Le Quotidien du pharmacien.- Selon votre récente étude, les pharmaciens semblent avoir réduit leur frais de personnel en 2016. Comment interprétez-vous cette tendance ?
Philippe Becker.- Tout d’abord le recul est très faible et on doit plutôt parler de stabilisation lorsque l’on analyse cela en rapport au chiffre d’affaires. Ceci étant précisé, les pharmaciens adoptent une attitude prudente en matière de gestion du personnel et ils ont raison, car l’évolution de l’activité rend incontournable la maîtrise de la masse salariale. La pharmacie « moyenne » de nos statistiques qui dégage 31,47 % de marge brute doit consacrer 10,47 % au paiement des salaires et charges. Mathématiquement, il ne reste que 21 % pour régler les autres frais généraux, les impôts, le banquier et se rémunérer… Chacun comprendra donc que la masse salariale est une des seules variables d’ajustement avec la rémunération du titulaire !
Êtes-vous sollicité sur les décisions à prendre en la matière quand la situation se dégrade ?
Christian Nouvel.- L’expert-comptable est souvent en première ligne sur ces questions, soit pour alerter, soit pour trouver des solutions. Nous savons que dans beaucoup de cas, un dérapage des frais de personnel a des conséquences immédiates lorsque l’activité stagne. Dans le passé, lorsque les chiffres d’affaires progressaient bien, une embauche en trop était vite absorbée. Aujourd’hui ce n’est plus vrai ! Alors il faut toujours faire une prévision avant embauche, même rapide. Cela permet de bien mesurer les conséquences.
Selon vous, les ordonnances qui viennent de modifier le Code du travail vont-elles simplifier la gestion des ressources humaines en pharmacie ?
Philippe Becker.- Disons que ces nouveaux textes vont donner plus de visibilité aux chefs d’entreprise que sont les pharmaciens. L’incertitude sur un possible contentieux va par exemple disparaître avec l’application d’un barème. Cela va faire réfléchir et entraînera certainement une recherche de solutions négociées au travers de la rupture conventionnelle.
Christian Nouvel.- Il faut avoir à l’esprit que les licenciements pour faute ou insuffisance professionnelle sont assez rares car les officinaux encadrent, du fait des textes, un personnel qualifié, voire très qualifié. Vos lecteurs pharmaciens ne s'en rendent pas toujours compte, mais ils bénéficient d’une situation privilégiée par rapport à beaucoup d’autres professions. Il est vrai que la responsabilité professionnelle est importante. Dans les faits, l’essentiel des licenciements est lié à des réductions d’effectif pour des raisons économiques, souvent dans le cadre d’une reprise d’officine ou de parts de société.
Dans ce cas, vous demande-t-on, en tant qu’expert-comptable, d’intervenir directement auprès du personnel pour expliquer la situation ?
Philippe Becker.- Dans beaucoup de cas, nous préparons avec l’aide des juristes, ou d'avocats spécialistes du droit du travail, le déroulé de la procédure et l’argumentaire économique ou structurel. Nous ne pouvons jamais remplacer les pharmaciens titulaires ou les co-gérants, la Cour de cassation l’a rappelé encore récemment. Mais si nous pouvions le faire ce serait une prestation très demandée… Mais comme on ne peut pas licencier par procuration en France, nous restons à notre place de conseil.
Christian Nouvel.- Nous l’avons déjà signalé dans d’autres interviews, le pharmacien vit avec son équipe toute la journée de travail et donc ces situations sont compliquées à gérer lorsqu’elles surviennent, surtout dans le cadre de suppression de poste pour raisons économiques. D’où l’impérieuse nécessité de bien faire ses calculs avant d’embaucher. Ce message passe de mieux en mieux !
Que doit-on penser de la suppression du CICE et son remplacement par une baisse des charges sur les bas salaires ?
Philippe Becker.- Il est raisonnable d’attendre la publication définitive des textes mais d’ores et déjà nous savons que le taux du CICE va baisser d’un point en 2018, ce qui n’est pas une bonne nouvelle. Le CICE, qui avait longtemps été décrié par le patronat, a fini par convaincre, car les contreparties exigées étaient appréciées avec souplesse et surtout parce que la limite de 2,5 fois le SMIC couvrait l’essentiel du personnel non-cadre. La crainte est de voir le CICE remplacé par des allégements très concentrés sur les salariés payés au SMIC. On ajoutera que dans sa version nouvelle, le CICE serait moins intéressant sur le plan fiscal, car l'économie de charges sociales sur bas salaires viendrait augmenter la base imposable, ce qui n'est pas le cas dans la version actuelle.
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