Les députés ont commencé mardi l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2016. « Encore une fois, il y aura un impact sur le médicament » et cela « ne sera pas sans conséquences sur vos entreprises », souligne Catherine Lemorton, présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Aussi, affirme la députée de Haute-Garonne, « le modèle économique (de l’officine) doit changer ; il va changer, mais il aurait dû changer plus tôt ».
Ce PLFSS prévoit en effet la mise en œuvre d’un plan d’économies de 3,4 milliards d’euros avec une contribution sur le médicament de l’ordre de 1,5 milliard. « Les baisses de prix sur les produits "matures" touchent avant tout les pharmacies de proximité ayant des personnes âgées dans leur clientèle », souvent atteinte de pathologies chroniques, fait remarquer Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), soulignant qu’une des propositions de son syndicat est d’ailleurs d’étendre l’honoraire « complexe » aux dispensations pour les patients inscrits au régime de l’ALD. Plus largement, le FSPF présentera aujourd’hui à l’Élysée son plan d’urgence pour l’officine (voir encadré).
« Le principal problème que nous devons résoudre de toute urgence pour conserver notre modèle officinal, c’est celui de la baisse des prix des médicaments », s’inquiète également Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale (APR). « Cette baisse imposée année après année par les lois de finances s’attaque à ce qui fait plus de 80 % du revenu d’une officine de proximité, précise-t-il. Parfois même, en milieu rural, il s’agit de son unique activité. » Et la fin de la pression sur les prix n’étant pas d’actualité, Albin Dumas considère que « la seule issue est d’avancer à marche forcée vers de nouveaux honoraires », comme un honoraire pour les prescriptions des patients en ALD, ou pourquoi pas un honoraire propre aux officines rurales.
Redynamiser le générique
Présent au congrès, le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), Nicolas Revel, confirme que l’intensité des baisses de prix se poursuivra sur 2016 et 2017 et peut-être au-delà. D’où l’intérêt, selon lui, de diversifier la rémunération des pharmaciens. Et de réaffirmer que le bilan des six premiers mois de la réforme de l’honoraire est positif. « Cette réforme a atteint son objectif, même si elle n’a pas complètement mis à l’abri l’économie officinale », estime Nicolas Revel. Pour lui, il est encore un peu tôt pour conclure sur la situation économique de l’officine et apporter des mesures correctrices : « Nous devons faire les comptes pour voir si les hypothèses qui avaient fondé le modèle se vérifient. Il faut voir sur un plus long terme et nous ferons le bilan en 2016. » Quant à la piste visant à étendre le champ de l’honoraire « complexe », elle lui paraît « intéressante », mais elle n’est pas la seule. Nicolas Revel pense aussi que d’autres leviers d’économies sont aujourd’hui sous-utilisés. « Les génériques restent sensiblement en dessous des valeurs rencontrées dans d’autres pays européens », affirme ainsi le directeur général de la CNAM. Il entend d’ailleurs se servir de la prochaine négociation sur la ROSP** générique, qui s’ouvrira le 5 novembre, « pour remettre le taux de substitution dans une dynamique, car il s’est stabilisé ». « L’objectif est de porter le taux de substitution à 85 %, voire au-delà », précise Nicolas Revel. Tout en rappelant que le but de cette négociation n’est pas de réduire le montant de la prime versée en 2015 pour le réseau (142,7 millions d’euros), il dit souhaiter inclure dans la ROSP des dispositions concernant l’accompagnement des patients et l’identification des prescripteurs hospitaliers.
Sortir de l’addiction des baisses de prix
Également touchés de plein fouet par les plans médicaments successifs, les Entreprises du Médicament (LEEM) se sont engagées dans un vaste programme de lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse chez les sujets âgés, responsable de 128 000 hospitalisations par an, dont plus d’un quart sont jugées évitables. « L’idée est de trouver une alternative aux baisses de prix », qui deviennent intenables pour les pharmaciens, mais aussi pour les industriels, explique Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM. « Il faut faire sortir les pouvoirs publics de l’addiction aux baisses de prix », déclare-t-il.
L’observance des traitements est une autre source d’économies. Et le potentiel est énorme. Selon différentes études, le coût de l’inobservance est estimé entre 5 et 9 milliards d’euros par an. C’est presque le déficit annuel de l’assurance-maladie ! « L’observance est un défi pour la santé publique et un enjeu pour les dépenses de santé », souligne Christophe Koperski, président de la commission Exercice professionnel de la FSPF. La préparation des doses à administrer (PDA) peut aussi représenter un outil pour améliorer la prise des traitements. Mais, insiste Claude Baroukh, secrétaire général de la FSPF, « nous ne voulons pas que les textes encadrant la PDA sortent sans qu’une rémunération ne soit prévue ».
« Il faut freiner sur les économies et accélérer sur les honoraires », lance pour sa part Philippe Gaertner. Tandis que « certains appellent au vote sanction », le président de la FSPF estime que « ce qu’il faut sanctionner avec énergie ce sont les plans d’économies et pas une organisation qui prend ses responsabilités ». « Oui, nous sommes certains que les honoraires sont l’avenir », conclut Philippe Gaertner, sous les applaudissements nourris de ses confrères, debout pour le saluer.
**Rémunération sur objectifs de santé publique.
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