250 000, 900 000, voire jusqu’à 1,2 million d’euros. Tels sont les montants des redressements que quelques titulaires indélicats pourraient bientôt se voir signifiés. Ces amendes, calculées par l’administration fiscale, viendront conclure les inspections longues et pointilleuses menées dans plusieurs officines françaises… Et seront sans doute pour certaines synonymes de dépôts de bilans. Lancée en septembre 2010, l’action des inspecteurs du fisc avait d’abord pris la forme de perquisitions à la recherche d’éléments probants. À l’origine de cette retentissante enquête, une officine gardoise dans laquelle le titulaire s’était apparemment adonné à quelques manœuvres délictueuses par l’intermédiaire d’un petit programme informatique intégré à son logiciel métier (cf. notre article du 8 novembre 2010). Dès lors, les inspecteurs pensent avoir levé un lièvre et soupçonnent pas moins de 4 000 pharmaciens de se prêter également à de telles pratiques. Mais, la fraude semble plus limitée que prévue. Et les inspecteurs reviennent à des méthodes d’investigation plus classiques.
Depuis le début de l’année, les perquisitions musclées ont ainsi cédé la place à des contrôles fiscaux inopinés, non moins pressants, mais plus feutrés. « Pressions du fisc, puis action des douanes sur l’alcool et peut-être bientôt contrôles de la DGCCRF sur la qualité des génériques, on voudrait déstabiliser le réseau qu’on ne s’y prendrait pas autrement », confie un titulaire, dont l’officine fait actuellement l’objet d’un contrôle fiscal. Paranoïa d’une corporation qui se sent agressée, ou réalité politique ? Force est de constater que plusieurs attaques coïncident pour mettre à mal l’officine française.
Une procédure exceptionnelle.
Quoi qu’il en soit, la vague de contrôles qui sévit aujourd’hui dans quelque 500 pharmacies atteint une ampleur encore inégalée. Cependant, la situation n’est pas complètement inédite et d’autres professions ont déjà vécu ce type de « campagne » de l’administration fiscale, telle récemment la corporation des coiffeurs. D’ailleurs les syndicats d’officinaux relativisent l’affaire. « L’étendue de la fraude n’est pas celle qui était initialement annoncée et nous sommes passés de perquisitions à des contrôles fiscaux de routine essentiellement ciblés sur ceux utilisant le logiciel incriminé, confirme Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Ceux qui pensaient tenir une profession organisée pour la fraude en sont pour leurs frais. » On peut aussi se demander si cette vague de contrôles fiscaux n’a pas un lien avec l’ouverture imminente de négociations sur l’évolution de la rémunération des officinaux. Frédéric Laurent, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) ne semble pas le penser. « Il s’agit de la suite logique d’un processus enclenché dans le cadre d’une procédure initiée par le procureur de Nîmes », relativise-t-il, tout en constatant que, effectivement, les contrôles ont été plus nombreux en ce début d’année qu’auparavant.
Cependant, pour l’avocat fiscaliste Cyrille Dimey*, la procédure de contrôles inopinés utilisée dans les officines est assez inhabituelle. « En général, l’administration fiscale envoie un avis de vérification et laisse une quinzaine de jours au contribuable pour se faire assister d’un conseil, souligne-t-il. La procédure exceptionnelle que subissent actuellement les officines est utilisée pour s’assurer que les données ne seront pas altérées avant le contrôle », explique-t-il. Mais que risquent les pharmaciens contrôlés ? Seule une minorité d’entre eux a déjà reçu des notifications de redressement. Pour les autres, les montants à payer ne sont donc pas encore connus, même si certains chiffres circulent déjà. Quoi qu’il en soit, les procédures d’estimation utilisées par le fisc laissent présager des sommes élevées (voir ci-dessous). Autres questions en suspens : l’administration fiscale acceptera-t-elle de négocier avec les pharmaciens redressés ? Enfin, ces derniers seront-ils poursuivis en justice ? « Le risque de poursuites pénales est réel », estime Cyrille Dimey.
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