LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- En quoi consiste précisément la réforme introduite par la loi de finances pour 2009 ?
JEAN-JACQUES DES MOUTIS.- En premier lieu, la loi autorise les experts-comptables, à compter du 1er janvier 2010, et à condition qu'ils soient agréés par l'administration fiscale, à délivrer à leurs clients un visa fiscal qui les dispensera de la majoration de 25 % de leur bénéfice, même lorsqu'ils ne sont pas adhérents d'un organisme agréé.
Parallèlement, il est prévu un renforcement du rôle de prévention des organismes agréés qui effectueront non seulement l'examen de cohérence et vraisemblance des déclarations de résultats, mais également un contrôle des déclarations de TVA.
Enfin, la loi prévoit qu'un adhérent de centre de gestion agréé ne sera plus tenu d'utiliser les services d'un expert-comptable et que les organismes agréés pourront se transformer en association de gestion et de comptabilité - AGC -, en offrant les mêmes services que les professionnels de la comptabilité.
Cette réforme ne risque t-elle pas d'introduire un mélange des genres entre organismes agréés et experts-comptables ? Comment le pharmacien pourra t-il s'y retrouver ?
En effet, je pense que ce mélange des genres serait préjudiciable à tout le monde. Les organismes agréés et les experts-comptables n'ont ni le même rôle ni les mêmes missions auprès des officines et des petites entreprises.
Les experts-comptables ont une mission de tenue et d'établissement des comptes, de conseil, d'optimisation fiscale. Les organismes agréés ont, quant à eux, une mission de contrôle et de surveillance, d'assistance et de formation. Offrir aux experts-comptables la possibilité de délivrer le visa fiscal et, donc, de procéder à un contrôle fiscal des déclarations, tout en établissant eux-mêmes les déclarations, n'a pas de sens. Donner aux organismes agréés la possibilité de se transformer en organismes comptables et, donc, de tenir des comptabilités, tout en contrôlant l'assiette fiscale, n'en a pas davantage.
En pratique, si cette réforme devait s'appliquer telle quelle, elle risquerait de rompre l'équilibre actuel entre la profession comptable et les organismes agréés, alors que tout le monde s'accorde à dire que les deux ont, grâce à leurs différences de nature, des complémentarités nécessaires pour les entrepreneurs.
Justement, cette réforme pourra t-elle s'appliquer en l'état ?
Non, certainement pas. Par exemple, on ne sait pas quand elle devra s'appliquer précisément. L'échéance prévue est le 1er janvier 2010, mais faut-il comprendre à compter du 1er janvier 2010 pour les revenus de 2009 ou à compter de l'imposition des revenus de 2010 ?
En outre, des décrets d'application seront de toute façon nécessaires, notamment pour les conditions d'agrément des cabinets comptables qui souhaiteraient disposer de la délivrance du visa fiscal, ou pour les conditions de transformation des centres de gestion agréés en associations de gestion et de comptabilité.
J'ajoute, sans vouloir parler à leur place, que les experts-comptables, dans leur très grande majorité, sont hostiles à cette réforme. Il suffit de voir les réactions à ce propos des membres du Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables et des principaux syndicats de cette profession. Beaucoup pensent, et à mon sens à juste titre, que ce projet introduirait, pour les pharmaciens et les petites entreprises, une confusion entre le conseil qu'est l'expert-comptable et un auxiliaire de l'administration fiscale auquel l'expert-comptable risque d'être assimilé dès lors qu'il aura un visa fiscal.
Dès lors, pourquoi donc cette loi, dont personne, pas mêmes les intéressés eux-mêmes, ne veut… ? C'est un mystère !
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