La vie d'une entreprise n'est pas un long fleuve tranquille. Elle est faite de hauts et de bas. Si on aime évoquer les premiers, les seconds restent souvent confidentiels, comme un mauvais rêve qu'on veut vite oublier. Le recouvrement des impayés est de ces situations qu'on préfère passer sous silence.
Pourtant, « les difficultés économiques font partie de la vie officinale comme dans toute entreprise », souligne Thierry Bresson, directeur commercial CERP Bretagne Atlantique. D'autant plus que cette problématique semble s'être accentuée au cours des dernières années. « C'est un sujet d'actualité en raison de la situation économique générale », confie Fabien Accault, responsable grands comptes chez IJCOF.
Le secteur officine : épargné mais surveillé
Acteur majeur de la gestion des créances commerciales, IJCOF a développé un service dédié au secteur pharmaceutique. La société a d'ailleurs publié, en partenariat avec Ellisphère, un panorama du recouvrement des officines en 2015. Selon ces données, 63 % des officines sur 22 936 référencées présentent un risque de défaillance faible à quasi nul. Une pharmacie sur trois (33 %) est considérée comme exposée à un risque moyen à faible. Le reste (4 %) entre dans la catégorie du risque moyen à élevé, voire très élevé. « Le secteur de la pharmacie se trouve relativement épargné par le risque de défaillance, en comparaison avec d’autres secteurs d’activité (transport, industrie…). Pour autant, ce n'est pas un non sujet. Pour 1/3 des pharmacies, le risque est faible à modéré, ce qui appelle à une certaine vigilance de la part des services de relance de factures au sein des fournisseurs », commente Fabien Accault.
Autre phénomène, l'exposition au risque de défaillance est plus forte qu'auparavant pour les officines, ce qui conduit leurs fournisseurs à se doter de services entièrement dédiés à la gestion des créances. C'est ce qu'a fait la CERP Bretagne-Atlantique, comme l'explique Thierry Bresson : « Le recouvrement est géré en interne par la comptabilité clients. Notre statut de coopérative nous oblige à être proche de nos clients sociétaires et à trouver des solutions ensemble. C'est aussi une des raisons pour laquelle nous avons créé Consultis, dont une des missions est d'aider les pharmaciens en difficulté. »
De la négligence au problème de trésorerie.
L'environnement économique tendu et les pressions sur le médicament pèsent sur la trésorerie de l'officine ; c'est une réalité. On remarque par ailleurs que les modalités d'acquisition peuvent avoir des conséquences fâcheuses. Les difficultés de trésorerie sont accentuées dans les officines acquises à des prix élevés, qui ont vu leur chiffre d’affaires baissé pour des raisons diverses. « Les situations difficiles que l'on observe aujourd'hui sont principalement rapportées pour des officines survalorisées lors de l'acquisition, comme ce fut le cas en 2008 et 2009 », souligne Thierry Bresson.
Des propos qu'illustrent notamment les données Interfimo 2015 montrant un taux de procédure collective plus élevé (plus de 8 /1 000 officines) dans les régions où les pharmacies se vendaient le plus cher en 2011. « Notre service Consultis sensibilise les futurs acquéreurs sur l'importance d'établir un plan de financement solide pour permettre une exploitation sans trop de soucis. Un des points importants est de s'assurer que le besoin en fonds de roulement est correctement financé. » Le problème de trésorerie ne représente heureusement qu'une part mineure des causes d'impayés, comme l'indique Fabien Accault : « Les retards de paiement observés en pharmacie relèvent davantage d'autres facteurs, tels qu'une difficulté à gérer le volume des tâches administratives ou une négligence, que d'un problème de trésorerie. » Enfin, une situation de recouvrement peut résulter d'un désaccord sur la coopération commerciale. « Si le pharmacien estime que le contrat n'a pas été respecté, la solution de ne pas honorer la facture est un réflexe. Cette démarche ne résout rien et envenime la relation. L'intervention d'un tiers, c'est-à-dire d'une société de recouvrement, permet de recentrer la discussion sur le différend afin de mener une médiation constructive », indique le représentant d'IJCOF.
Des créances plus élevées pour l'officine
En pharmacie, le montant moyen d'une créance s'élève à 2 900 euros (données IJCOF), soit environ 1 000 euros de plus que celui observé pour les créances tous secteurs confondus (1 800 euros). Que faut-il en conclure ? L'interprétation reste difficile parce que ce chiffre recouvre les créances de montants très variables. « Dans le cadre de son activité, la pharmacie est amenée à travailler avec un grossiste, son fournisseur principal, et un ensemble d'autres fournisseurs comme les laboratoires avec qui le pharmacien traite en direct. On a donc affaire à des dossiers de nature très différente, avec soit des petits montants de l'ordre de 700 ou 800 euros portant sur les produits OTC ou la parapharmacie, soit des montants très élevés quand il s'agit de grossistes et de dépositaires, détaille Fabien Accault. Dans le cas de montants moyens, l'exposition au risque de passage en perte est moindre et le fournisseur peut montrer davantage de souplesse. » À l’inverse, plus les sommes sont importantes, plus la réaction doit être rapide. « Nous sommes rapidement alertés dès lors que la banque rejette les prélèvements », explique Thierry Bresson.
Surmonter la défaillance sans laisser d'empreinte négative
« Lorsque nous sommes mandatés pour recouvrer une créance, nous mettons tout en œuvre pour respecter la relation commerciale sans laisser d'empreinte négative », témoigne Fabien Accault. Autrement dit, une procédure de recouvrement réussie doit être réalisée au plus vite, sans porter préjudice à la relation entre le fournisseur et son client. « En général, ces situations sont provisoires et évoluent positivement. Le monde de l'entreprise est incertain. Notre devoir est d'être aux côtés du pharmacien dans les bons comme dans les moments plus difficiles », rassure Thierry Bresson.
Face à un problème de trésorerie, plusieurs solutions peuvent être envisagées, comme la renégociation du prêt bancaire ou un ré-étalement des factures non payées. Si le délai de paiement apparaît inadapté, il peut être révisé. « Souvent, les pharmaciens sont reconnaissants des solutions proposées, ce qui contribue à entretenir, voire renforcer, notre relation », estime Thierry Bresson. Pour Fabien Accault, ces situations peuvent être anticipées dans la plupart des cas : « De manière proactive, le pharmacien en difficulté a intérêt à se rapprocher de son fournisseur pour trouver un compromis. Cela permet de maintenir le lien et de préparer l'après. C'est le meilleur conseil à donner. »
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