Le Quotidien du pharmacien. Le texte révisant les règles de la communication des pharmaciens est toujours entre les mains de la ministre de la Santé. Les pharmaciens s'impatientent. Comptez-vous interférer pour que ce dossier aboutisse enfin ?
Carine Wolf-Thal.- Absolument. Il s'agit d'un dossier connexe à celui du code de déontologie puisque, comme vous le savez, nous avons proposé au ministère de faire évoluer le code de déontologie sur trois axes distincts. Nous resserrons dans un premier volet tout ce qui a trait à la déontologie, le second volet concerne justement la communication et la publicité des officinaux, tandis qu'un troisième volet réunit l'ensemble des articles du code actuel qui ne trouvaient leur place ni dans le premier, ni dans le second volet. Nous avons largement évoqué le sujet de la publicité lorsque nous avons rencontré la ministre en septembre dernier, mais également avec la nouvelle directrice de la DGOS il y a une dizaine de jours. À chaque fois, nous avons insisté pour que les travaux sur ce thème soient rapidement relancés. Une prochaine réunion de travail sur la communication des officinaux est ainsi fixée au 27 novembre.
Personnellement, quel est votre credo en matière de communication ?
Je crois qu'il faut donner aux officinaux les moyens de communiquer sur leurs activités et plus largement sur les services de santé. La population a besoin d'identifier clairement les services offerts par les pharmaciens. Je pense notamment aux actions de prévention et de dépistage. Avec cet objectif, il faut trouver le juste équilibre entre les messages de santé publique et ceux à caractère purement publicitaire. Personnellement, je n'ai pas de problème avec le statut « bicéphale » du pharmacien qui est à la fois un professionnel de santé qualifié et un commerçant. Dans les messages qu'il adresse au public, que ce soit par sa vitrine ou sur Internet, le pharmacien ne doit pas oublier qu'il porte ces deux casquettes.
Concernant la question précise de la communication des groupements de pharmaciens, je pense qu'il faut avant tout que le patient s'y retrouve. Autrement dit, que le patient puisse exercer son libre choix vers une pharmacie pour les services de santé qu'elle propose ou pour son caractère attractif sur le plan commercial. Il faut que tout le monde y trouve son compte. Le patient d'abord, mais aussi les officinaux qui n’ont pas toujours les moyens de développer par eux-mêmes une communication attractive conforme à notre déontologie professionnelle. C'est d'ailleurs avec l'objectif de réduire cet écart de moyens entre les pharmaciens, que l'Ordre projette de proposer aux pharmaciens des supports à vocation informative sur des thèmes de santé publique. L'Ordre va donc non seulement se battre pour faire avancer les textes sur la communication, mais aussi aider directement les pharmaciens à mieux communiquer.
La volte-face de la ministre de la Santé concernant la disponibilité de l'ancienne formule du Lévothyrox n'a-t-elle pas, selon vous, mis les pharmaciens en porte-à-faux par rapport à leurs clients ?
Concernant cette situation, je tiens d'abord à saluer la mobilisation de toute la profession. Car cet épisode a été difficile à vivre pour les officinaux, certes, mais aussi pour les grossistes-répartiteurs, les industriels et les biologistes. L'ensemble de la profession s'est mobilisé et son travail a été remarquable.
L'emballement médiatique, qui comportait une part d'irrationnel, a certainement joué un rôle. Mais dans ce contexte-là, je comprends la réaction de la ministre. Je pense qu'il n'y avait pas d'autre choix que de lâcher la pression pour mieux reprendre le contrôle ensuite. Bien sûr, que cela n'a pas été facile pour les officinaux, mais pour avoir géré cette crise moi-même dans mon officine, je peux vous dire que la ministre a fait le bon choix.
Ce qui nous a sauvés d'une crise sanitaire majeure, c'est la sécurité de notre chaîne du médicament. Sécurité assurée grâce à la présence d'un pharmacien à tous les maillons de la chaîne, de l'industriel à la dispensation en passant par la répartition.
Concernant l'expérimentation de la vaccination à l'officine, trouvez-vous le dispositif satisfaisant. Notamment la cible des patients concernés ne vous semble-t-elle pas trop restreinte au regard des objectifs de la mesure ?
J'ai deux grandes satisfactions à exprimer sur le sujet. Avant tout pour l'extraordinaire mobilisation des pharmaciens, alors même que la profession a eu très peu de temps pour s'organiser. Aujourd'hui on peut ainsi se féliciter que près de 4 000 pharmaciens, titulaires et adjoints, répartis dans environ 2 300 officines soient autorisés à vacciner. Près de 80 000 vaccinations ont été réalisées, et c'est là l'objet de ma seconde satisfaction. C’est une véritable démonstration de ce que les pharmaciens peuvent apporter à la population en terme de prévention.
Quant à la restriction concernant les primo-vaccinés, c'est en effet une déception qu'il a fallu surmonter. Ce choix est d'autant plus regrettable que cette restriction risque d'entacher le résultat de l'expérimentation qui visait à améliorer la couverture vaccinale. En effet, l'entourage des personnes fragiles, par exemple, échappe à la vaccination, ce qui pénalise l'objectif de départ. Quoi qu'il en soit, j'ai bon espoir que la ministre de la Santé fera évoluer le dispositif vers un élargissement de la cible.
Parmi les missions en déploiement dans les officines figure la PDA. Êtes-vous favorable à son développement ?
Oui, absolument. Rappelons d'abord que la PDA est prévue par l'article R 4235-48. du Code de la santé publique. Ce qui manque encore, ce sont les bonnes pratiques de la PDA. Pour autant, la PDA est déjà pratiquée dans certaines officines qui proposent ce service à leurs patients en perte d'autonomie. Je suis convaincue qu'il s'agit là d'une façon d'améliorer l'observance des traitements lourds ou des patients polymédiqués. C'est à mon sens une excellente alternative à la délivrance à l'unité en laquelle je crois moins. La PDA est clairement une évolution nécessaire bénéfique en termes de lutte contre la iatrogénie et le mésusage du médicament.
En septembre dernier, des officinaux spécialisés en pharmacie vétérinaire devaient comparaître devant le tribunal de Clermont-Ferrand. L'Ordre s'est porté partie civile à ce procès qui aura finalement lieu en mars 2018. Allez-vous réexaminer votre position ?
Je serai très ferme sur ce sujet. Chaque fois qu'un pharmacien se retrouvera devant un tribunal, l'Ordre se portera partie civile ! Qu'il soit question de pharmacie vétérinaire ou de tout autre sujet, il est dans les missions de l'Ordre de se porter partie civile. Cela étant dit, il faut rappeler que ce choix ne présage en rien de la culpabilité ou de l'innocence du confrère. En outre, être partie civile permet d'avoir accès aux pièces du dossier, et donc de pouvoir plaider, ou pas, en conséquence. Voilà pour la forme.
Quant au fond du dossier, je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut réfléchir d'une façon plus globale sur la problématique de la dispensation des médicaments vétérinaires. L'Ordre est d'ailleurs tout à fait favorable au Grenelle de la pharmacie vétérinaire qui est en train de s'organiser avec l'ensemble des parties prenantes du dossier. On y défendra la pharmacie vétérinaire, dans ce cadre-là.
La poussée d'Amazon et des autres places de marché dans le monde de la pharmacie vous inquiète-elle ?
Oui, cela m'inquiète pour les raisons de sécurité sanitaire que j'évoquais tout à l'heure. C'est déjà une réalité aux États-Unis où, dans 12 États, Amazon peut distribuer des médicaments, y compris sur ordonnance. Clairement, le souci est la qualité de la chaîne et la sécurité de la dispensation du médicament. Quid du conseil du pharmacien ? Quid de la surveillance des interactions et de l'usage du dossier pharmaceutique qui serait rendu impossible ?
Ceci dit, cette évolution n'est pas une fatalité. Car heureusement il existe plusieurs outils qui peuvent aider à s'en prémunir. La directive sur la sérialisation des médicaments et la lutte contre les falsifications, par exemple. Incontestablement, la contrefaçon est une préoccupation majeure en France comme dans de nombreux autres pays. Voilà pourquoi je reste néanmoins optimiste. Je pense que nos autorités sont sensibles à la sécurité et à la qualité de la distribution du médicament en France. Par ailleurs, notre maillage qui permet un accès au médicament de tous les Français est une protection relative contre ces dérives.
L'entrée des fonds d'investissement dans le capital d'un nombre croissant d'officines est-elle, selon vous, de nature à menacer le réseau officinal ?
Notre mission à l'Ordre, c'est de s'assurer, lors de l'inscription au tableau, conformément à la loi, que le pharmacien est bien propriétaire du fonds. On vérifie donc la conformité d'un certain nombre de conditions, et notamment qu'il n'existe pas de clause particulière qui pourrait porter sur un contrat de financement. Pour autant aujourd'hui, nous n'avons aucun contrôle à apporter sur les modalités du financement ni sur l'origine des fonds. Pour l'heure, tant que les règles de détention du capital ne changent pas, le pharmacien reste bien propriétaire et indépendant. Et c'est bien là la ligne à ne pas franchir : l'indépendance du pharmacien. Il ne faut surtout pas que le pharmacien soit aliéné par le biais de montages financiers.
Mais cette vigilance ne doit pas nous empêcher de mener une vraie réflexion sur la façon d'apporter de l'oxygène à notre profession et lui permettre de se restructurer. Des mesures d'aide au financement ont déjà été apportées, telle la possibilité pour les adjoints d'entrer au capital des officines. Pour l'avenir de la pharmacie, il faut absolument accompagner ce type de mesure.
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