Gestion comptable

Société de pharmacie : quel financement ?

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Publié le 13/12/2018
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Le financement d'une société de pharmacie peut s'effectuer grâce à un apport en capital ou en compte courant d’associé. Les experts-comptables de la société Fiducial, Philippe Becker et Christian Nouvel, rappellent les différentes approches et leurs spécificités.
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Crédit photo : PHANIE

Le Quotidien du pharmacien.- Lorsque l’on évoque le financement d’une société de pharmacie, on parle d'apport en capital et aussi en compte courant d’associé. Pourriez-vous rappeler les différentes approches ?

Philippe Becker.- L’apport en capital résulte d’une décision des associés d’une société de faire une contribution durable en argent ou en biens corporels ou incorporels pour financer les besoins de cette dernière. Cette décision est au début statutaire, mais elle peut être remise en cause par une modification du pacte social opérée par une majorité renforcée des associés. Il peut s’agir d’une augmentation de capital ou, au contraire, d’une réduction du capital.

L’apport en compte courant est une décision unilatérale, sauf convention particulière, d’un associé qui décide de prêter à ladite société une somme d’argent pour une durée qui, en général, n’est pas déterminée par avance. Précisons que le montant du compte courant des associés investisseurs dans une SEL est limité à la somme qu'ils ont apportée au capital. L’associé a la faculté de récupérer cette somme à tout moment, si bien sûr la trésorerie de la pharmacie le permet. L’apport en capital – hormis le cas de la réduction – est lui récupérable lors de la vente des titres.

Les banques apprécient-elles le compte courant comme le capital social ?

Christian Nouvel.- Les banques préfèrent ce qui est solide et pérenne et, par conséquent, incitent les associés à apporter en capital plutôt qu’en compte courant lors de la création de la société en vue du rachat d’une officine, par exemple. Ceci étant dit, les banques adoptent une position de plus en plus conciliante sur ce point aujourd’hui mais exigent souvent en contrepartie que les comptes courants soient bloqués à un montant déterminé pour tout ou partie de la durée de l’emprunt qu’elles octroieront.

Dans quelles conditions peut-on récupérer son compte courant ?

Philippe Becker.- Déjà, et c’est le bon sens que de le dire, lorsque la trésorerie de l’officine le permet ! Chacun comprendra qu’un associé qui se ferait un chèque de remboursement de manière intempestive pourrait engager sa responsabilité s’il met en péril la situation financière de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle les experts-comptables, les notaires et les avocats prennent soin de traiter avec attention la gestion des comptes courants en inscrivant des garde-fous dans les actes qui s’imposent aux associés : statuts, règlements intérieurs et pactes d’associés.

Les comptes courants peuvent-ils être une source de conflit entre associés ?

Christian Nouvel.- La principale source de conflit apparaît lorsque les comptes courants ne sont pas égalitaires en permanence. Il faut être conscient que les positions des comptes courants peuvent évoluer au gré de dépenses personnelles payées par le compte bancaire de l’officine et c’est bien là où la vigilance est nécessaire. En pratique, il faut s’astreindre à communiquer régulièrement sur les positions et le détail des opérations affectant les comptes courants afin que chaque associé dispose en temps réel d’un bon niveau d’information sur ce point.

Existe-t-il un moyen de rémunérer ce compte courant ? N'est-ce pas une opportunité lorsque l’argent laissé en banque est mal rétribué ?

Philippe Becker.- Les comptes courants peuvent être rémunérés si une disposition statuaire ou une décision collégiale le permet. Vous avez raison, la rémunération pourrait être intéressante comme une sorte de placement, malheureusement la législation limite la déductibilité fiscale des intérêts servis : le taux maximum admis en déduction des résultats est égal à la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour les prêts à taux variable d’une durée initiale supérieure à deux ans.

En d’autres termes ?

Philippe Becker.- Le taux évolue chaque mois et au 30 novembre 2018, il était égal à 1,51 %. Pour mémoire en début 2018 il était égal à 1,65 %. Il faut aussi avoir à l’esprit que les intérêts servis entrent dans la base imposable personnelle de l’associé comme revenus de créances…

Quels sont les risques que l’on court en laissant de l’argent dans une société d’officine ?

Christian Nouvel.- Le risque est de perdre tout ou partie de la somme mise à la disposition de l’entreprise si la pharmacie tombe en déconfiture. Le compte courant n’est pas, sauf convention contraire, une créance protégée ou privilégiée.

On parle d’augmentation de capital par incorporation du compte courant. De quoi s’agit-il ?

Philippe Becker.- Parfois, les associés décident, pour consolider la situation financière, d’incorporer une partie de leurs comptes courants au capital de la société. Concrètement, ils renoncent à la liquidité des sommes qu’ils ont prêtées mais en contrepartie, ils ont plus de titres ou des titres qui ont une valeur nominale plus forte.

En cas de vente, comment est traitée la question du compte courant d’associé ?

Christian Nouvel.- En cas de cession de titres (parts sociales ou actions), les comptes courants devront être remboursés aux associés sortants le jour de leur départ. Une situation est réalisée afin de calculer avec certitude et précision la ou les sommes dues. Ce qui veut dire que les associés remplaçants devront prévoir un financement en conséquence par anticipation.

Propos recueillis par Christophe Micas

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3481