Neuf organisations professionnelles à signer d’une seule main pour défendre la pharmacie d’officine ? C’est bien ce qui s’est produit mardi, lors d’une réunion commune des trois syndicats (FSPF, UNPF et USPO), de l’Ordre des pharmaciens, des représentants des groupements et enseignes (CNGPO, FEDERGY et UDGPO) et des étudiants (ANEPF)*. Car le constat est amer pour l’ensemble de la profession. « Le gouvernement doit s’occuper d’urgence de la pharmacie, qui est actuellement totalement abandonnée ; on ne la retrouve dans aucun projet, pas même celui de la e-santé », se désole Gilles Bonnefond, président de l’USPO.
La situation économique reste en berne, avec une rémunération en baisse pour la deuxième année consécutive et des emplois menacés par des fermetures brutales qui impactent le maillage territorial. Une officine ferme tous les deux jours en France et la tendance ne faiblit pas. « On comptabilise 50 fermetures au premier trimestre de l’année », souligne Alain Delgutte, président du conseil central A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens. « La pharmacie d’officine est la profession qui connaît le plus de récessions par rapport aux objectifs de dépense de l’assurance maladie (ONDAM), on est dans le négatif alors que les baisses de prix se poursuivent », ajoute Gilles Bonnefond. Notant que d’autres acteurs de la santé parviennent à obtenir des garanties intéressantes, « comme les médecins ou les industries de santé », l’ensemble de la profession appelle le gouvernement à réagir avant qu’il ne soit trop tard. Avant l’automne et le vote du prochain budget de la Sécurité sociale. Ce rassemblement de la profession a pour but de mutualiser les moyens et de faire entendre une seule voix « pour une prise de position rapide face aux impacts économiques actuels et notamment les baisses de prix, et surtout face aux deux échéances à venir en 2017, la convention nationale pharmaceutique et l’élection présidentielle », souligne Philippe Gaertner, président de la FSPF.
Consultation nationale
C’est d’abord un manifeste commun qui va être remis au gouvernement, rappelant non seulement la situation économique des pharmaciens, mais aussi la volonté de la profession de se réformer. « La ministre de la Santé a en face d’elle une profession qui est prête à relever tous les défis de demain tels que le vieillissement de la population, la prévention et le dépistage, la coordination interprofessionnelle… Malheureusement, nous avons l’impression que plus nous sommes prêts au dialogue et moins nous sommes entendus », déplore Gilles Bonnefond. C’est pourquoi le « Manifeste pour la pharmacie française » sera largement distribué et servira également de base de discussion lors de la campagne de sensibilisation des élus locaux. Le principe est que chaque pharmacien qui connaît un élu, quel qu’il soit – maire, sénateur, député, conseiller départemental ou régional – aille présenter la situation de la profession. Enfin, une affiche est en cours de finalisation et s’adressera directement aux patients, en les alertant sur les risques de déstabilisation du réseau officinal.
« La grande consultation nationale de la pharmacie d’officine lancée par la FSPF devient un élément partagé de la profession, précise Philippe Gaertner. Elle comprend un volet de propositions d’actions auquel tous les pharmaciens sont invités à répondre. Ils sont libres de s’exprimer et de proposer leurs propres idées d’actions. » Une grande consultation qui se fera en ligne sur un site dédié qui devrait être lancé d’ici à quelques jours.
Durcir le mouvement
Ce rassemblement de la profession commence donc par une stratégie de communication et de sensibilisation pour être entendu. Mais les représentants des neuf organisations n’excluent pas de durcir le mouvement si nécessaire. C’est pourquoi toute idée est bonne à prendre (voir le sondage du « Quotidien » ci-dessous). « La situation est intenable et l’ensemble de la chaîne de la pharmacie en a pris conscience, prévient Gilles Bonnefond. Des pharmaciens nous appellent parce que leur trésorerie est plombée, les grossistes nous informent que de plus en plus de pharmaciens n’arrivent plus à payer à échéance, les titulaires doivent demander des différés ou un prêt supplémentaire à la banque… et quand leur grossiste ou leur banquier ne les suit plus, c’est la catastrophe. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Et des pharmaciens sont prêts à se jeter sous un train… »
Très clairement interpellée, la ministre de la Santé est attendue sur tous les fronts. « Certes, Mme Touraine est contrainte par l’ONDAM à 1,75, mais ce que nous demandons c’est que cet ONDAM pèse de la même manière sur tous. Nous lui demandons de mettre en œuvre ce que la loi prévoit, donc que paraissent enfin les décrets et ordonnances en attente pour que les textes de 2009 et 2012 entrent enfin en application. C’est de la responsabilité de la ministre de la Santé », ajoute Philippe Gaertner. D’après Gilles Bonnefond, les pharmaciens sont bien décidés à se faire entendre : « Se plaindre en silence, c’est terminé ! »
*Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Union nationale des pharmacies de France (UNPF), Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Conseils centraux A (titulaires), D (adjoints) et E (outre-mer) de l’Ordre national des pharmaciens, Collectif national des groupements de pharmacies d’officine (CNGPO), Federgy (chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies), Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO), Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et Association de pharmacie rurale (APR).
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