La pharmacie va mal. Les étudiants la boudent, les pharmaciens vieillissent, les officines ont perdu près de quatre points de marge en un an et 8 % des diplômés sont au chômage. Ces signaux de détresse se trouvent confortés par l’enquête menée par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), entre janvier et mars 2015 auprès de 732 pharmaciens titulaires, adjoints et étudiants. La crise de confiance mine la profession, titulaires en tête puisque 76 % ne croient plus dans l’avenir de la pharmacie. Et si c’était à refaire, 56 % ne s’installeraient pas aujourd’hui ; 40 % des adjoints les rejoignent dans cette analyse et autant estiment qu’ils ne peuvent se permettre de s’installer dans les conditions actuelles.
L’UNPF se refuse pourtant à tout défaitisme. Dans un livre blanc intitulé « Pharmaciens : pour que la profession ait un avenir », le syndicat veut redonner des raisons d’y croire. Car, en contrepoint des critiques, un credo émerge de cette enquête. Titulaires, adjoints et étudiants déclarent à l’unisson que leur place est au comptoir, avec des attentes plus que jamais centrées sur le patient. Fort de ce constat, l’UNPF définit les contours de la pharmacie de demain. En résulte un bouquet de propositions concrètes pour un modèle que le syndicat propose d’aborder sur une période de cinq ans.
Mettre l’installation à la portée des jeunes
Un régime d’exception donc, le temps de remettre la pharmacie sur rails. Car il importe d’assurer sa pérennité en actionnant les leviers de l’attractivité, de la qualité et de la croissance. Les jeunes ne croient plus en l’avenir de l’officine ? Ils jugent à 60 % que l’acquisition est hors de leur portée ? Ou encore 80 % d’entre eux estiment que l’exercice individuel n’est pas une solution sécurisée ? L’UNPF les entend. Pour elle, il suffit de mettre en place des conditions de reprise en offrant des crédits d’impôts sur cinq ans, en déduisant fiscalement les intérêts de l’emprunt contracté pour acquérir l’officine ou encore en assurant une optimisation fiscale à deux titulaires qui se partagent 10 % au sein d’une société de participations financières de profession libérale (SPFPL). Cette dernière mesure requiert la suppression de l’article 5125-7 du Code de la santé publique (CSP), actuellement à l’étude.
En retour, la transmission doit être facilitée. Notamment en mettant fin à la radiation automatique des SPFPL lors de cession et en allégeant les plus-values en cas de vente d’une officine sur une période transitoire de cinq ans ou en cas de refonte du statut juridique. De même, le développement de la santé connectée doit offrir des perspectives attractives aux jeunes, leur conférant grâce à un cadre réglementaire approprié, la fonction de « tiers de confiance », dans l’utilisation et le partage des données patients.
À propos de patient, sa prise en charge sera assurée désormais par un officinal devenu pharmacien clinicien. Celui-ci ne pourra cependant retrouver son cœur de métier sans une intensification de sa démarche qualité. Or, aujourd’hui, 10 % des officines seulement sont engagées dans une démarche de certification qualité.
Revendiquer un honoraire intellectuel
Au comptoir, le pharmacien clinicien devra avoir plusieurs rôles : conciliation et observation pharmaceutique, validation de l’ordonnance, bilan de médication et traçabilité, notification de pharmacovigilance, traçabilité des conseils adaptés à l’ordonnance… Ces rôles, qu’il remplit déjà de manière systématique, seront formalisés et enrichis de nouvelles options, telle la mise en place de procédures de préparation de doses à administrer (PDA) pour les personnes âgées ou les malades chroniques. Ou encore d’actes codifiés dans l’interprofessionalité. « Il s’agit de définir notre périmètre d’intervention pour ne pas entrer en concurrence avec d’autres professionnels », stipule prudemment le livre blanc.
Mais l’ensemble de ces nouvelles fonctions ne saurait s’instaurer sans compensation financière, prévient le syndicat. Réfractaire à la mise en place de l’honoraire à la boîte, l’UNPF réitère sa position. Il précise son modèle d’honoraire à l’acte, dit honoraire intellectuel, à l’instar du modèle suisse. « Adossé à une lettre clé et revalorisé tous les ans, il devrait permettre d’emblée la pérennisation du réseau officinal et une rémunération équitable selon la typologie de pharmaciens », promet le document. L’UNPF dénonce une nouvelle fois l’avenant conventionnel qui prive les pharmaciens d’une marge substantielle pour les médicaments dont le PFHT* est supérieur à 1 500 euros. « N’est-il pas préférable de donner aux pharmaciens les moyens de gérer au mieux ces traitements sensibles ? » s’interroge le syndicat. Et de proposer en supplément de l’honoraire intellectuel, la création d’« un honoraire de responsabilité » pour ces médicaments. Il permettrait ainsi aux pharmaciens d’accompagner les patients souffrant de pathologies lourdes.
Dissocier capital et droit de vote
En marge de ces nouvelles ressources officinales, l’UNPF incite également aux regroupements d’achats et à la rétrocession entre pharmacies d’officine. Un recours à la sous-traitance, une dissociation des locaux dédiés à la PDA et à la vente sur Internet, complètent le catalogue de propositions. Mais toutes ces mutations ne pourront faire l’économie d’une refonte des statuts juridiques de l’officine. Le livre blanc passe en revue les différents cas de figure, et gomme par ses suggestions ce qu’il estime être des rigidités réglementaires, sinon des anachronismes au regard des attentes des générations montantes. Se référant à l’installation en association plébiscitée par 85,6 % des étudiants, l’UNPF réclame un assouplissement des règles du jeu. Il propose ainsi de permettre la création de succursales, suivant l’exemple de la Scandinavie ou de l’Allemagne, de créer le statut de pharmacien collaborateur libéral, ou encore d’autoriser la location-gérance, actuellement interdite par le CSP.
Il va sans dire que l’ensemble de ces mesures seront doublées d’un allégement de la réglementation actuelle sur les fusions et sur les transmissions universelles du patrimoine (TUP). L’UNPF propose par ailleurs la création d’un fonds d’investissement qui permettra à des pharmaciens en exercice ou retraités d’abonder au capital d’une officine. « Ces investisseurs pharmaciens pourraient ainsi jouer le rôle de défenseur financier de la profession », estime le syndicat.
Fidèle à son approche plutôt libérale, l’UNPF franchit un nouveau pas en prônant ni plus ni moins que l’ouverture du capital. Il exige de dissocier capital et droit de vote par la suppression de l’article 5125-7 du CSP. Une avancée, selon le syndicat, qui permettrait aux pharmaciens de détenir la majorité des droits de vote en laissant à des investisseurs extérieurs la majorité du capital.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin