LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Il semble qu’il ait actuellement un paradoxe en matière de financement. L’argent prêté par les banques n’a jamais été si bon marché et, dans le même temps, il n’a jamais été aussi difficile d’obtenir des prêts par les banques. Comment expliquez-vous cela ?
PHILIPPE BECKER.- Vous avez raison de le souligner, nous vivons une époque bien curieuse. Ce serait anecdotique si l’économie officinale et le marché de la transaction ne dépendaient pas autant des banquiers. Force est de constater que les pharmaciens, aujourd’hui, n’ont plus vraiment la cote auprès de ces derniers !
Il y a plusieurs raisons qui, malheureusement, renforcent la défiance des prêteurs. Tout d’abord la baisse de l’activité des officines depuis trois ans, qui est un mauvais clignotant, même si les marges progressent. Il y a également les annonces faites sur la fin de monopole et les incertitudes sur la loi démo-géographique – voir à ce sujet le rapport Ferrand – qui créent une sensation de flou sur l’exercice professionnel. Et il faut ajouter à tout cela l’augmentation significative, ces dernières années, des incidents de paiements et des ouvertures de procédures collectives. Même si, sur ce dernier point, l’occurrence est faible, l’incidence en valeur absolue est forte.
C’est-à-dire ?
CHRISTIAN NOUVEL.- En France, la valeur moyenne d’un fonds de commerce est d’environ 200 000 euros, tous secteurs confondus. Généralement, les banques prêtent sur sept ans et sur 70 % de la valeur du fonds, soit donc un risque au départ de 140 000 euros. Après quatre ans d’exploitation, le risque pour la banque n’est plus que de 64 000 euros aux conditions habituelles. Mais pour une pharmacie, c’est bien différent !
Le risque est plus élevé ?
PHILIPPE BECKER.- La valeur moyenne d’un fonds de pharmacie était l’an dernier de 1,2 million d’euros (source Altares, Bodacc). Le contexte général fait qu’un primo accédant emprunte sur douze ans 100 % de la valeur du fonds. Le risque au départ est donc de 1,2 million d’euros et, après quatre ans, il est encore de 850 000 euros. En résumé, le risque de sinistre est certes plus faible que la moyenne (0,81 % selon la Coface en 2012 pour l’ensemble des entreprises, à comparer avec les chiffres des pharmacies qui sont de 153 procédures en 2013 pour 22 500 officines, soit un risque moyen de 0,68 %), mais il est plus élevé en valeur absolue. Quand tout va bien, on n’hésite pas à dérouler le tapis rouge, mais quand les perspectives sont moins bonnes, on le range !
Sur quelles pharmacies et quels pharmaciens la défiance des prêteurs est-elle la plus forte ?
CHRISTIAN NOUVEL.- En premier lieu, il y a les nouveaux entrants qui n’ont pas un apport personnel suffisant. Ensuite, ce sont les pharmacies considérées comme ayant été achetées trop cher et celles qui ont un trop petit chiffre d’affaires. Ceci explique d’ailleurs pour une large part la baisse des transactions depuis deux ans. À cela, il faut ajouter les pharmaciens qui souhaitent restructurer leur dette pour en alléger la charge annuelle. Là aussi, nous constatons une grande frilosité des banques !
Au fond, les banques ne sont-elles pas trop excessives dans leur approche à l’égard des officines ?
PHILIPPE BECKER.- Il y a un coup de balancier qui, par nature, est toujours excessif. Cela étant dit, les pharmaciens ont intérêt à intégrer la nouvelle attitude des prêteurs pour ne plus raisonner comme il y a dix ans. Le même constat peut-être fait pour tous ceux qui financent les pharmacies, que ce soit pour le fonds de roulement (grossistes et laboratoires) ou les investissements (crédit-bailleurs).
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin