Le Quotidien du pharmacien.- À la signature de l’avenant 11, vous aviez prédit qu’il faudrait deux ans de réforme pour repasser dans le positif. Or n’est-ce pas déjà le cas dès aujourd’hui ?
Gilles Bonnefond.- C’est vrai puisque les chiffres présentés par l’assurance-maladie dans le cadre de l'observatoire de suivi de la rémunération démontrent que 82 millions d’euros de marge supplémentaire (73 millions pour le médicament allopathique et 9 millions pour l’homéopathie) ont revalorisé le réseau officinal. Par conséquent, en dépit d’une baisse de 0,9 % des honoraires liés au conditionnement et d’une réduction de 2,2 % du volume des honoraires complexes, il se dégage un solde positif de 56 millions d’euros, soit une hausse de 1,1 % de la rémunération du pharmacien (marge plus honoraires) dès la première année.
Cette embellie de la rémunération officinale correspond-elle à vos prévisions ?
Les chiffres de l’assurance-maladie diffèrent toujours un peu de ceux que notre syndicat publie à partir des chiffres d'IQVIA issus de 14 000 officines puisque, dans un souci de transparence, nous introduisons également dans nos calculs les ventes de médicaments soumis à la marge réglementée mais non présentés au remboursement. Or ces produits sont les plus soumis aux fluctuations liées aux pathologies saisonnières.
Cependant, cette première étape de la réforme de la rémunération est positive. Il faut que le pharmacien reprenne confiance. Il est désormais au bout du tunnel des années 2015 à 2017. Les premiers chiffres 2019 le démontrent, nous renouons avec les niveaux des années 2013-2014. Nous sortons enfin d’un schéma qui nous faisait payer très cher la baisse des prix. Il ne fallait pas que 2018 ressemble au désastre de 2017. Nous y sommes non seulement parvenus, mais nous avons aussi amorcé 2019 et 2020 dans de bonnes conditions.
Est-ce à dire que l’avenir de l’économie officinale est désormais sur de bons rails ?
Si je me félicite de ces tendances positives, je ne puis complètement m’en satisfaire. En effet, deux questions demeurent en ce qui concerne l’avenir de deux honoraires : d’une part l’honoraire à la boîte (1 euro), une disposition voulue par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et à laquelle l'USPO n’était pas favorable dès l'origine car elle est totalement inadaptée à la baisse des volumes de médicaments et au risque de déremboursement de l'homéopathie, que l'USPO combat sans relâche. D’autre part, ce fut une erreur de revaloriser, en 2020, de 40 millions d’euros l’honoraire complexe (ordonnance de 5 lignes et plus), une décision voulue par la FSPF. Je regrette d’y avoir cédé par souci de compromis. Il faudra revoir, au cours des négociations prévues en 2021, ces deux honoraires qui sont en négatif et nous pénalisent.
Vous l’avez dit, l’année 2017 avait été désastreuse avec une baisse de 2,5 % de la rémunération officinale*. Certaines officines qui peinent à s’en remettre économiquement vont-elles être amenées à déclencher la clause individuelle de sauvegarde prévue à l’avenant 11 de la convention pharmaceutique ?
L’année 2017, dernière année de la réforme précédente, plombe en effet la profession et impacte les bilans publiés récemment par les comptables. Je pense que les titulaires qui devront recourir à la clause individuelle de sauvegarde seront heureusement peu nombreux, quelques dizaines tout au plus qui auront vu baisser leur marge à cause du changement des paramètres de marge. Ils ne seront pas perdants puisque l'assurance-maladie les compensera à l'euro près au-delà de 350 euros. Je demande aux éditeurs de logiciels et aux sociétés de statistiques de fournir aux pharmaciens des simulations afin de leur donner davantage de visibilité quant à l’évolution de leur marge sur l'activité 2018 en comparant avec la marge de 2017 et de faire des prévisions individuelles sur cette même activité avec la marge de 2019 et 2020.
Peut-on attendre des trois nouveaux honoraires introduits en ce début d’année qu’ils soient un levier de croissance pour l’officine, tandis qu’en même temps le CICE, une source de revenu d'un montant de 96 millions d’euros, va disparaître en 2019 ?
Le CICE va être intégralement compensé par des allégements de charges sociales. Par ailleurs, d’autres formes de ressources apparaissent avec les trois nouveaux honoraires qui, au cours de ces quatre premiers mois, ont injecté plus de 44 millions d'euros. Les bilans partagés de médication, dont on va modifier les modalités de paiement, la ROSP équipement, la revalorisation des indemnités des FSE et des outils de mise à jour de la carte Vitale… Sans compter la revalorisation des gardes. Ces nouveaux éléments dégagent de la marge et de la trésorerie. Nous continuons donc d’amplifier le phénomène de protection des baisses de prix.
Vous êtes donc plutôt satisfait par ce premier bilan de la rémunération officinale, près de deux ans après la signature de l’avenant 11 ?
Globalement oui, je trouve que ce que nous avions prévu est au rendez-vous, et même davantage, et les pharmaciens nous le disent. Il faut néanmoins rester attentif sur la réforme du métier prévue par l'avenant 11 et surtout ne pas relâcher notre investissement dans le bilan partagé de médication. Nous allons nous atteler aux formalités de son règlement et surtout à sa simplification. Il faut absolument que le pharmacien puisse être payé tout de suite sur facture. C’est une condition sine qua non de son implication. De même, nous allons demander aux pharmaciens de s’engager dans la vaccination, l’ouverture des DMP et dans les CPTS. Ces quatre chantiers représentent les prochains challenges de la profession. Ils ancreront le pharmacien dans son rôle de professionnel de santé reconnu, celui que nous avons préparé grâce à la signature de l'avenant 11 qui réforme en profondeur son mode de rémunération et sa place dans l'équipe de soins de proximité.
* Statistiques CNAM.
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