LA FRANCE avait jusqu’au 2 janvier 2013 pour transposer la directive européenne de 2011 autorisant la vente en ligne. Le gouvernement a fini par s’y résoudre par une ordonnance du 19 décembre, publiée le 21 décembre au « Journal officiel », suivie d’un décret le 1er janvier 2013. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, n’a eu de cesse d’affirmer que la France n’avait pas le choix, mais qu’un maximum de garde-fous protégeraient le consommateur. Il a fallu attendre l’arrêté de bonnes pratiques pour officialiser cette pratique, finalement paru en juin dernier.
Néanmoins, quelques officinaux se sont lancés dans l’aventure avant tout feu vert officiel. C’est le cas de Philippe Lailler, titulaire de la Pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen (Calvados) qui a proposé des médicaments en ligne dès la mi-novembre 2012, profitant du vide juridique et concentrant dès lors les foudres des anti-Internet de la profession. En deux mois, il cumulait une vingtaine de plaintes contre lui, dont celle du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie. Son tort ? Avoir parlé à la presse et bénéficié d’une publicité, pourtant interdite, en faveur de sa pharmacie. Conclusion : en octobre, il comptait 200 plaintes à son encontre et écopait d’un blâme de la chambre de discipline du CROP de Basse-Normandie. Dans son sillage, deux autres pharmaciens se sont lancés à l’assaut du e-commerce de médicaments, Laurence Sylvestre (Isère) et Cyril Têtard (Nord), fin 2012. D’autres ont saisi leur chance courant 2013, et aujourd’hui 78 officines possèdent un site de vente en ligne de médicaments dûment autorisés par leur ARS et répertoriés sur le site de l’Ordre (soit 0,35 % des officines françaises).
Contrefaçon et piratage.
Rien ne s’est fait sans douleur. D’abord, les garde-fous mis en place par le gouvernement au 1er janvier 2013 n’ont pas été accueillis à bras ouverts, ni par les pharmaciens hostiles – qui estiment que ces précautions sont trop faibles et auraient préféré ne jamais voir ce canal de distribution autorisé en France – ni par les officinaux souhaitant s’y investir – qui accusent les autorités d’avoir choisi un cadre suffisamment strict pour rendre cette activité impraticable. Premier élément pointé du doigt : la limitation aux seuls médicaments accessibles en libre accès. Un non-sens pour les pro Internet, la liste n’étant pas homogène. Philippe Lailler dépose un recours en février devant le conseil d’État, avec un référé en suspension, et obtient gain de cause (ainsi que l’avis négatif de l’Autorité de la concurrence sur cette limitation). La vente en ligne est désormais ouverte à tous les médicaments de prescription médicale facultative (PMF).
Du côté des opposants à cette pratique, les syndicats, l’Ordre, les représentants des étudiants, des pharmacies rurales, etc. pointent du doigt un déséquilibre du réseau officinal, une banalisation du médicament, une porte d’entrée à la contrefaçon et aux piratages de sites, et une façon d’inviter la GMS à revenir sur son désir fort de pouvoir vendre des médicaments PMF dans ses rayons. Leclerc a aussi vu la brèche et a immédiatement relancé son idée de vendre des médicaments grâce aux Docteurs en pharmacie qu’il emploie, pour rétablir l’accès égal aux consommateurs qui n’ont ni d’ordinateur, ni Internet… Le piratage est l’un des aspects qui inquiètent particulièrement l’Ordre, qui, dès septembre, dénonçait déjà une centaine de piratages à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).
Sécurité des patients.
Tout au long de l’année, des instituts de sondage ont cherché à connaître le sentiment des Français et des pharmaciens face à ce nouveau canal de distribution. Force est de constater qu’ils y sont majoritairement hostiles, et de manière constante. Une enquête du « Quotidien du Pharmacien », menée entre fin décembre 2012 et début janvier 2013, dévoile que 80 % des pharmaciens s’y opposent. Une tendance confirmée par le cabinet Call Medi Call en février : 87,6 % des officinaux estiment que ce n’est pas une évolution positive, surtout en terme de sécurité des patients (84,6 %), mais aussi en termes d’atteinte au monopole (86,3 %). Côté grand public, l’enquête de ViaVoice pour Pasteur Mutualité et celle de LH2 pour « Métro », menées à quelques semaines d’intervalle, en février et mars, montrent que 80 % des Français craignent d’acheter un médicament sur Internet (80 %) et regrettent déjà les conseils de leur pharmacien (75 %).
Aujourd’hui, en France, seules des officines de brique et de mortier peuvent ouvrir un site de vente de médicaments, après autorisation de l’ARS, à condition de bien différencier sur leur portail les médicaments des autres produits vendus. Tous les médicaments PMF peuvent être proposés en ligne, les prix doivent être clairement affichés hors frais de port et ils ne doivent pas être référencés dans un comparateur de prix. Les quantités commandées sont limitées à un mois de traitement à posologie usuelle ou à la quantité maximale nécessaire pour un épisode aigu, tout en respectant les doses d’exonération. L’envoi par la Poste est autorisé, mais nombre de pharmaciens et de groupements ont fait le choix d’une commande en ligne pour un retrait en pharmacie (Web to store). Ces derniers sont les plus attendus sur ce créneau pour leur capacité à fédérer et à mutualiser les moyens. Univers Pharmacie et le groupe PHR ont été les premiers à proposer une offre parfaitement légale à leurs adhérents, d’autres se joignent à eux. Tout en gardant en tête qu’il s’agit d’un marché marginal et peu rémunérateur, les responsables affirment qu’il faut occuper la place, répondre à la demande des e-patients, même peu nombreux, et vivre avec son temps, donc avec Internet. Preuve en est, sur 38 cyberpharmaciens interrogés fin novembre et début décembre par Call Medi Call pour « Le Quotidien du Pharmacien », 50 % sont satisfaits de leur présence commerciale en ligne, malgré de bien faibles évolutions de leur chiffre d’affaires et un retour sur investissement quasi-nul.
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