LE TITULAIRE de la pharmacie du Val de L’Eyre à Salles (Gironde) n’en revient toujours pas. Il reçoit, il y a une quinzaine de jours, le coup de fil d’un Vosgien, intrigué par la vente de médicaments du type Viagra à des prix cassés sur un site Internet portant le nom de son officine et ses coordonnées. L’officinal alerte immédiatement la gendarmerie. Depuis, l’enquête progresse à petits pas et l’accès au site Internet a été fermé, le 18 février.
Piratage ? Revente du nom de domaine Internet par un hébergeur indélicat ? Les conclusions ne sont pas encore connues, mais le fil de l’histoire est désormais clair, comme l’explique Thierry Guillaume, président de la Chambre syndicale des pharmaciens de Gironde : un ancien titulaire de l’officine avait ouvert un site Internet, une simple vitrine de présentation. Son successeur, peu intéressé par une présence sur la Toile, n’a pas renouvelé le contrat auprès de l’hébergeur. Quant à l’actuel titulaire, il en ignorait l’existence.
Pendant ce temps, le site edpilules.com s’est servi du nom de domaine pour attirer des clients français et leur vendre des médicaments - plus probablement des contrefaçons - de tadalafil (Cialis), par boîte de 360 pilules, de vardenafil (Levitra) et de Viagra, à des dosages dangereux : 20 mg pour le vardenafil au lieu de 10 mg pour les comprimés commercialisés en France, et même 600 mg (100 en France) pour le Viagra surnommé « Gold » par ces apprentis sorciers.
L’intérêt pour ce site étranger est facile à concevoir : « il est référencé sur des moteurs de recherche français, génère un trafic supplémentaire sur Internet, tout en rassurant le client internaute qui pense acheter ses médicaments auprès d’une véritable pharmacie », explique Cedric O’Neill, pharmacien, internaute aguerri, et responsable de la société 1 001 pharmacies.com.
Prévenir et contrer les risques de piratage.
De fait, un cybercriminel peut facilement ajouter une brique pirate qui lie un site français au site étranger. Par ailleurs, « si le nom de domaine n’est plus exploité, il tombe dans le domaine public, et l’hébergeur qui n’est plus rémunéré peut même le céder », met en garde Cedric O’Neill.
Une des parades consiste alors à attaquer au nom du « risque de confusion », une notion classique de droit de la concurrence. Mais les poursuites restent complexes car l’hébergeur étranger peut être une simple boîte aux lettres, sans pignon sur rue. « Il faut alors, selon une loi de 2004, notifier à tous les prestataires techniques, y compris les moteurs de recherche, ce risque de confusion. Ceux-ci disposent alors d’un court délai pour bloquer l’accès au site », explique Christophe Alleaume, avocat et conseil de la Pharmacie Lailler à Caen, qui commercialise de l’OTC sur Internet.
Quelques astuces existent pour « prévenir plutôt que guérir », ajoute ce juriste. Ainsi, il faut éviter d’utiliser un nom trop banal, trop facilement récupérable. Autre conseil : « être propriétaire de son nom de domaine Internet, et pas simplement locataire, ce qui coûte à peine quelques euros de plus par an. Il est aussi conseillé de déposer à l’INPI le nom en tant que marque. Tout piratage sera alors considéré comme une contrefaçon de la marque, un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amendes », précise ce juriste. Ce dernier souligne qu’un site Internet « est un élément du fonds de commerce, comme l’enseigne, le nom et les stocks ; il est considéré comme transmissible ».
Cette mésaventure, qui intervient alors que les officines viennent d’obtenir l’autorisation de vendre en ligne de l’OTC, pourrait refroidir quelques ardeurs. « Nous ne sommes pas prêts pour engager notre responsabilité sur Internet, dont les règles dépendent du droit international, alors que la vente de médicaments est régie par le droit français », estime Thierry Guillaume.
Pour Christophe Alleaume, paradoxalement, la présence sur Internet peut être saine : « Au plus vous êtes présent et actif sur la Toile, via des sites, des blogs ou des réseaux sociaux, au plus vous êtes protégés. Votre nom ne peut alors être utilisé discrètement par un autre à mauvais escient. » À condition de se « googeliser » en plus, tous les matins, pour traquer les mauvais plaisantins et criminels du Net.
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