LES RÈGLES de transfert et de regroupement des pharmacies sont complexes et, selon les spécialistes, trop contraignantes. De plus, elles ne sont pas toujours adaptées aux contraintes économiques auxquelles la profession doit faire face.
Pourtant, se regrouper devient une nécessité pour un nombre croissant d’officines. « En ville, les pharmacies réalisant moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires sont souvent condamnées et devront se regrouper. De façon générale, face aux risques et aux menaces qui pèsent sur eux, la planche de salut des pharmaciens est collective, par le regroupement et la mutualisation des services », explique Olivier Desplats, expert-comptable à Lille, membre du réseau Conseil Gestion Pharmacie (CGP). Le regroupement, en effet, poursuit Olivier Desplats, présente de nombreux avantages : un meilleur emplacement, des économies d’échelle, une meilleure qualité de service aux clients, une réponse plus adaptée aux nouvelles missions, la possibilité de créer des secteurs spécialisés dans l’officine, une plus grande attraction pour les jeunes diplômés, une revalorisation de l’outil de travail…
Mais, en pratique, il existe aujourd’hui au moins trois types de regroupements. Le premier, très courant, est le regroupement « sauvage », qui consiste pour un titulaire à verser une indemnité à un confrère qui ferme son officine et restitue sa licence. « Sur les 123 fermetures d’officines constatées en 2013, 93 ont fermé suivant ce modèle », expliquent les experts-comptables de CGP. Mais attention, cette opération comporte un risque important : celui de perdre une partie de la clientèle ainsi « rachetée » et donc de voir s’évaporer le chiffre d’affaires correspondant.
Utiliser la SPFPL.
Le second type de regroupement est juridique, ou capitalistique, avec l’utilisation de la société de participation financière de professions libérales (SPFPL). « La holding de pharmacie a été conçue pour faciliter la restructuration du réseau. Mais en pratique, ce n’est pas le cas, explique encore Olivier Desplats. Dès que nous sommes en présence de deux titulaires ou de plusieurs officines, le décret sur les SPFPL est très limitatif, puisqu’on a aujourd’hui une SPFPL par pharmacien. » Pour contourner cet obstacle, on pourrait imaginer qu’une seule SEL de pharmacie puisse exploiter plusieurs fonds d’officine, d’autant que l’exploitation d’un seul fonds par une SEL a un coût élevé, préconisent les experts-comptables CGP. Une solution qui permettrait de maintenir le maillage territorial en mutualisant les coûts (achats groupés, personnel commun, rationalisation des frais fixes…).
Le troisième type de regroupement ou « vrai » regroupement, enfin, est celui qui consiste, pour plusieurs titulaires, à s’associer dans un même point de vente. Ce sont ces opérations que le projet de loi santé veut assouplir, car jugées trop contraignantes. De fait, seulement 30 « vrais » regroupements ont été réalisés en 2013. En effet, outre le fait que, dans ce type d’association, l’un des titulaires a souvent l’impression d’être absorbé par l’autre, la procédure à suivre est complexe et coûteuse, surtout s’il s’agit d’un regroupement-transfert, avec une exploitation non pas sur le lieu d’une des pharmacies regroupées, mais sur un nouveau point de vente.
Dans tous les cas, selon le Code de la santé publique (CSP), le regroupement doit « répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidente du quartier d’accueil » et ne doit pas avoir pour effet, à l’inverse, de « compromettre l’approvisionnement en médicaments de la population de la commune ou du quartier d’origine ». Surtout, les règles de quotas de population s’appliquent : une fois que le regroupement a eu lieu dans la même commune ou dans des communes limitrophes, les licences libérées sont prises en compte au sein de la commune où a eu lieu le regroupement. À noter toutefois que l’agence régionale de santé (ARS) peut y mettre fin dans un délai de douze ans à compter de l’autorisation de regroupement. À noter également que les regroupements sont toujours prioritaires sur les transferts.
Les règles des transferts.
Pour les transferts, les règles à respecter sont schématiquement les suivantes (article L 5125-14 du Code de la santé publique). Comme pour les regroupements, l’approvisionnement en médicaments de la population du quartier ou de la commune d’accueil doit être optimal, et celui du quartier ou de la commune d’origine doit rester garanti (il faut prouver qu’il y a un besoin en médicaments dans le quartier ou la commune d’accueil et qu’il n’y a pas d’abandon de la population d’origine).
Ensuite, lorsque le transfert a lieu dans une autre commune, la commune d’origine, si elle n’a qu’une pharmacie, doit comporter moins de 2 500 habitants, ou, à défaut, un nombre d’habitants par pharmacie supplémentaire inférieur à 4 500. Et en toute hypothèse, l’ouverture d’une nouvelle officine doit être possible dans la commune d’accueil (avec donc, par exemple, plus de 2 500 habitants s’il n’y a pas encore de pharmacie dans cette commune).
Attention aussi : le préfet peut dans certains cas imposer une distance minimale entre les officines du quartier où le transfert a lieu. En revanche, le transfert d’une officine au sein d’une même commune ou d’un même quartier n’est pas conditionné par le respect des seuils de population de la commune.
Ce sont donc ces règles que le projet de loi santé du gouvernement entend assouplir. Mais pas tout de suite. Concrètement, le texte du projet de loi devrait autoriser le gouvernement à prendre les mesures nécessaires par voie d’ordonnance, dans un délai maximum de deux ans.
Quelles pourraient être ces mesures ? Si l’on se réfère au rapport Ferrand (du nom du député ayant remis un rapport sur les professions réglementées au ministre de l’Économie), il s’agirait de faciliter les transferts intra-communaux dans les communes ne comptant qu’une seule officine, ainsi que les transferts depuis une commune excédentaire - au regard des critères de population - vers une commune incluse dans un zonage défini par l’ARS comme étant déficitaire en matière d’offre pharmaceutique.
D’autre part, le regroupement d’officines dans les communes autres que celles des officines à l’origine du regroupement pourrait être envisagé. De plus, les transferts ou regroupements dans les communes sans officine, mais au sein desquelles est implantée une maison de santé pluridisciplinaire ou un centre de santé, pourraient être autorisés, quand bien même les quotas de population ne seraient pas atteints, pour des raisons de cohérence territoriale et d’accès aux soins de premier recours.
Enfin, alors qu’aujourd’hui il n’est pas possible de céder ou de transférer une officine immédiatement après un regroupement, les cessions dans les cinq ans suivant un transfert pourraient être autorisées. Cette mesure permettrait la restructuration de l’offre de pharmacies pour tenir compte de certaines évolutions telles que la mobilité médicale ou la fermeture d’établissements de santé.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin