, il arrive que des entreprises manifestent leur mécontentement suite à des commentaires qui ne leur plaisent pas. Si un commerçant ou un prestataire s’enregistre, il sera averti dès qu’un avis est déposé. Sur Qype, le professionnel peut s’adresser directement au consommateur, par un échange de messages privés ou portés à la connaissance de tous. De l’art de gérer les critiques astucieusement. Et de se faire de la publicité.
La méconnaissance des officinaux.
Du coup, on peut se demander si le modèle est vraiment adapté au service officinal. Les responsables des sites estiment que les commentaires doivent s’en tenir à des considérations générales et ne pas concerner l’aspect professionnel. L’écoute, la propreté, oui. Mais pas d’évaluation sur le traitement proposé. En fait, la grande majorité des pharmaciens contactés ne connaissent pas ces sites et les commentaires qui s’y trouvent. Bien peu ont été évalués et les avis se comptent sur les doigts d’une main. Ils peuvent être élogieux. « Cela fait toujours plaisir, mais ça ne vaut pas grand-chose, tempère la titulaire nantaise Françoise Thoby, qui a récolté quelques bons points sur l’accueil. L’appréciation porte sur un moment précis, on peut avoir eu plus de temps à consacrer au client. De même, s’il y a un différend, il ne faut pas en tirer de conclusion sur le fonctionnement quotidien de l’officine ». Pour d’autres, c’est surtout l’attrait des prix qui est mis en avant. Un ressenti qui colle à la réputation et au positionnement d’une officine. « Mais il est impossible de mesurer l’impact de ces commentaires. On ne sait pas exactement combien de personnes les lisent », avance ce pharmacien installé dans une grande agglomération, qui a renseigné sa fiche. « Le phénomène est balbutiant, mais prend de plus en plus d’importance », estime Gilles Brault-Scaillet, titulaire à Valence, considéré comme « sympa » par un client internaute. Lui voit le bon côté de la critique, qui n’est pas franchement exprimée dans les questionnaires de satisfaction proposés à la clientèle. Et puis une communication peut s’organiser sur les activités propres à la pharmacie, à travers ces supports.
Qu’ils soient indifférents, circonspects ou même hostiles, les officinaux ne pourront plus ignorer ces sites participatifs, dans les années qui viennent. À défaut d’en épouser le concept, il faudra s’y intéresser de près.
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